L’inclassable Olivia Ruiz est de retour avec un disque à son image, juste et sincère. Rencontre...
Cet album, c’est vous, c’est différent de tout ce qu’on entend. Vous assumez de nager à contre-courant?
“C’est ce que j’ai toujours fait. Il y a 10 ans, je n’en étais peut-être pas consciente. Je n’avais pas assez de recul. Mais quand je regarde dans le rétro, effectivement, je n’en ai toujours fait qu’à ma tête. Je me souviens, après la Star Ac’, il y a plein de chansons qui nous attendaient, on nous proposait de travailler avec tel ou tel compositeur à la mode, et j’ai refusé. Des auteurs hyper connus m’avaient fait des morceaux qui m’auraient permis d’aller tout de suite sur un truc très ‘grand public’ et je leur ai dit ‘non’. Pour aller voir d’autres artistes qui ne voulaient pas de moi parce qu’ils avaient vu la Star Academy et qu’ils trouvaient que c’était de la télé poubelle. Quand j’y repense, je me dis que j’étais courageuse pour une gamine provinciale qui débarquait dans une ville et dans un milieu qu’elle ne connaissait pas… ou alors, j’étais inconsciente (rires). Je savais, en tout cas, que je ne serais jamais un mouton. Je suis née désobéissante. C’est malheureux, mais je ne peux pas lutter contre.”
Vous avez longtemps refusé de participer aux retrouvailles de la Star Ac’. Qu’est-ce qui vous a poussée à y retourner cette année?
“23 ans que je dis que je n’irai pas! J’avais gardé une colère contre la Star Ac’, contre le manque d’accompagnent à la sortie. À l’époque, ça a été un phénomène intersidéral. On était regardés par 15 millions de téléspectateurs, pas 4. Les gens m’arrachaient les cheveux dans la rue. C’était d’une violence infinie, c’était tellement dur à gérer et on était seuls face à tout ça. Après 6 mois, plus personne ne vous répondait au téléphone. Moi, comme je n’ai pas la télé, j’étais restée là-dedans. Nikos et le nouveau producteur du programme m’ont juré qu’ils faisaient plus gaffe aujourd’hui, que les candidats étaient suivis par un thérapeute. Alors, j’ai regardé une quotidienne et j’ai craqué sur les petits. Clairement, c’est ça qui m’a décidée. Je les ai trouvés très mignons, très humbles. Les liens entre eux, ça m’a rappelé nous. Donc, j’ai dit ‘ok’.”
Et une fois sur place?
“C’était tout sauf simple. Ça a fait remonter les peines de cœur même si je suis contente d’y avoir été au final. C’était comme si Patrice, Jessica et les autres s’étaient glissés sous ma chemise. Et puis, les 2 producteurs qui m’ont fait le plus de mal ne font plus partie du programme, donc… Ces 2 types qui m’ont forcée à porter des maillots de bain sur le prime parce qu’ils trouvaient que j’étais la seule candidate assez fine. Et que donc, c’était moi qu’il fallait dénuder pour appâter le chaland. En leur présence, je n’y serais jamais retournée, ça c’est sûr.”
Vous avez toujours fonctionné à l’instinct?
“Peut-être moins à certains moments que d’autres, mais oui. Je crois que l’être humain se déconnecte trop de ses instincts primaires. Parfois, il faut savoir se faire confiance. Il faut pouvoir écouter les signes, être suffisamment connectée à soi et au reste du monde.”
Quels sont ces moments où vous vous êtes sentie déconnectée?
“À la fin de la tournée de ‘La femme chocolat’. J’étais maigre, épuisée. Je ne savais plus où j’étais. J’étais sur scène 5 jours sur 7. Quand je n’étais pas sur scène, je faisais de la promo. Je n’étais plus qu’une vieille chaussette.”
Retrouver le rythme de la tournée, ça vous fait un peu peur?
“Non. Car, ça ne pourrait plus jamais m’arriver. Aujourd’hui, je sais que je peux refuser une proposition de concert sans pour autant être une ingrate. À l’époque de mes 2 premiers albums, je ne savais pas dire ‘non’. J’avais le sentiment de ne pas faire honneur à la chance qui m’était donnée.”
Jusqu’à celui qui est né il y a 8 ans, aucun mec au monde ne valait la peine que je refuse de faire des choses pour mon métier.
Qu’est-ce qui a changé?
“La maternité. Jusqu’à celui qui est né il y a 8 ans, aucun mec au monde ne valait la peine que je refuse de faire des choses pour mon métier.”
Il y a une chanson sur l’album, ‘Le Sel’, qui évoque la solitude qu’on peut ressentir en devenant parent. Ça a été votre cas?
“Oui. J’ai vécu un post-partum difficile, dans une grande solitude, avec une espèce d’incapacité à demander de l’aide parce que rongée par la culpabilité, parce que mes parents vivaient à 800km de chez moi. Ce que cette chanson dit, c’est ce que j’aurais aimé entendre quand j’allais très mal: ‘Tu n’es pas seule, ça va passer.’ Moi, ce qui m’a aidée à me relever, c’est d’être au spectacle face à ce petit enfant. Il m’apprend bien plus que ce que je ne lui apprends. Il me recadre, il me pousse à lâcher prise.”
Le sujet de l’immigration revient souvent sur l’album...
“Je suis le fruit de l’immigration. J’ai 3 grands-parents qui ont fui l’Espagne pour trouver refuge en France. Ils sont passés un peu à côté de leur vie, ils étaient dans une forme de repli identitaire, parce qu’ils n’ont pas été accueillis dignement. Quand tu es héritière d’un exil, que tu vois ce qui se passe dans le monde, tu ne peux pas ne pas aborder le sujet. C’est un hommage poétique. Je ne suis pas une femme politique, mais je ne fais pas de chanson légère.”
La Réplique, d’Olivia Ruiz. En concert le 1/6 au festival LTBR à Vielsam. Infos: ltbr.be
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