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Move of a young couple

Comment acheter une maison à l’heure actuelle?

Justine Rossius
Justine Rossius Journaliste

La surchauffe du marché immobilier, les prix qui s’envolent et les banques qui attendent un apport de 50.000 euros. Les jeunes peuvent-ils encore rêver avoir leur propre maison aujourd’hui? Et quelles sont les autres options? Louer, cohabiter ou rester chez ses parents? On a interrogé des experts sur l’infernale chasse au logement

Vous venez de survivre à la recherche d’emploi et vous voilà à l’étape suivante: quitter le nid parental et trouver votre propre logement. Nous savons que les Belges ont une brique dans le ventre, qu’ils préfèrent acheter leur propre logement. Mais que l’on ait des économies ou non, quand on a la vingtaine, il n’est pas simple d’obtenir son propre logement, de nos jours. La combinaison de la hausse des loyers, de l’augmentation de l’apport pour réaliser un emprunt ainsi que des nombreux concurrents sur le marché montre clairement qu’il est de plus en plus difficile pour les jeunes de se loger.

L’argent est roi

Hadisa Suleyman, agent immobilier, voit presque tous les jours la lutte des jeunes pour s’acheter une maison. « Le marché était déjà en surchauffe, mais depuis le Coronavirus, ça s’est encore aggravé, explique-t-elle. Les gens se battent presque pour avoir une maison aujourd’hui. La grande différence avec avant, c’est que l’offre est plus réduite, en particulier l’offre de qualité. Si vous regardez en ligne, vous remarquerez qu’il y a peu de maisons décentes en vente. Et quand quelque chose apparaît, une foule se soulève et fait monter les prix.

Ceux qui recherchent le plus intensément sont pratiquement assis derrière leur ordinateur à attendre qu’une nouveauté apparaisse en ligne. La concurrence est terrible. Celui qui a le plus d’argent achète. L’argent est roi. »

OK, l’argent. S’agit-il donc d’épargner le plus possible? « Les conditions pour que les jeunes acheteurs puissent contracter un prêt dépendent en fait du prêteur lui-même », explique Myriam Mattens de la Banque Nationale. D’une part, la banque le détermine sur base de la mesure dans laquelle vous pouvez rembourser la dette. Idéalement, vous devriez rembourser avec moins d’un tiers de vos revenus nets chaque mois. D’autre part, il y a aussi un lien entre l’emprunt et le bien. Si le prix d’achat diffère fortement de la valeur estimée du bien, la banque pourra en tenir compte et donc accorder un prêt moins élevé.

En général, en tant que jeune acquéreur, on a du mal à mettre une grosse somme d’argent sur la table. C’est pourquoi nous sommes moins stricts avec eux qu’avec des investisseurs ou des personnes qui possèdent déjà un logement. Pour 35 % des primo-acquéreurs, nous sommes autorisés à prêter plus de 90 %

Myriam Mattens.

Hadisa Suleyman admet tout de même qu’il est difficile de contracter un prêt sans épargne. Mais si vous aimez manger à l’extérieur ou partir en voyage, il ne reste pas grand-chose à épargner. « Si vous avez la trentaine et que vous n’avez pas encore acheté votre propre bien, alors ça devient difficile, admet-elle. À ce moment-là, vous avez peut-être déjà des enfants, et la vie ne devient que plus chère. Il est alors plus compliqué de mettre de grosses sommes de côté. Plus vous êtes jeune, plus vous pouvez épargner. Vous n’avez pas de coûts fixes, pas de responsabilités, vous pouvez donc plus mettre de côté. Commencez donc tôt. Si vous avez l’occasion de vous aménager un studio chez vos parents, par exemple, n’hésitez pas. Ce genre d’opportunité est parfaite: vous avez votre propre intimité et vous pouvez épargner en même temps. »

Location créative

Pour celles et ceux qui atterrissent sur le marché immobilier sans épargne, il reste toujours l’option de la location. Vous pensez peut-être que c’est du gaspillage, mais il existe des moyens judicieux de le faire, nous explique Hadisa Suleyman. « Si vous devez payer un loyer chaque mois pour votre appartement, il y a peu de chance que vous puissiez épargner. Vous n’investissez dans rien et lorsque votre location est mise en vente, vous devez chercher un autre logement. Tout le défi est de louer pour une période plus longue, mais intelligemment. Évitez de louer directement le prix plein. Soyez créatif et assurez-vous de pouvoir mettre de côté, chaque mois, une somme pour votre propre épargne. Ou vous pouvez bien sûr rester plus longtemps chez vos parents. »

Une autre façon de rentabiliser l’argent de votre loyer est de devenir locataire écureuil. Le but étant d’acheter un bien immobilier locatif durable en comptant sur une partie des loyers de ces dernières années comme apport pour votre emprunt.

Hadisa Suleyman: « Avec la location-vente, vous payez un loyer tous les mois, mais après quelques années, vous pouvez décider d’acheter le bien pour le montant restant, ou de déménager. Dans ce dernier cas, vous aurez simplement payé un loyer pendant quelques années. Mais dans le premier cas, vous aurez déjà remboursé une partie de votre bien. La vente n’aura lieu qu’après le nombre d’années convenu. D’ici-là, il vous suffit d’épargner votre apport. Votre location n’est en outre pas simplement gaspillée : vous pouvez prendre vos propres dispositions avec le vendeur. Comme en convenant de la durée de la location et en fixant un rapport entre le coût du loyer et votre versement. Par exemple, 30 % du loyer peuvent être utilisés pour les frais du propriétaire, et 70 %, après trois ans, peuvent être déduits du prix d’achat restant. »

La cohabitation a la cote

Pour se loger à prix abordable, les gens deviennent de plus en plus créatifs. Certaines personnes décident de vivre en tiny house ou en container aménagé, d’autres misent sur l’habitat groupé ou le cohousing. Ce type de cohabitations gagne peut-être en popularité, mais elles ne sont pas encore évidentes pour autant. « Le plus compliqué avec le cohousing est la démarcation juridique, explique Hadisa Suleyman. Avec un appartement, c’est simple. Vous avez vos propres pièces et des espaces partagés, comme l’ascenseur ou les couloirs. Avec une maison, c’est plus compliqué : où commence un espace, et où se termine un autre ? Il y a pas mal d’accords à passer si vous voulez quitter l’habitat groupé. Vous devez trouver quelqu’un qui est prêt à racheter votre part ou l’autre doit la racheter. Et vous devez payer des frais d’enregistrement supplémentaires pour ça. »

Les coopératives d’habitats vous facilitent la tâche. Avec ces coopératives, c’est l’entreprise qui achète un projet entier. Vous achetez des parts de la coopérative ou vous louez ou vivez dans le bien en question. « C’est la coopérative qui est propriétaire du bien, pas vous. Si vous décidez de partir, vous vendez vos parts. Les coopératives sont de plus en plus courantes. C’est un moyen fluide d’acquérir des biens. Si vous avez une propriété, vous ne pouvez pas la vendre si facilement, alors que vous pouvez le faire avec des actions. La charge administrative disparaît », affirme Hadisa Suleyman.

Descendez de votre nuage

L’experte recommande de faire quelques recherches avant de se précipiter sur le marché de l’immobilier. « Au début, vous êtes très enthousiaste et vous pensez peut-être un peu naïvement que vous allez trouver une maison directement. Le problème est souvent qu’il y a vingt ou trente candidats pour chaque maison, et que la chance que vous l’obteniez est donc faible. Au bout d’un moment, vous devez adapter vos souhaits. »

« Si vous allez dans des régions que vous ne connaissez pas, vous risquez de faire de mauvaises estimations, prévient-elle. Dans les villes, les prix sont beaucoup plus élevés, ce qui peut vous donner une vision déformée si vous allez chercher dans une région moins chère.

Assurez-vous de connaître les prix en vigueur. Vous pouvez le faire en examinant attentivement ce qui est à vendre dans la région. Dans le feu de l’action, vous penserez peut-être avoir acheté la villa de vos rêves pour seulement 300.000 euros, mais en réalité, il se peut que le prix habituel pour une villa de ce type dans ce village ne soit que de 200.000 euros.

Vous avez ressorti vos talents de détective et passé le marché du logement à la loupe. Et maintenant ? Pour éviter que vos beaux rêves se brisent sous vos yeux, allez d’abord à la banque. « Il n’y a rien de plus énervant que les gens qui viennent voir, font une offre et puis doivent ensuite aller voir les banques », assure Hadisa Suleyman. Vous devriez déjà savoir dans quelle mesure vous pouvez emprunter avant de faire une offre. Épargnez-vous bien des soucis et demandez une condition suspensive de prêt. « Cela signifie que vous n’achetez pas encore officiellement la maison au moment où vous signez les documents », explique-t-elle. « Imaginez que votre prêt ne vous soit pas accordé. Vous pouvez alors toujours renoncer à l’achat. Si vous ne le faites pas, vous achetez au moment où vous signez. Et si la banque décide ensuite de ne pas vous accorder de prêt, alors vous avez de gros problèmes. Surtout maintenant que les banques sont plus pointilleuses, vous risquez d’être déçu si vous n’avez pas inclus une telle condition suspensive dans l’acte. »

Côté positif

Les Belges sont peut-être nés avec une brique dans le ventre, mais la vision de l’achat d’une maison va devoir changer. Nous ne pouvons plus acheter la même chose qu’avant, et vivre dans du plus petit va devenir important à l’avenir. « Nos parents ont peut-être pu s’acheter une villa avec un grand terrain, mais ce n’est plus possible aujourd’hui, affirme l’experte. Je le vois positivement, il faut évoluer avec son temps. Il y a certaines choses que nos parents pouvaient faire et que les jeunes générations ne peuvent plus. Mais nous avons d’autres choses à la place. Vous pouvez être plus créatif avec les options dont vous disposez. Nos parents étaient un peu plus ennuyeux. Ils achetaient une maison familiale et y vivaient toute leur vie. Nous devons nous éloigner du traditionnel, ce qui rend la chose plus stimulante et amusante. Les entrepreneurs proposent des nouvelles façons de se loger qui semblent fonctionner. »

Texte: Hanne Van Oeckel et Julie Braun

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