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© Plan/Yannick Folly

Témoignage: ““J’ai échappé au harcèlement sexuel et au mariage forcé””

Barbara Wesoly
Ce 11 octobre se déroulait la Journée de la fille visant à réduire les inégalités entre les genres. À cette occasion, Adeline N’Ouemou, 17 ans, ambassadrice de l'ONG Plan Belgique est venue s'exprimer au parlement et raconter les abus que vivent au quotidien les filles de son pays.

Imaginez-vous un état ou naître fille est un danger, une somme de risques. Celui, dès les premières jours, de ne pas être déclarée et de n’avoir donc aucune identité légale. Autant dire une porte ouverte au trafic d’enfants ou à l’enlèvement, en toute impunité. Celui aussi, de ne pas avoir le droit d’aller à l’école. Pas par interdiction de l’état, non, juste parce que votre famille jugerait cela inutile. Considérerait comme une perte de temps de scolariser une fille. Celui enfin, si vous parveniez à franchir ces deux barrières, d’être victime de harcèlement sexuel de la part de vos professeurs masculins. Et pire encore, que cela semble normal à votre entourage comme aux autres jeunes. Partie banale d’un système confortablement établit sur ses injustices.

 

Deux vérités

Difficile d’imaginer. Alors que des centaines de milliers de jeunes femmes et de petites filles belges ont vécu leur rentrée des classes il y a à peine un mois. Presque impossible par contre d’envisager une autre réalité que celle-là, pour toutes celles qui grandissent au Bénin, dans une société qui ne connaît pas le mot égalité. C’est tout cela et plus encore que dénonce Adeline N’Ouemou par son action via la campagne Unlock the power of girls (Libérez le pouvoir des filles) et le projet Girl Power de l’association Plan Belgique. En cette Journée de la fille, qui mettait à l’honneur le combat des femmes à travers le monde, Adeline s’est exprimée devant une assemblée de parlementaires belges ainsi que devant le vice-premier ministre et ministre fédéral de la Coopération au développement Alexander De Croo, pour les sensibiliser aux problèmes des filles du Bénin. L’occasion pour nous de rencontrer ce petit bout de femme, pas encore majeur, mais dont le courage promet de déplacer des montagnes.

 

Enfance à haut risque

Je viens de l’Atacora, au nord du Bénin. J’ai perdu mon papa à 5 ans. Ma maman nous a donc élevé, mon petit frère, ma petite sœur et moi. Contrairement à la majorité des jeunes, j’ai grandi dans une famille qui n’était pas dirigée par les hommes. Ma mère m’a toujours poussée à être libre, forte et à me battre pour réussir. Mais, dans ma région, comme dans tout le pays, les jeunes filles sont trop souvent les victimes d’une grossesse précoce, ou d'un mariage forcé. Peu ont la possibilité d’aller en cours, et celles qui le peuvent sont très souvent victime de harcèlement sexuel de la part de leurs professeurs.

Une adolescente sur trois est déscolarisée pour cause de mariage forcé.

 

Je viens d’avoir mon bac. Mais, si nous étions 22 filles à avoir commencé nos études ensemble, nous n’étions plus que 6 en dernière année, dont seulement trois ont réussi. Les autres resteront à la maison avec les enfants, travailleront aux champs, ou, si elles ont de la chance, pourront devenir commerçantes.

 

Féminisme précoce

À dix ans, je suis entrée dans un grand collège, et j’ai réalisé tous les abus qui s’y déroulaient. J’ai vu des adolescentes de 13 ans tomber enceintes. Et des professeurs qui insultaient les filles ou les obligeaient à coucher avec eux pour pouvoir passer dans la classe supérieure. Mais je n’avais pas le courage d’agir toute seule. Je ne savais pas comment changer les choses, alors que les garçons trouvaient cette situation normale, voire juste et que les filles n’osaient pas parler ni bouger. 

J’ai vu des adolescentes de 13 ans tomber enceintes.

 

Alors, quand Plan est venu dans mon collège il y a 2 ans, je n’ai pas hésité à participer à leur action pour défendre les filles de ma communauté. C’est pour elles que je me bats, et pour toutes celles dans le monde qui pensent ne pas pouvoir devenir qui elles souhaitent.

 

Lutter avec toutes les armes

 

Pour aider et informer les filles, je vais parler dans les classes. Expliquer qu’il faut utiliser des moyens de contraception et prendre ses études au sérieux. Se battre, même si c’est très dur, pour gagner son avenir et sa liberté. Je joue également au foot depuis mes huit ans. Et je suis devenue capitaine de mon équipe. En plus d’adorer ça, c’est aussi un moyen pour moi de sensibiliser les filles. Et de montrer aux garçons que nous sommes aussi capables qu’eux. Que ni ce sport, ni rien d’autre, n’est réservé aux hommes.

Mon but est qu’aucune fille ne puisse plus échouer juste parce qu’elle est une femme.

 

Si j’ai la chance d’avoir réussi, ce n’est pas aussi simple pour mes cousines, ma sœur, mes amies, qui vivent des situations très dures et sont les victimes de nombreuses injustices. Alors, aujourd’hui, je rêve de devenir avocate, pour défendre les femmes.  Lutter pour leur liberté et leur autonomie. Et leur donner le droit de choisir qui elles veulent être, sans devoir se soumettre à l’autorité d’un homme.

 

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Et pour en apprendre plus sur le projet Girl Power:

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