Flair a rencontré la talentueuse et géniale Santa en marge de la sortie de son premier album solo, Recommence-moi à qui l’on prédit le même succès que son premier extrait, Popcorn Salé.
Après le succès de Popcorn salé, dire qu’on attendait cet album est un euphémisme.
«Je ne suis que pression et nervosité. Je me fatigue. Avec cet album, je me présente au monde d’une nouvelle manière et j’ai envie de bien faire, de plaire. Même si l’écriture permet d’installer une certaine distance, il y a beaucoup de moi dans ces chansons et c’est pour ça que je suis un peu tremblante.»
Eva, qui donne son nom à l’un de vos morceaux, s’inspire de vous?
«De tout ce que je pourrais être. Eva nous rappelle que l’être humain a le choix. Elle est libre, elle fugue, elle cultive l’intranquilité et ça, ça m’excite parce que je suis profondément instinctive.»
Vous nous chantez son histoire à partir de l’adolescence. C’était une période décisive de votre vie?
«C’était un calvaire. J’ai commencé à aller l’école à cette époque-là. Avant ça, j’y allais épisodiquement, pour vérifier que tout allait bien, pour avoir des contacts humains. J’étais trop en avance, surtout au niveau de ma sensibilité. J’ai vite su lire et écrire. On m’a fait sauter des classes. Mais, avoir 3 ans de moins que ces camarades à cet âge-là, c’est énorme. J’avais peur de l’altérité, de la norme. Les enfants peuvent être cruels et je n’étais pas armée à me défendre face à cette violence. On a fini par me retirer mon obligation scolaire. Jusqu’au collège, où j’ai découvert les différents groupes sociaux existants… que j’ai tous intégrés. J’ai été une gothique, avec du noir sous les yeux. J’ai fait l’aumônerie, j’ai rejoint un club d’échecs, puis même un club de phasmes, ces insectes qui ressemblent à des feuilles touffues. J’avais l’impression d’être dans une série. Chaque jour, un club. Et puis, j’ai atterri chez les skaters un peu punks, un peu bizarres et j’y suis restée. On s’est choisis parce qu’on était différents et qu’on s’acceptait comme ça, avec douceur.»
La musique, je l’ai toujours vue comme une façon de mettre des adjectifs sur les silences.
La musique est arrivée quand?
«Je n’ai aucun souvenir sans musique. Chez moi, il y avait toujours un disque de rock ou de blues américain qui passait. Mais je ne voulais pas devenir chanteuse. Je voulais être avocate. Je n’arrivais pas du tout à accepter la violence. Je m’exprimais déjà un peu pour l’autre. Il y avait ce truc de: ‘Si je peux aider, je le ferai’. La musique, je l’ai toujours vue comme une façon de mettre des adjectifs sur les silences. Au sein de ma famille, il y avait beaucoup de pudeur et la musique était ce fluide invisible qui permettait de dire les choses. C’était une gestuelle, une manière d’être. Je jouais du piano par-dessus les disques. J’ai eu une professeure au tout début, mais j’ai été refusée au conservatoire. Ça m’a vraiment heurtée car c’était peut-être la seule institution où j’avais réellement envie d’être. Alors, j’ai pris ma guitare, j’ai commencé à écrire et j’ai appris à chanter sur scène, à travers le regard des gens.»
Il n’y a qu’un seul duo sur l’album, avec Christophe Willem. Quelle est la nature de votre relation?
«On s’est rencontré sur un plateau radio en France et on a réalisé qu’on avait des connivences artistiques même si nos références musicales sont éloignées. Il est venu à la maison, j’ai composé ce morceau (Les larmes ne coulent pas, ndlr) comme le prolongement d’une amitié naissante. J’avais envie de capturer cette électricité en chanson, comme une ode à l’amitié qui peut sauver, offrir un véritable espace de liberté.»
En parlant d’amitié, comment vous sentez-vous sans Line et Adam, vos 2 acolytes d’Hyphen Hyphen, qui ne vous accompagnent pas sur ce projet solo?
«Ils sont toujours là, mais je ne peux plus me cacher derrière eux. Je dois lutter contre ma timidité. Et puis, je chante en français, de façon plus impudique. Au sein d’un groupe, on se raconte, mais collectivement. L’anglais offre aussi la possibilité de chanter des choses plus universelles.»
Le succès, c’est vertigineux?
«C’est doux. C’est l’autre le succès, pas toi. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, je ne gagne pas encore beaucoup d’argent car j’investis tout dans les idées grandiloquentes que j’ai pour mes spectacles. Je préfère être riche de mes souvenirs.»
J’ai envie de croire que les gens qu’on a aimés survivent à travers nous”
Un dernier mot sur le titre Paradis. Vous êtes quelqu’un de spirituel?
«Je crois, oui. Je n’ai pas de Dieu référent mais j’ai une vision assez naïve de ce à quoi ressemble le paradis. J’ai perdu mes parents et j’ai envie de cultiver cet espoir qu’on a, de se dire que les gens qu’on a aimés, chéris, survivent à travers nous.»
Recommence-moi, de Santa. En concert le 9/6 aux Francofolies d’Esch-sur-Alzette, le 27/6 au festival Les Gens d’Ere à Tournai, le 23/8 aux Solidarités à Namur et les 9 et 10/10 au Cirque Royal de Bruxelles (sold out).
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