Pour représenter la Belgique à l’Eurovision, Mustii (Thomas Mustin, de son vrai nom), a imaginé un titre fédérateur, comme une ode à la vie. Le chanteur, aussi jury dans “Drag Race” sur Tipik, se confie sur les enjeux qui l’attendent
Pourquoi avez-vous accepté de défendre nos couleurs à l’Eurovision?
“Parce que je suis complètement inconscient (rires). C’est arrivé il y a un an. J’étais sur les tournages de ‘Drag Race’ et la boss de la RTBF vient me voir alors que je suis au maquillage pour me dire qu’elle m’a vu sur scène et qu’elle pense que je ferais un bon candidat à l’Eurovision. Sur le moment même, j’étais abasourdi. Sans doute parce que j’étais encore à moitié endormi aussi… Je n’ai pas tout de suite réalisé ce qu’on venait de me proposer, mais j’ai rapidement accepté. Pour quelqu’un qui aime la scène comme moi, c’est une opportunité de dingue. Après, j’ai quand même posé mes conditions...”
Lesquelles?
“Premièrement, j’ai demandé à être entouré par une équipe 100% belge dans le processus créatif. Et, ensuite, je ne voulais pas faire une chanson formatée pour l’Eurovision, mais bien un titre qui me ressemble. Je vais chanter devant des millions de personnes, il faut que je me sente bien dans mes bottes. Ce titre, ‘Before The Party’s Over’, sera d’ailleurs aussi sur mon prochain album.”
Pourquoi, selon vous, cette chanson pourrait nous faire gagner l’Eurovision?
“Sa force, je pense, ce sont les chœurs à la fin, qui apportent une forme de puissance, d’euphorie, une émotion très intense.”
Vous avez fait appel à vos fans pour enregistrer les chœurs?
“Oui. J’ai pris le slogan de l’Eurovision, United by music, au pied de la lettre et j’ai demandé aux gens d’enregistrer leurs voix et de me les envoyer. On a reçu des enregistrements en provenance d’Amérique du Sud, de classes d’écoles, de tout l’étage d’un hôpital psychiatrique. On a aussi enregistré ma famille, mes amis. Entendre toutes ces voix scander le message de cette chanson, je trouve ça hyper touchant.”
Malgré tout ce qui nous arrive, il faut trouver la force de vivre le plus intensément possible, se libérer des chaînes, des carcans et assumer pleinement qui l’on est.
Et c’est quoi le message de ce titre?
“La première partie du morceau, c’est un constat qu’on s’est déjà tous fait: se dire que la vie est parfois absurde, que tout ça n’a pas de sens, qu’il y a trop de souffrances. Que ce soit le rejet de l’autre, la maladie, le deuil. Et puis, quand on commence à entendre les chœurs, il y a un switch qui se fait. Le texte devient beaucoup plus lumineux, on entre dans une forme de résilience. On se dit que, malgré tout ce qui nous arrive, il faut trouver la force de vivre le plus intensément possible, se libérer des chaînes, des carcans et assumer pleinement qui l’on est. Finalement, c’est un message assez simple mais très fédérateur car tout le monde peut s’y identifier.”
Vous préparez déjà le tableau que vous allez nous présenter sur scène?
“Oui. Malheureusement, je ne pourrai pas avoir ma chorale avec moi car, la règle, à l’Eurovision, c’est d’être maximum 5 sur scène. Le challenge, c’est donc d’essayer de recréer visuellement sa présence. Mais, je préfère ne pas en dire plus pour garder un peu de mystère.”
Vous vous êtes fixé un objectif? Où rêveriez-vous de figurer dans le classement?
“C’est tellement imprévisible, il y a tellement de facteurs qui entrent en compte. J’ai beaucoup discuté avec Gustaph, qui a représenté la Belgique à l’Eurovision l’année dernière, et il m’a juste conseillé de prendre du plaisir plutôt que de me concentrer sur un objectif. C’est un peu bateau, mais je crois qu’il a raison. Mon but, c’est de réaliser une belle performance, de m’amuser, d’apprendre, de rencontrer des gens. Je pars à l’Eurovision comme un enfant curieux à la découverte du monde. Je veux donner le meilleur de moi-même et être fier de moi, c’est le principal.”
Est-ce que vous êtes fan du concours?
“Je regardais quand j’étais petit avec mes parents. Plus récemment, j’ai adoré la prestation de Måneskin qui m’a prouvé qu’on pouvait participer à l’Eurovision et avoir une totale liberté sur scène. Ce qui est proposé, artistiquement parlant, est très varié, très riche. Il y a des trucs très kitsch, à prendre sur le ton de l’humour, mais pas uniquement!”
Vous avez évoqué un nouvel album. Il est prévu pour quand?
“Pour fin 2024. Ce sera mon album le plus personnel. J’ai l’impression que tous les artistes disent ça, désolé... Mais bon, c’est la vérité! Mon premier album, je l’ai conçu comme étant le journal intime d’un jeune. Le second, c’était celui de mon oncle atteint de schizophrénie. Il y avait à chaque fois un intermédiaire entre moi et l’auditeur. Ici, c’est complètement moi, mon âme, mes sentiments. J’y parle d’hédonisme, du côté queer de ma personnalité, du fait que je me m’assume beaucoup depuis quelques années. Je m’y livre comme jamais auparavant.”
Etre juré dans une émission comme Drag Race, ça aide à s’assumer davantage?
“J’allais déjà dans les cabarets drag avant de participer à l’émission. C’est un art qui m’inspire énormément. Mais c’est clair que voir les candidates se livrer au monde avec autant de force, ça ne peut que m’aider à être fier de qui je suis, à ne plus avoir peur, à ne plus essayer de me conformer à quoi que ce soit, à ne plus répondre aux attentes de l’autre. Les queens sont dans une forme de rébellion qui, inconsciemment, a sans doute eu un impact sur l’écriture de ce disque.”
Sur la saison 2 du programme, Lufy a été remplacée par Lio. Comment ça s’est passé?
“J’étais très curieux de la rencontrer, c’est un personnage! C’était très cohérent qu’elle soit là car c’est une icône de la pop culture, elle connaît très bien le milieu drag aussi et elle a un vrai point de vue. J’étais plus souvent en désaccord avec Lio qu’avec Lufy. Mais, ce n’est pas plus mal, ça crée plus de relief, plus de complémentarité.”
Sortir de ma zone de confort a toujours été mon moteur.
La musique, la télé, mais il y a aussi le ciné! Vous dormez quand?
“Je ne dors plus (rires). Mais, je ne suis pas encore en dépression! Tout va bien. Je suis content de faire des choses très opposées, c’est ce qui me nourrit. Le prochain film dans lequel vous me verrez s’appelle ‘La nuit se traîne’. C’est un thriller avec Romain Duris où, pour le coup, j’ai un vrai rôle de composition. J’ai dû me raser le crâne pour interpréter une espèce de petite brute. On est vraiment loin du glamour de Drag Race ou de l’Eurovision! Mais, c’est ça que j’aime: pouvoir explorer les multiples facettes de ma personnalité. Et puis, sortir de ma zone de confort, ça a toujours été mon moteur. J’ai pris énormément de plaisir sur ce film.”
Vous êtes heureux?
“Je n’ai pas à me plaindre. Evidemment, il y a des moments de fatigue, où j’ai besoin de faire une pause et de me recentrer un peu. C’est logique. Mais, en tant qu’artiste, au plus on travaille, au plus on est inspirés et donc bien dans notre peau. Je suis très heureux de pouvoir faire les choses à fond et j’espère que ça continuera comme ça le plus longtemps possible.”
Vous avez aussi annoncé votre premier Forest National. C’est vertigineux?
“Je n’habite pas très loin de la salle. Et, à chaque fois que je passe devant, je dis à mon copain que je rêverais d’y jouer un jour. Je crois que c’est un rêve pour tous les artistes belges. Il y a un truc symbolique quand même. J’ai encore dû mal à réaliser que je vais pouvoir le faire. C’est absurde pour moi. Mais, je veux faire le meilleur show possible, proposer quelque chose de flamboyant et être vraiment ambitieux. Pour une salle pareille, il faut l’être.”
Mustii représentera la Belgique lors de la 2e demi-finale de l’Eurovision le 9/5 puis, en cas de qualification, le 11/5 lors de a finale.
La finale de Drag Race, saison 2, sera diffusée ce 21/3 à 20h05 sur Tipik.
En concert le 19/4 à l’Ancienne Belgique de Bruxelles (sold out) et le 1er février 2025 à Forest National. Infos et rés.: ici.
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