Je n’ai pas de passion, c’est grave? Que faire?
Et toi, c’est quoi ta passion? Cette question, que l’on se pose innocemment enfant, débouche parfois à l’âge adulte sur une véritable interrogation. Nous avons fait le point sur la question avec Marilyn Merlo – psychologue et pedopsychologue.
D’habitude, on n’y pense pas forcément, on est dans le train-train quotidien, pas trop de remise en question... bref la vie. Et puis un jour, on s’ennuie et on regrette de ne pas avoir de passion. “Tu vois, cette nana, sa passion c’est le dessin, elle passe ses journées à dessiner – lui sa passion c’est la guitare, il reste enfermé dans sa chambre à s’exercer- lui, c’est le cinéma, c’est un vrai cinéphile.... . Et puis il y a moi ... sans passion”.
La passion, c’est quoi ?
Google définit la passion comme « un état affectif et intellectuel assez puissant pour dominer la vie mentale ». Le Larousse décrit la passion comme « un état affectif intense et irraisonné qui domine quelqu’un ». À la lecture de ces deux définitions et comme nous le fait remarquer d’emblée Marilyn Merlo – psychologue et pedopsychologue – il y a une forme d’excès, d’intensité et de souffrance derrière le mot passion que l’on a tendance à oublier. Résultat: en omettant son sens premier, le mot passion est souvent mal utilisé dans le langage populaire.
Si une passion peut donner du sens à la vie et lui apporter un côté exaltant, elle peut aussi, lorsqu’elle est développée avec trop d’intensité, avoir un côté dévorant, absorbant et déboucher sur une forme de douleur pour soi et autrui. On dit parfois de quelqu’un “qu’il est marié à sa guitare” par exemple.
Tout serait dans la nuance. Remplaçons le mot passion par centre d’intérêt propose Marilyn Merlo. Ce deuxième terme, contrairement au premier, ne contient pas la notion d’intensité. S’adonner à son ou ses centre(s) d’intérêt – jardinage, peinture, bénévolat, lecture, couture, musique, sport – engendre un côté plaisant sans avoir d’impact négatif sur sa vie ou celle de son entourage.
Pourquoi avoir des centres d’intérêt ?
Derrière le terme « centre d’intérêt », il y a la notion de créativité et plus largement d’imaginaire/d’imagination explique Marilyn. Des termes – créativité/imaginaire – dont on s’est souvent moqué et dont on se moque encore souvent « oh mais toi avec tes fantaisies ». Et c’est un tort. La créativité est fondamentale pour la santé mentale. Une affirmation qui se confirme largement dans cette période d’inactivité. Ceux qui s’en sortent le mieux en ces temps de crise, sont ceux qui ont des centres d’intérêt et plus largement des capacités imaginaires nous explique la psychologue.
Les capacités imaginaires, c’est-à-dire ?
La créativité et l’imaginaire que l’on développe notamment à travers des centres d’intérêt nous donnent les moyens et les clés pour trouver des solutions à nos problèmes. Plus concrètement, ils aident à mettre à l’extérieur de nous nos angoisses et stress et à transformer ces états en quelque chose de positif. Marilyn Merlo insiste: “la créativité aide à gérer le stress et à diminuer les troubles d’anxiété. Si on a des capacités imaginaires, on peut se représenter mentalement ses problèmes, trouver des solutions et mettre nos tensions ainsi que les choses qui nous rongent à l’extérieur de nous et non pas à l’intérieur”.
Il faut revaloriser ces mots. La psychologue regrette d’ailleurs l’appauvrissement dès l’enfance de ces capacités imaginaires. « Certains enfants entendent qu’ils doivent arrêter de dessiner parce que ça fait bébé. C’est une aberration. Notre santé mentale souffre de cet appauvrissement”.
Et si je n’ai pas de centres d’intérêt?
“Tout le monde en a” souligne la psychologue. Un bon moyen de mettre le doigt dessus est de penser à ses valeurs. S’interroger sur ses valeurs, c’est la première porte pour visiter le monde des centres d’intérêt. Exemple? “J’aime donner” : pourquoi ne pas essayer le volontariat? Tout le monde ne doit pas forcément se mettre à peindre, coudre ou jardiner.
Un autre moyen de se découvrir des centres d’intérêt pourrait commencer par stimuler sa créativité et son imaginaire. Pour cela, Marilyn conseille dans un premier temps d’essayer de se rappeler de ses rêves. Tout le monde rêve, même ceux qui pensent le contraire. Astuce: endormez-vous en étant persuadé que vous allez vous souvenir de vos rêves au réveil. Petit à petit des bribes vont émerger et l’imaginaire va se décongeler.
Une autre idée consiste à faire ce que l’on fait ordinairement un peu moins ordinairement. Exemple? Vous aimez cuisiner mais vous cuisinez par automatisme, essayez peut-être une nouvelle recette?
Pourquoi a-t-on tendance à culpabiliser face aux gens qui ont beaucoup de centres d’intérêt?
“Car, ils vont rayonner un certain bonheur et auront tendance à parler de leurs centres d’intérêt avec joie. Ils nous semblent épanouis, plus sûrs d’eux. Et comme nous cherchons tous le bonheur, ça donne envie” explique Marilyn.
Mais notez que la culpabilité est un sentiment inutile qui crée juste du mal-être. Culpabiliser ne sert à rien. Par contre, s’interroger si. Questionnez-vous, intéressez-vous à vos valeurs et prenez conscience que la créativité est une capacité humaine fondamentale. En ces temps de crise, la société va devoir se réinventer et ce sont ceux qui vont s’autoriser à imaginer et à créer qui vont construire ses nouveaux fondements.
Et toi, c’est quoi tes centres d’intérêt?
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