Pourquoi on aime tant ““Mariés au premier regard””?
Hier, 21h, devant mon écran : j’attendais avec impatience le premier épisode de “Mariés au premier regard”. Je me suis demandée pourquoi on était si nombreux·ses à être fans de l’émission, qui compte déjà dix saisons à son actif.
C’est notre petit plaisir coupable: celui qu’on ne dévoile qu’à nos proches (proches), celleux dont on sait qu’ils.elles ne nous jugeront pas pour cette petite faiblesse. Chaque dimanche, inlassablement, quand “Mariés au premier regard” débute, nous voilà scotché·e·s à notre petit écran, à la merci d’un “oui” ou d’un “non” devant l’autel. Mais pourquoi, finalement?
“Je pense que c’est parce que nous sommes toustes fasciné·e·s par les matchs. Les célibataires souhaitent débusquer en un coup d’œil Tinder avec qui iels pourraient filer une nuit ou la vie. Celleux en couple ne cessent de se demander à quoi est dû cet amour grandissant, florissant. Pourquoi lui? Pourquoi elle? Pourquoi, surtout, “nous”? Car le coup de foudre, à l’heure des algorithmes, était encore une denrée incalculable, qui échappait au domaine de la science. Mais ça, c’était avant “Mariés au premier regard”, qui a décidé de transformer l’amour en grand laboratoire.
Ici, les Zamours se muent en mathématiques. Des pourcentages remplacent les cœurs et le feeling se fractionne, le désir s’additionne. On peut enfin manier le love comme on manie les algèbres. Et forcément, ça captive!
Derrière nos écrans, on veut savoir pourquoi ça marche, pourquoi ça capote, à quoi est dû le coup de foudre ou le désamour. On recherche la logique, le sens, dans un domaine qui en est a priori dépourvu. On veut des faits scientifiques, des théories implacables, qui nous permettraient de ne plus jamais nous planter dans la grande aventure du love. De plus rentrer d’un date bredouille. Ne plus perdre son précieux temps (et les années les plus fertiles de nos ovocytes). Ce serait tellement rassurant, non, si l’université nous enseignait des cours de compatibilité? Nous donnait comme devoirs des démonstrations amoureuse? Toi + moi = nous 4ever. CQFD.
Fascinant, rassurant, mais aussi vachement flippant, n’est-ce pas? Car si l’amour est une science, où est cette part de magie qui le rend si fou? On glisse en douceur dans un épisode de “Black Mirror”, où nos relations seraient traçables, et où nos sensibilités amoureuses seraient des data. Si nous sommes toustes accros à l’amour, c’est parce que, justement, il échappe à la science, qu’il nous transcende et entraîne des effets chelou comme une poussée d’insectes dans le ventre.
L’Amour, dans l’inconscient collectif, semble encore nous tomber dessus, comme une drache belge, sans parapluie. C’est bien connu: l’amour se cache au coin d’une ruelle sombre, c’est quand tu ne l’attends pas qu’il te plaque au sol, et te fait flancher les jambes. L’Amour ne compte a priori pas de météorologues: personne ne peut prédire la tempête et nous dire quand le soleil reviendra. Personne… sauf les psys et coachs de “Mariés au premier regard”. Et voilà une seconde raison qui nous fait kiffer l’émission: elle vient nous outrer. Nous provoquer. Faire vasciller nos schémas de pensées. Elle nous pousse à la bagare. ah ouai, comme ça, tu penses que l’amour se décide au préalable? Qu’il se prévoit dans l’agenda? Répète ça un peu pour voir! Quand ça capote, que le “non” glaçant vient contredire des algorithmes glaciaux, une partie de nous bondit de joie: l’amour est là, incontrôlable, indomptable, il a fui du laboratoire.
Après, qu’on se le dise: passé un certain âge ou quelques déceptions, souvent, on se dit que l’alchimie féérique de l’amour ne suffit pas. Que pour tenir la longueur sans trop de heurts, une compatibilité rationnelle est inévitable. Pas une compatibilité parfaite mais un match fragile: fait de complémentarités, de concessions, d’ajustements, de dialogue et d’empathie. Et c’est là qu’on remercie MAPR de nous donner quelques ingrédients de ce cocktail détonnant. Car quand l’amour ne se compose que de grains de folie, il se désintègre souvent comme un château de sable au gré du vent.
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