““Harry Potter et la culture du viol””, le chapitre sombre de la saga
Dans leur excellent “Harry Potter décrypté par ses fans”, Alix Houllier et Corentin Faniel, les deux rédacteurs de “La Gazette du Sorcier”, reviennent sur 25 ans de secrets, coulisses et autres éléments de l’histoire de la saga.
Dans tout ce qu’elle a de plus magique, mais aussi, de problématique. C’est ainsi que le duo, qui prête ses plumes à “La Gazette du Sorcier”, le plus ancien site Harry Potter francophone toujours en activité, n’hésite pas à explorer le rapport compliqué qu’entretient la saga avec ses personnages de sexe féminin. Et à oser parler de culture du viol quand c’est d’application, même si, pour les fans les plus fidèles de l’univers magique imaginé par J.K. Rowling, dont ils font fermement partie, cette accusation peut être difficile à lire. Mais certainement pas infondée, ainsi qu’on le réalise rapidement à la lecture du chapitre “Féminisme, sexisme et culture du viol” de “Harry Potter décrypté par ses fans”.
Premier constat?
Si le monde magique peut sembler plus paritaire que le nôtre sur certains points, les sorciers y sont plus représentés que les sorcières. Certaines institutions et pratiques magiques semblent cependant rendre la société magique plus égalitaire que celle des Moldus. Les fans se sont donc penchés sur l’image que les romans renvoient des femmes et des stéréotypes habituellement associés à la féminité et à la masculinité” expliquent Alix et Corentin.
Qui commencent par regretter que bien qu’on compte un certain nombre de sorcières à des postes importants au sein des différentes institutions du monde magique (ministère de la Magie, hôpital Sainte-Mangouste, Poudlard,...) elles restent “toujours moins nombreuses que les sorciers”. Par exemple, sur les 35 ministres de la Magie britanniques recensés, seuls dix sont des femmes. Et le duo d’auteurs de souligner que “malgré une abondance de personnages féminins forts, les femmes dans “Harry Potter” demeurent souvent victimes de sexisme”. Voire pire.
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Harry Potter ou la loi du plus fort
Pour les deux Français, J.K. Rowling se rendrait en effet à plusieurs reprises coupable d’une “banalisation de la contrainte” s’inscrivant clairement dans la culture du viol. Laquelle, pour rappel, désigne un concept sociologique regroupant un ensemble d’attitudes et de comportements sociétaux qui minimisent, normalisent, ou pire, encouragent le viol. Des accusations infondées dans l’univers magique de votre saga préférée? Pas vraiment, malheureusement.
Corentin et Alix en veulent pour exemple l’inscription sous la statue qui trône en plein Ministère de la Magie lors du retour de Voldemort au pouvoir, soit “la magie est puissance”. Un résumé succinct du monde idéal du Maître des Ténèbres: un univers régi par la loi du plus fort, en l’occurence, celui qui dispose de pouvoirs magiques. Et il n’est pas le seul à penser ainsi: “cette idéologie est profondément ancrée dans la société sorcière et se retrouve à de nombreux niveaux du gouvernement et du fonctionnement de la communauté magique, jusque dans le quotidien des sorciers” assurent-ils.
En cela, de nombreux lecteurs ont souligné à quel point la société magique décrite dans les livres s’inscrit dans une logique de “culture du viol” qui banalise, minimise, voire normalise les atteintes au consentement. La magie facilite de nombreux abus, pousse les plus puissants à imposer leur volonté aux plus faibles et peu de sorciers ou de sorcières remettent cet état de fait en question” avancent encore les auteurs du livre.
Un avis quelque peu péremptoire qu’il s’agit de nuancer, même si, lors de la scène d’exaction de la famille moldue dirigeant le camping par les Mangemorts lors de la Coupe du monde de Quidditch, les voix qui s’élèvent contre ce traitement sont moins nombreuses qu’on ne pourrait le penser, et appartiennent principalement à Harry, Hermione, Ron et la famille de ce dernier.
Banalisation de la soumission
“Quand on y regarde de plus près, le monde magique s’organise autour d’une règle incontournable, qui dicte de nombreuses actions, lois et sanctions: le Code du secret magique, qui établit la nécessité absolue de cacher les sorciers aux Moldus afin de les protéger, traumatisés après des siècles de persécution” poursuivent Alix Houllier et Corentin Faniel. Qui dénoncent:
Cette peur de dévoiler leur existence aux Moldus a une conséquence bien plus grave que ce que l’on peut penser au premier abord: le monde magique est régi par une banalisation de la violence, justifiée par une nécessité de se protéger des autres à tout prix”.
En ce compris, si nécessaire, via “une soumission banalisée des Moldus et un droit de disposer de leur corps et de leur esprit”, par exemple en leur jetant des sortilèges d’amnésie.
Et les deux super fans, bien que critiques, de recontextualiser tout de même ce parti pris de J.K. Rowling: la saga “n’est pas exempte de propos ou de scène problématiques”, certes, mais ceux-ci sont “le produit de son époque et d’un sexisme alors invisible et banalisé”. Et de souligner un effet positif à cette analyse des parts d’ombre de la saga, puisque c’est en se soumettant à cet exercice que les Potterheads ont pu “se sensibiliser aux problèmes de société qu’ils ont ainsi identifié”. Magique?
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