Géraldine Nakache (Les enfants sont rois): ““Les réseaux sociaux sociaux, ce n’est pas naturel pour moi””
Dans l’adaptation du roman de Delphine de Vigan, Les enfants sont rois, pour Disney+, Géraldine Nakache joue une flic bourrue qui enquête sur le kidnapping d’une enfant star des réseaux sociaux.
Nous avons pu interviewer l’actrice.
Le livre suit Mélanie, une influenceuse qui met en scène ses enfants sur YouTube. Sa vie bascule lorsque sa fille se fait kidnapper. La série s’éloigne ensuite très fort de l’œuvre initiale. Vous l’aviez lue?
«Quand on m’a proposé ce rôle, j’ai dit aux metteurs en scène que j’allais lire le roman. Et ils m’ont répondu ‘Non, surtout pas’. En fait, s’ils se sont éloignés de l’œuvre originale, c’est parce qu’ils voulaient davantage mettre l’accent sur l’enquête, fabriquer un thriller. J’ai lu le livre après le tournage et j’ai compris pourquoi ils ne voulaient pas que je sois influencée par le roman. La série est différente et, quelque part, tant mieux pour ceux qui ont déjà lu le livre. En revanche, il reste toute la base du livre de Delphine, ce qu’il raconte de l’être humain, cette espèce de radiographie de la société.»
Parlez-nous de Sara, votre personnage…
«Elle est flic et j’avais peur, au début, de ne jouer que ça, une flic. Mais, l’idée, c’était d’aller chercher ailleurs, de raconter cette femme qui prend en charge une enquête qui la dépasse. Une enquête qui est au centre de l’attention. Car, elle concerne une famille d’influenceurs très convoitée. Et Sarah, elle a dû mal à se regarder et n’aime pas qu’on la regarde.»
C’est quelque chose dont vous avez souffert quand vous avez commencé à être connue? D’être soudainement regardée?
«Quand on choisit d’être actrice, on sait qu’on va être regardée. Ce serait complètement dingue de dire que je ne veux pas qu’on me regarde! Mais quand on me regarde à l’écran, je joue un rôle, je raconte une histoire, je dis les mots d’une autre. Ici, je vous parle en mon nom, mais je suis maquillée, coiffée. Je joue à Géraldine Nakache qui donne une interview. Je ne suis pas complètement la Géraldine que je serai ce soir dans mon canapé. À l’inverse de mon personnage, Sara, j’ai fait le choix d’être regardée, d’être un personnage public. Elle, elle se retrouve au centre d’une enquête qui est médiatisée alors qu’elle n’a rien demandé. Ce n’était pas dans le contrat de base. Ça la met en danger et ça lui permet de comprendre, qu’en montrant son quotidien chaque jour sur les réseaux sociaux, cette famille s’est aussi mise en danger.»
Vous êtes peu active sur les réseaux sociaux. Parce que vous tenez à préserver votre vie privée?
«Il y a plusieurs choses. Déjà, c’est générationnel. J’étais là avant les réseaux sociaux et ils ne sont pas pour moi un moyen naturel de communication. Il y a mon éducation, ma pudeur aussi qui m’empêche d’aller montrer mon intérieur. Ça ne me viendrait pas à l’idée de répondre à vos questions depuis mon salon, par exemple. J’ai l’impression que j’ai des choses à protéger et que ça commence par là. Je trouve aussi que c’est une forme de politesse de ne pas commencer à vous raconter mes vacances ou la façon dont j’élève ma fille. Ça n’a d’intérêt pour personne. Quand on choisit de faire ce métier, il faut mettre des balises, se barricader un peu. Parce que, justement, je n’ai pas choisi la vie de la famille Diore. Je n’ai pas choisi de vous montrer ce que je mange, mes voyages ou comment je me suis réveillée ce matin.»
La force du roman, et aussi de la série, c’est de ne pas juger les influenceur·se·s, de ne pas blâmer Mélanie Diore parce qu’elle expose ses enfants.
«C’est ça! C’est compliqué car on a la tête dans le guidon, on n’a pas de recul, on ne peut savoir ce que vont devenir ces gamines qui sont exposées sur les réseaux sociaux dès leur plus jeune âge. Même si on se dit bien que ce n’est pas tout à fait sain, que ce n’est pas naturel d’avoir une vie comme celle-là. Delphine de Vigan nous alerte sans pour autant nous donner de solutions. On essaye de comprendre pourquoi, au départ, on peut vouloir exposer ses enfants de la sorte. Est-ce que c’est pour l’argent? Pour la gloire? En tout cas, il y a un truc à un endroit qui ne fonctionne pas.»
On n’a pas tous envie de se montrer sur les réseaux, mais on a tous envie de voir, de savoir ce qui se passe chez l’autre. C’est humain.
Après avoir vu Les enfants sont rois, j’ai eu envie de disparaître d’Internet. Mais la réalité m’a vite rattrapée. Pourquoi, selon vous, certaines personnes ressentent-elles ce besoin de se montrer, mais aussi d’aller regarder ce que font les autres en ligne?
«Je pense qu’on n’a pas tous envie de montrer, mais qu’on a tous envie de voir, de savoir ce qui se passe chez l’autre. C’est humain. Et ça, c’était déjà le cas avant Internet et les réseaux sociaux. Le voisin qui épie le badaud dans la rue derrière ses persiennes. Et effectivement, ce phénomène s’est amplifié avec les réseaux sociaux car, tout à coup, on a pu passer de l’autre côté de la porte. Mais le voisin peut tricher. Il peut montrer ce qu’il veut. Il sait filtrer. Il peut aller jusqu’à croire que ce qu’il montre, c’est sa vie, c’est la vérité. Oui, mais jusqu’à quel point? Ce sont des questionnements très intéressants que soulève la série.»
Les enfants sont rois, disponible sur Disney+.
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