““Quatorze mois””, le livre bouleversant de la maman de Mélissa
Ici, rien ne peut détourner mon attention. Ici, à la maison, il reste des traces de toi partout, photos, vêtements, jouets, cahiers, qui me permettent de te sentir plus proche. Tant pis pour le travail, tant pis pour le salaire, tant pis pour l’argent, Travailler, oui. Mais pas à n’importe quel prix, pas dans n’importe quelles conditions. Travailler dans un tel contexte d’attente et d’angoisse est insupportable.
Les mots qui noircissent son livre, Carine Russo ne les destinait pas au public. Ils étaient pour sa fille, enlevée le 24 juin 1995. Une lettre pour chaque jour d'absence. 60 interminables semaines. C'est aujourd'hui le devoir de mémoire qui pousse la maman de Mélissa à publier ce recueil. Parce que derrière l'angoisse et la souffrance, c'est le calvaire de l'affaire la plus médiatique de notre pays qui se dessine en filigrane. Derrière les mots d'amour, c'est le témoignage implacable des failles de la justice, de l'impuissance des familles et des manquements des institutions belges.
On devient fous ! Plus moyen de mettre deux idées l’une à la suite de l’autre. Et dans ces conditions, plus moyen non plus d’en mettre une seule en route. On ne fait plus qu’attendre. Péniblement. On attend. Tout et n’importe quoi. Mes nuits se peuplent de cauchemars. Mes journées sont encore des cauchemars.
Pas l'emblème de la douleur
"Quatorze mois", c'est aussi l'occasion pour Carine Russo de rendre leur humanité, leur intimité aux évènements. Redevenir maman plutôt que martyre. Parler d'une petite fille plutôt que d'une représentation. Raconter sa douleur loin des apparences de dignité et de courage, que le public a pu lui coller.
Vous n’êtes plus perçues comme des petites filles en chair et en os à rechercher. Vous commencez à être perçues comme des symboles, des icônes. Symboles de l’enfance méprisée, symboles de l’injustice faite aux plus fragiles. Et nous, vos parents, sommes en passe de devenir les symboles de cette lutte contre l’injustice. Que tout cela est effrayant ! Je ne suis pas ce que l’on voit, ce que l’on croit, ce que l’on donne à penser de nous ; je ne suis pas forte, ni courageuse, ni guerrière. Non, je suis tout le contraire : fragile, perdue, triste, fatiguée, impuissante.
Lire ces quelques lignes, c'est suffoquer. Et espérer une fin différente, espérer changer une donne dramatique, vieille de deux décennies. Et c'est partager, une nouvelle fois 20 ans après, la solidarité et le chagrin de tout un pays.
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