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© Getty Images

Ce livre est tellement bouleversant qu’on n’a pas réussi à le finir

Il y a de ces livres qui vous émeuvent, bouleversent tellement qu’ils en deviennent difficiles, voire impossibles à lire. “Terrasses” de Laurent Gaudé fait partie de ces romans.

Sorti en avril 2024, “Terrasses” aborde les attentats du 13 novembre à Paris à travers le regard de celles et ceux qui ont assisté, de près ou de loin à ce terrible événement. Pour son quatorzième roman, l’auteur Laurent Gaudé signe une oeuvre déchirante. Au point tel que notre journaliste Emilie n’a pas réussi à le terminer.

Le résumé

“Vendredi 13 novembre 2015, il fait exceptionnellement doux à Paris – on rêve alors à cette soirée qui pourrait avoir des airs de fête. Deux amoureuses savourent l’impatience de se retrouver ; des jumelles s’apprêtent à célébrer leur anniversaire ; une mère s’autorise à sortir sans sa fille ni son mari pour quelques heures de musique. Partout on va bavarder, rire, boire, danser, laisser le temps au temps. Rien n’annonce encore l’horreur imminente.
Laurent Gaudé signe, avec “Terrasses”, un chant polyphonique qui réinvente les gestes, restitue les regards échangés, les quelques mots partagés, essentiels – écrit l’humanité qui éclot au cœur d’une nuit déchirée par l’impensable. Et offre à tous un refuge, face à un impossible oubli.“

Notre expérience de lecture

Hypersensible et grande dévoreuse de livres, je me languissais de plonger dans “Terrasses“, roman qui fait partie des coups de coeur et des meilleures ventes en librairies depuis sa sortie en avril dernier. À peine les premières pages tournées, mon coeur a commencé à accélérer, ma gorge s’est nouée. Bien qu’habituée à voir couler quelques larmes sur mes joues lors de mes lectures, cette fois, les choses ont pris un tout autre tournant, puisque j’ai carrément éclaté en sanglot. Cette lecture d’une beauté sans nom m’est alors parue impossible à continuer. À contrecoeur, j’ai capitulé et abandonné. Pourtant, ce livre n’est pas ma première lecture abordant les attentats du 13 novembre. J’avais déjà pu lire d’une traite le très bon “V13“ d’Emmanuel Carrère qui a suivi le procès entre septembre 2021 et juin 2022 pour en faire un recueil époustouflant de vérité et d’humanité. Mais cette fois, le point de vue est différent. On y lit l’insouciance, on y devine la surprise, la stupeur, la frayeur, on y ressent le désarroi, la mort qui attend, qui saisit et qui réduit les rêves et les avenirs à néant.

Quelques passages déchirants

Pour vous en faire une idée, voici quelques passages que nous avons lus avec émotion.

pp.36 et 37 de “Terrasses“

“Je voudrais avoir le temps de dire adieu à ce que je suis, mais je ne l’ai pas. Je voudrais avoir le temps de penser à ceux que j’aime et que je laisse mais tout ce qui me vient à l’esprit, c’est la longue liste de ce que je ne ferai plus... Je ne danserai plus. Je ne rirai plus. Je ne serai plus jamais en sueur, en retard, en forme. Je n’aurai plus jamais envie de courir, de manger, de dormir. Je ne regarderai plus les garçons dans le métro, imaginant le goût de leur baiser ou la sensation de leurs bras autour de ma taille. Je ne boirai plus d’eau, de champagne, de bière. Je n’aurai plus jamais envie de faire l’amour. Je ne me blesserai plus jamais. Je n’aurai plus peur. Je ne t’aimerai plus. Tu ne me caresseras plus. Je ne connaitrai pas de nouvel été. Je n’aurai pas d’enfant. Je ne dépenserai jamais l’argent que j’ai économisé. Je ne verrai plus mes parents (...)“

p.63 de “Terrasses“

“Je ne pense plus à rien. Je ne m’appartiens plus. Je pousse. Je suis prêt à tout. Est-ce que je peux le dire ? Que ma survie, je la dois à cela : être capable de foncer sans égard pour les autres, passer devant, être plus fort dans la cohue, me fermer à tout. Plus de politesse, plus d’humanité. Je n’écoute que mon corps qui me dit de sortir. Je pousse ceux qui sont devant moi et ne vont pas assez vite. Je marche sur ceux qui tombent. Est-ce que je peux le dire?“

p.65 de “Terrasses“

“Fouillis de bras, de jambes et de respirations haletantes. Si l’enfer existe, il ressemble à cela. Un endroit où la mort a ralenti le temps. Un endroit qui sent le sang et sur lequel règne la peur. Il n’y a plus de minutes, juste des tirs. Parfois ils prennent leur temps, rechargent leurs armes calmement. On sait que s’ouvrent alors quelques secondes de répit. Puis ils tirent à nouveau.“

pp.68 et 69 de “Terrasses“

“J’entends les tirs. Je me fige. Elle sanglote à l’autre bout de l’appareil. Je ne sais pas quoi dire mais je sais qu’il faut que je parle. Elle compte sur moi, sur ma voix. Elle n’a plus que cela qui la relie au monde. Je lui dis de parler moins fort, de faire la morte. Elle renifle, balbutie. Je peux sentir la peau dans le grain de sa voix...(...) Je lui dis à voix basse, ‘Ne bougez plus, il ne faut pas qu’ils vous voient’, et au début cela semble marcher mais soudain j’entends des tirs tout près d’elle qui me déchirent l’oreille. ‘Madame?...’ Elle ne répond plus. Je ne peux pas y croire. J’attends.(...) Elle est morte dans sa terreur d’enfant et j’étais là, tout près et si loin à la fois.“

“Terrasses“ de Laurent Gaudé aux Éd. Actes Sud

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