Qui est Lous and The Yakuza, nouvelle sensation de la pop belge?
Avec trois titres à son actif (“Dilemme”, “Tout est gore” et “Solo”) et un album à paraître prochainement, Lous and The Yakuza est la nouvelle sensation de la pop belge. Nous l’avons rencontrée dans le cadre de notre nouvelle rubrique, “30 under 30”, qui, durant 30 semaines, soutient les femmes de moins de 30 ans qui ont quelque chose à dire, font bouger les choses, dépassent leurs limites, sautent le pas, osent taper du poing et nous donnent envie de faire pareil.
Bio express
- Née à Lubumbashi (République Démocratique du Congo) le 26 mai 1996.
- Sa mère, d’origine rwandaise, quitte le Congo pour échapper à la guerre alors que Lous n’a que 2 ans. La chanteuse ne la retrouvera qu’à l’âge de 4 ans, à Bruxelles. À 9 ans, sa famille se retrouve au Rwanda.
- À 15 ans, elle quitte l’Afrique seule pour revenir en Belgique et tenter sa chance dans la musique.
- Elle a connu la rue.
- Son premier single “Dilemme”, sorti en septembre 2019, annonce un premier album, “Gore”, pour 2020.
- À suivre sur Instagram sur @lousandtheyakuza
Son enfance, Marie-Pierra, de son vrai nom, l’a vécue entre l’Afrique et la Belgique. Et, malgré les événements traumatisants qu’elle a vécus, cette force de la nature n’en garde que des souvenirs heureux. Issue d’une fratrie de quatre enfants, elle se voit séparée de sa mère et de sa sœur cadette à l’âge de 2 ans à cause des tensions politiques qui opposent le Rwanda et le Congo. Elle les retrouve deux ans plus tard, à Bruxelles, où elles ont pu s’exiler, et quitte, cette fois, son père.
À Anderlecht, puis à Saint-Josse, elle devient “une enfant de l’Europe”, comme elle se surnomme, et son retour au Rwanda, à 9 ans la traumatise. “Pour moi”, explique-t-elle, “avoir de l’eau chaude et de l’électricité, c’était la base. La misère, c’était quelque part, très loin. Et, d’un coup, tu découvres des enfants dans la rue, en bas de chez toi, des orphelins, des gens estropiés. Nous étions en pleine période post-génocide et, autour de moi, tout le monde parlait de meurtres. J’en ai fait des cauchemars et pendant dix ans j’ai été insomniaque. Malgré tout, ma jeunesse n’a été ponctuée que de moments de joie car mes parents ont tout sacrifié pour leurs enfants.” À 15 ans, ils la laissent regagner la Belgique, en solitaire, pour qu’elle tente sa chance dans la musique.
Comment la musique est-elle arrivée dans votre vie?
“Je suis née dedans. À la maison, toutes les raisons étaient bonnes pour faire la fête. Ma mère adorait rassembler nos proches, quelle que soit l’occasion. À 7 ans, j’ai commencé à écrire des chansons sur les princes charmants, des histoires, des livres, des tragédies. J’étais animée par ce besoin de transmettre un message, procurer des émotions, faire danser les gens. J’ai décidé de quitter l’Afrique parce que je n’avais pas accès à l’art, aux technologies.”
De base, je ne chante pas bien. J’étais consciente de ne pas avoir de talent... et mes parents aussi. Dans ma vie, j’ai entendu plus de “Tais-toi” que de “Bravo” quand je chantais. Qu’importe, c’était ma vocation.”
À 15 ans, vous vous retrouvez seule, loin de vos proches et livrée à vous-même...
“J’ai été à l’internat à Namur. À 18 ans, j’étais diplômée en Latin et en Sciences. J’ai toujours aimé l’école. Je suivais des cours de Droit, de Philo et de Sciences politiques à l’université et mes parents nourrissaient de grands espoirs pour moi. Quand je leur ai dit que j’étais bien décidée à devenir chanteuse, ils n’ont pas compris. Surtout que, de base, je ne chante pas bien. J’étais consciente de ne pas avoir de talent... et mes parents aussi. Dans ma vie, j’ai entendu plus de “Tais-toi” que de “Bravo” quand je chantais. Qu’importe, c’était ma vocation. Et, comme la voix est un muscle, je me suis dit que je n’avais qu’à travailler. Mes parents ne m’ont pas soutenue et, puisqu’il en était ainsi, je n’avais qu’à me trouver un job et m’assumer financièrement. Mais, si je voulais percer dans la musique, il fallait que je m’y consacre à 100 %. Je n’avais pas de temps à perdre dans un bureau de 8 h à 17 h. Pour payer mes heures d’enregistrement au studio, j’ai fait un peu de mannequinat, mais ça me saoulait, donc j’ai commencé à vendre de l’herbe. C’était l’idée la plus stupide de ma vie. Je suis devenue SDF. J’ai vécu dans la rue...”
Quel regard posez-vous aujourd’hui sur cette période difficile?
“J’ai toujours vu la lumière au bout du tunnel, même si elle s’affaiblissait. Je ne pouvais pas me laver, même quand j’avais mes règles, c’était l’hiver. J’ai perdu 16 kilos, j’étais maigre, j’avais peur qu’on m’attaque, qu’on me viole, d’être impuissante. Je dormais près des bouches d’égout qui dégageaient un peu de chaleur. J’avais l’impression que les journées duraient 800 heures. Puis, on m’a repéré sur YouTube. “Dilemme” a commencé à passer à la radio, c’était la suite logique de ces quatre années d’embrouille durant lesquelles je ne parlais plus à ma famille. Aujourd’hui, mes parents sont très fiers, ils ne sont pas butés, ils ont réussi à changer d’avis et je n’éprouve aucune rancœur envers eux, ça ne servirait à rien.”
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À l’instar de vos parents, qui sont médecins, vous vous investissez aussi dans l’humanitaire...
“Oui. En janvier 2021, j’ouvrirai une clinique au Rwanda en collaboration avec le gouvernement. Un centre de santé auquel les villageois qui vivent dans des endroits reculés auront accès à défaut de pouvoir se rendre jusqu’aux grands hôpitaux. Je serai en tournée donc ma maman supervisera tout sur place mais je multiplierai aussi les allers-retours.”
Que signifient les symboles sur votre visage?
“Tous les matins, je fais de la méditation et je cristallise, sous formes de symboles, mes sentiments, mes idées, les souvenirs, les histoires personnelles auxquelles j’ai pensé. Je dessine sur mon visage les symboles les plus importants, mes pense-bêtes. Les plus personnels sont cachés sur mes bras, mes jambes, mes mains ou mon dos. Car, oui, j’arrive à écrire sur mon dos (sourire).”
Comment avez-vous choisi votre nom de scène?
“Lous, c’est le verlan, de “Soul”, qui signifie “âme”. Je suis quelqu’un d’extrêmement spirituel, qui vis aussi dans le monde que je me suis créée dans ma tête. “Yakuza” signifie “perdants”, parce que je défends la cause des marginalisés, des noirs, qu’on a toujours considérés comme des criminels. Je n’ai pas été épargnée par le racisme. Mais, à chaque fois, qu’on m’a regardée de travers, qu’une femme a caché son sac devant moi, j’ai pris le temps d’expliquer à l’autre que je n’étais pas une voleuse.”
Quels sont vos projets?
“La sortie de mon album, “Gore”, qui est un condensé de messages de paix et d’amour. Parce que c’est à ça que je me shoote au quotidien. Je définis ma musique comme la recherche infinie de la vérité. J’ai appelé cet album “Gore”, parce que, parfois, les choses sont tellement violentes, atroces, sanglantes et absurdes qu’elles en deviennent presque drôles. “Il vaut mieux en rire qu’en pleurer”, ce n’est pas juste un proverbe, c’est ma philosophie de vie.”
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Je déteste l’idolâtrie. Je n’aurai jamais un autre être humain pour modèle.
Et enfin: qui est votre modèle?
“Dieu. Je suis très croyante, je prie 50 fois par jour. Prier, c’est se parler à soi car Dieu est en chacun de nous. Je déteste l’idolâtrie. Je n’aurai jamais un autre être humain pour modèle, même si le travail de Kate Bush, de Prince ou Michael Jackson m’inspire. On m’a demandé ce que j’avais ressenti en rencontrant Alicia Keys, ce que ça m’avait fait de voir les enfants de Madonna danser sur “Tout est gore”. J’étais contente, bien sûr, mais pas plus que de voir n’importe quel enfant sur Terre danser sur ma musique. Je ne fais pas de distinction. Je considère tous les êtres humains comme mes égaux.”
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