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FAUT QU’ON PARLE: Catherine Deneuve défend ““la liberté d’importuner”” des hommes

Justine Rossius
Justine Rossius Journaliste

Dans une Tribune publiée sur le Monde, Catherine Deneuve et 99 autres femmes défendent “la liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle”, en réaction à l’affaire Weinstein et aux mouvements “Balance ton Porc” ou “Me Too”. Mais qui souhaitent-elles défendre?


 

La tribune au “Monde” publiée hier, fait grand bruit. Dans celle-ci, 100 femmes, dont Catherine Deneuve, mais aussi des journalistes, des chercheuses ou des écrivaines, affirment leur rejet d’un certain féminisme, qui selon elles, exprime une “haine des hommes”. Elle débute par ses mots: “Le viol est un crime. Mais la drague insistante ou maladroite n’est pas un délit, ni la galanterie une agression machiste. A la suite de l’affaire Weinstein a eu lieu une légitime prise de conscience des violences sexuelles exercées sur les femmes, notamment dans le cadre professionnel, où certains hommes abusent de leur pouvoir. Elle était nécessaire. Mais cette libération de la parole se retourne aujourd’hui en son contraire : on nous intime de parler comme il faut, de taire ce qui fâche, et celles qui refusent de se plier à de telles injonctions sont regardées comme des traîtresses, des complices”. En dénonçant un excès dans un sens, n’oublient-elles pas que l’excès vient plutôt de l’autre sens? Une femme sur six sera agressée ou violée au cours de sa vie.

 

Une gifle à l’encontre des femmes


Interrogée ce matin par Léa Salamé sur France Inter, Laurence Rossignol, ancienne ministre française du Droit des femmes, parle d’une “gifle à l’encontre de celles qui dénoncent la prédation sexuelle.” Et on ne peut qu’approuver, car si cette lettre cible quelqu’un en plein cœur, c’est elles: toutes celles qui ont osé parler, qui, après s’être fait mettre la main aux fesses dans le métro, ont osé lever la voix, celles qui se sont toujours demandées si les propos déplacés de leur boss étaient réellement “déplacés”. Si les “chatouilles” de leur oncle étaient vraiment innocentes. Celles qui ont, suite au phénomène Me Too, osé affirmer, d’abord à elle et puis aux autres, que ces comportements n’étaient pas normaux et que rien ne les justifiait. Avec cette lettre, Catherine Deneuve et les autres plantent à nouveau cette petite graine dans l’esprit des femmes, celle qui sème le doute et entraîne un silence, parfois destructeur. Et les femmes n’avaient pas besoin d’elles pour ça: ce doute, ce mélange trouble entre drague et harcèlement est entretenu depuis des siècles partout et tout le temps, laissant des prédateurs sexuels mener le cours de leur vie en toute impunité. Si ce n’était pas le cas, si vraiment il fallait encore semer ce doute, personne n’aurait parlé de l’affaire Weinstein, personne n’aurait publié de statut Facebook et de hashtag #MeToo.

 

Qui défendent-elles?


Avec cette lettre, les 100 signataires semblent vouloir prendre la défense des hommes. Mais de quels hommes? La plupart de ceux qui nous entourent seront les premiers à vouloir se désolidariser de ces prédateurs, les frotteurs du métro ou tous ceux qui utilisent leur pouvoir comme sujet d’intimidation. Dans leur texte, elles conspuent: “cette fièvre à envoyer les ‘porcs’ à l’abattoir, loin d’aider les femmes à s’autonomiser, sert en réalité les intérêts des ennemis de la liberté sexuelle, des extrémistes religieux, des pires réactionnaires et de ceux qui estiment (...) que les femmes sont des êtres à part, des enfants à visage d’adulte, réclamant d’être protégées”. Pourtant, en voulant nous expliquer la différence entre drague insistante et maladroite et viol, on a comme l’impression que ce sont elles qui nous prennent pour des quiches sans jugeote, des êtres dont on aurait enlevé le droit de réfléchir par elle-même. Que penser de cette tribune lorsqu’elle demande aux femmes de – tenez-vous bien – “ne pas se sentir traumatisée à jamais par un frotteur dans le métro, même si cela est considéré comme un délit. Elle peut même l’envisager comme l’expression d’une grande misère sexuelle, voire comme un non-événement”. Au nom de qui souhaitent-elles parler? Comment peuvent-elles demander cela? Comment même le penser? Sans doute Catherine Deneuve n’a-t-elle plus pris le métro depuis 1980. Je suis intimement convaincue que si une femme se sent violée, intimidée, harcelée… si une femme se sent “mal” face à une remarque ou un geste d’un homme, c’est que la frontière de la simple drague a déjà été franchie. Laissons, par pitié, la liberté aux femmes de ne pas nier leurs sentiments.

 

“Désirez-nous”

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Très justement encore, Laurence Rossignol pointe, dans un tweet, une étrange angoisse de ne plus exister dans le regard et le désir des hommes. Une angoisse flagrante quand elles écrivent, s’adressant aux hommes: “Continuez de nous regarder, de nous désirer”. Comme si le désir masculin ne pouvait s’épanouir que dans la violence. Elles l’affirment d’ailleurs: “La pulsion sexuelle est par nature offensive et sauvage”. En disant ça, elle confirme l’idée (fausse et) vieille comme le monde comme quoi l’homme aurait une sexualité irrépressible, des besoins à satisfaire, et que les femmes seraient là pour les satisfaire. Entre ça, et la justification d’un viol, l’écart se ressert. Elles nient, une fois n’est pas coutume, le désir de la femme, qui elle, a appris à le mettre en veilleuse. Le désir féminin a beau être plus discret, moins “sauvage” et moins “offensif”, les hommes se sentent toujours désirés. Rassurez-vous mesdames: aucune féministe ne vous a jamais demandé de ne pas jouer les soumises sous les draps ou d’arrêter les fessées. On vous demande juste de ne pas défendre la violence sexuelle sans consentement au nom d’un prétendu “désir sauvage naturel”. Il y a un monde de différence non?!

 

Le féminisme, pluriel et englobant


“En tant que femmes, nous ne nous reconnaissons pas dans ce féminisme qui, au-delà de la dénonciation des abus de pouvoir, prend le visage d’une haine des hommes et de la sexualité” dit la tribune. Et nous sommes tellement d’accord avec elles. Nous ne nous reconnaissons pas non plus dans un féminisme qui prendrait le visage d’une haine des hommes et de la sexualité. Pas le moins du monde. Nous nous reconnaissons, nous, dans un féminisme englobant, qui prendrait le visage de chaque homme, chaque femme et de la liberté sexuelle, liberté de dire oui, mais aussi de dire non.

 

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