ON A VU: le docu Netflix sur Pornhub
Sorti le 15 mars dernier, le nouveau documentaire signé Netflix s’est intéressé à l’un des sites les plus visités de la planète : Pornhub. Baptisé « Pornhub, gros plan sur le géant du sexe », le reportage nous donne accès aux coulisses de la plateforme pornographique la plus célèbre du monde.
Si on a d’abord lancé le documentaire par curiosité sans vraiment savoir à quoi s’attendre, on a finalement été surpris par sa richesse et le nombre de choses que l’on a appris en le visionnant. Loin d’être dans la provocation, le reportage de Suzanne Hillinger nous donne à voir tous les points de vue, ceux des travailleurs du sexe, des grands dirigeants de Pornhub, des victimes des dérives du site et des militants qui œuvrent contre ce dernier. On y découvre l’ascension phénoménale de Pornhub devenu le 12e site le plus visité au monde devant le géant du streaming qui diffuse le reportage, Netflix. Mais on prend également la mesure des dérives qui découlent du système de la plateforme et de l’impact que cela peut avoir sur les vies de centaines de personnes.
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Le résumé
« Au travers d’entretiens avec des acteurs, des militants et d’anciens employés, ce documentaire propose une immersion au cœur des succès et des scandales de Pornhub. »
Comment Pornhub est-il né ?
Peu importe l’opinion que vous avez sur la pornographie et les travailleurs et travailleuses du sexe, ce documentaire est extrêmement intéressant à regarder afin de prendre la mesure des enjeux qui gravitent autour d’un site comme Pornhub. On y apprend tout d’abord que Pornhub, à la manière de Facebook, a été créé par un groupe d’étudiants, un trio scolarisé à la Concordia University au Canada, en 2007. Trois ans plus tard, ce qui avait démarré comme un projet un peu fou, est revendu à un businessman du nom de Fabian Thylmann qui va rendre Pornhub extrêmement puissant grâce au référencement Google. La force de la plateforme réside en effet, dans son excellent référencement qui fait que si vous tapez les quatre premières lettres du site dans la barre de recherche, toutes les premières annonces qui vous seront proposées seront des liens vers Pornhub.
Des vidéos d’abus sexuels postées en ligne
C’est à ce moment-là que Pornhub est rattachée à la société MindGeek qui se trouve au cœur du documentaire. Cette société va en faire l’empire que l’on connaît aujourd’hui en « normalisant » l’accès libre à des contenus pornographiques en ligne. Le site offre la possibilité de poster librement un contenu sexuellement explicite sur sa plateforme afin de le rendre accessible à tous. Si ce système a permis aux travailleurs et travailleuses du sexe de vivre de leurs contenus, sans dépendre d’un studio de production et sans forcément avoir à jouer avec d’autres acteurs ou à suivre un scénario, uploadant simplement leurs vidéos filmées chez elles ou chez eux, ce mode de fonctionnement a également permis à d’autres personnes mal-intentionnées de le faire.
En 2020, le scandale éclate à travers un article du « New-York Times » intitulé « Les enfants de Pornhub » qui dénonce des milliers de vidéos accessibles sur la plateforme qui seraient des enregistrements d’abus sexuels, de viols, ou encore des vidéos volées. Comme celles de Serena Fleites qui n’avait que 14 ans lorsque des vidéos d’elle dénudée, ont été publiées sur Pornhub sans son consentement. Des vidéos qui suite à plusieurs demandes de sa famille ont été supprimées de la plateforme, mais qui sont toujours réapparues, repostées par d’autres utilisateurs anonymes. En effet, si la partie payante de Pornhub exige que l’identité des utilisateurs soit vérifiée, celle qui contient les contenus gratuits ne nécessitent pas de contrôle d’identité. Après l’article, bien que plus de 5000 vidéos ont été retirées de Pornhub et que les règles concernant la publication ont changé, de nombreuses organisations ont demandé la surpression totale du site qui selon eux encense « le trafic et l’exploitation sexuelle ».
Face à ces accusations, les groupes financiers tels que Visa et Mastercard ont quitté Pornhub, il n’est donc plus possible d’effectuer des transactions par le site. Un changement que certains pourraient considérer bénéfique, mais qui va affecter la vie professionnelle de milliers de travailleurs et travailleuses du sexe qui exercent ce métier de façon consentante et qui en vivent. Beaucoup sont contraint·es de retourner sur les plateaux de tournage dans des conditions pas forcément saines et respectueuses de leurs limites, de collaborer avec des entreprises avec lesquelles ils·elles ne sont pas forcément à l’aise. Des mesures qui exposent les travailleurs et travailleuses du sexe à plus d’insécurité et de dérives aussi.
Pourquoi il faut voir ce documentaire ?
Parce qu’à aucun moment, on ne sent un parti pris. Toutes les voix sont entendues, toutes les problématiques sont exposées et l’on comprend très vite que trouver de véritables solutions aux dérives est bien plus complexe qu’on ne pourrait le croire. Que chaque choix n’est pas sans conséquence pour une part ou une autre des acteurs de l’industrie. Le documentaire n’apporte pas de réponse claire à la situation, mais nous pousse à nous questionner, à réfléchir aux différentes positions sur le sujet. Tout en rappelant quelque chose d’essentiel, à travers une phrase prononcée par une travailleuse du sexe : « Le sexe sans consentement n’est pas du sexe : c’est du viol. La pornographie sans consentement n’existe pas, c’est du viol. » Le reportage montre également que les enjeux éthiques, économiques, moraux et légaux qui entrent en jeu dans le cas de Pornhub avec la publication de ce genre de vidéos, relève finalement de quelque chose de bien plus vaste : Internet en lui-même.
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