Témoignage: ““J’ai survécu au drame de Sierre””
"Avec ma classe, on décomptait les jours qui nous séparaient de notre semaine de ski en Suisse. On avait tellement hâte d'y être! Aujourd’hui, la seule chose qu'il nous reste, c'est le souvenir terrible de ce voyage de l'horreur. C'était la nuit. Dans le car, tout le monde dormait, moi y compris. Je n'ai aucun souvenir du choc. Je me suis réveillée dans une chambre d'hôpital en Suisse, après six jours de coma. En ouvrant les yeux, j'ai aperçu mon père, ma mère et mon frère qui veillaient à mon chevet. Je trouvais la chambre étrange. Je ne savais plus où j'étais. Papa m'a expliqué ce qui s'était passé. Il m'a aussi parlé de mes copains de classe, morts dans l'accident. Sur le moment, je n'ai pas tout compris. Les antidouleurs m'avaient complètement assommée. Ma boîte crânienne avait été partiellement broyée. J'avais aussi la cheville, le talon, le coude, la cavité oculaire et trois cervicales cassés, ainsi que deux fractures ouvertes.
Aujourd'hui encore, je suis incapable d'entrer dans le cimetière où mes amis sont enterrés.
Une longue revalidation
Je suis restée deux mois à l'hôpital, le temps de subir plusieurs interventions chirurgicales. Je peux m'estimer heureuse de ne pas avoir gardé de séquelles au niveau cérébral. La revalidation qui a suivi mon opération a été longue et pénible. J'ai souvent pleuré de douleur. Si j'ai tenu le coup, c'est grâce à mon rêve. Depuis toujours, j'espérais faire carrière dans le basket. J'ai eu raison de m'accrocher. Un an après l'accident, j'étais de retour sur le terrain. Pas à mon top, mais c'était déjà ça. Ce qui m'a le plus pesé, ces dernières années, c'est l'attitude de mes proches. Même si je comprends leur réaction, j'ai trouvé difficile de me sentir surprotégée en permanence. Ils ont du mal à comprendre que j'ai besoin de reprendre le contrôle de ma vie.
Retour sur les lieux du drame
Beaucoup de gens me demandent ce que cela fait de figurer parmi les rares survivants de l'accident. Je ne réalise pas tout à fait que j'ai échappé à la mort. J'ai trouvé le courage de retourner à Sierre, sur les lieux de l'accident. J'ai même écrit un message sur les murs du tunnel. Mais je ne suis pas encore capable de mettre un pied dans le cimetière où mes anciens copains de classe sont enterrés. Cet accident m'a causé un sérieux traumatisme psychologique. Perdre tant d'amis en une fois, c'est horrible! Mais malgré le chagrin immense qui m'accable, je n'ai jamais voulu consulter un thérapeute. Je ne pense pas qu'un étranger soit capable de comprendre ce que je ressens au fond de moi. J'essaye de vivre avec mes cicatrices, physiques et psychologiques. Et j'espère pouvoir rejouer au basket sans avoir mal à chaque mouvement.
Revivre normalement
J'ai des hauts et des bas, mais je cherche à regarder vers l'avenir. Certains jours, je me sens parfaitement bien. D'autres, pas du tout. Au moment de l'accident, j'avais 11 ans, mais j'ai l'étrange impression d'être devenue adulte du jour au lendemain. J'ai aussi dû faire une croix sur mon rêve: plus question pour moi d'envisager une carrière dans le basket. Désormais, je souhaite devenir avocate spécialisée dans le Droit des enfants. Je monte à nouveau dans des autocars, mais je choisis toujours la même place que celle que j'avais dans celui pour Sierre. En hommage à mes amis disparus, je suppose."
Interview: Jill de Bont. Photos: Joost Joossen.
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