Gen F

En rejoignant la communauté, vous recevez un accès exclusif à tous nos articles, pourrez partager votre témoignage et…
Triste Tigre
© Editions P.O.L/getty images

FLAIR BOOK CLUB: on a lu ““Triste Tigre”” le récit poignant de Neige Sinno

Ana Michelot
Ana Michelot Journaliste

Couronné du prix littéraire Le Monde, du prix Femina, du prix Les Inrockuptibles, « Triste Tigre » est le livre du moment. On s’est plongé dans ce récit d’inceste difficile, voici notre avis.

Avant que le récit de Neige Sinno ne remporte le prix Femina, nous avions déjà entendu parler de lui pour une tout autre raison. À la fin du mois d’octobre, « Triste Tigre » avait été retiré de la bibliothèque d’un lycée français sur décision de la proviseure. Celle-ci avait déclaré au Parisien : « Je suis la première à être contre l’inceste, mais nous devons aussi protéger les jeunes et ne pas ajouter de la fragilité à la fragilité. Je retire un livre de l’établissement, mais je ne le censure pas. » Un choix qui avait fait scandale, le livre faisant partie des ouvrages sélectionnés pour le prix Goncourt des lycéens. C’est à partir de ce moment-là que notre curiosité a été piquée. Nous voulions à tout prix découvrir ce livre.

Lire aussi : Neige Sinno remporte le prix Femina pour “Triste Tigre”

Un récit où l’auteure s’adresse directement à nous

Tout au long du livre, l’auteure nous parle, elle nous explique pourquoi elle a décidé de raconter son histoire publiquement dans ce livre, elle explique pourquoi elle a aussi eu peur de le faire, comment, parfois, cela lui semble étrange de vouloir raconter cela, mais aussi comment témoigner est nécessaire. Elle nous parle de la petite Neige, violée par son beau-père de ses sept à ses quatorze ans, dans la maison familiale, sur le lieu de travail de son beau-père, dans la voiture, partout, tout le temps, quand il en a envie. Elle nous raconte comment elle a un jour fini par le dire, par porter plainte, comment cet homme a été condamné à neuf ans de réclusion. Comment ce procès, cette affaire n’est pas que la sienne, mais celle de tous, de notre société :

« Un procès public pour une affaire de viol sur mineur, ça semble indécent, c’est comme laver sa culotte devant tout le monde. J’avais un peu cette impression quand j’ai fait ce choix au procès, quand j’ai vu tous ces inconnus dans la salle. Pourtant, quand on considère l’ampleur des chiffres des violences intrafamiliales, on se demande ce que signifie encore cette notion de vie privée alors qu’il s’agit en réalité d’un crime systémique commis dans le secret de centaines de milliers de familles. Ce linge sale, cette ignominie, ce n’est pas la mienne, c’est la nôtre, elle est à nous tous. »

Le résumé

« J’ai voulu y croire, j’ai voulu rêver que le royaume de la littérature m’accueillerait comme n’importe lequel des orphelins qui y trouvent refuge, mais même à travers l’art, on ne peut pas sortir vainqueur de l’abjection. La littérature ne m’a pas sauvée. Je ne suis pas sauvée. »

Et en 3 mots-clés ?

#inceste

#survivante

#histoirevraie

Pourquoi on a aimé ?

On a aimé la plume de l’autrice, qui doute pourtant que son livre soit considéré comme de la littérature, comme elle le dit dans ses pages. Le style est à la fois brut et profond, les mots sont couchés sur le papier comme on les penserait au fond de soi, mais côtoie des analyses poussées d’œuvres littéraires qui abordent le même thème comme « Lolita » de Nabokov. On a aimé que l’auteure tente de nous raconter cette enfance de plusieurs points de vue, qu’elle inclut des documents d’archives à son récit, qu’elle tente de dresser un tableau le plus complet possible de son parcours afin que celle ou celui qui le lit prenne conscience que cela est arrivé, que ces faits atroces arrivent au quotidien et qu’ils marquent à vie. On a aimé que ce livre soit un moyen de se réapproprier son récit, de combattre le tigre une dernière fois.

À qui ça va plaire ?

À celles et ceux qui aiment lire des récits vécus, les livres sous forme de journaux et l’écriture tranchante des histoires difficiles. Malgré son sujet très dur, ce livre devrait être lu par le plus grand nombre afin d’éveiller les consciences à cette problématique sociétale encore tabou, et pourtant si persistante dans l’époque actuelle. Comme nous le confie l’auteure, des livres sur l’inceste continueront de paraître tant que des enfants le subiront, pour que le monde sache.

« Triste Tigre », Neige Sinno, éditions P.O.L, 20€, plus d’informations ici

Lire aussi :

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Nos Partenaires