Rencontre avec Karin Viard: ““C’est aberrant de voir des femmes s’aliéner””
Nous avons rencontré Karin Viard à Paris, à l’occasion de la sortie en salles de “Madame de Sévigné”. Film d’époque, ce long-métrage est aussi une histoire moderne. Celle d’une mère (Karin Viard), devenue l’une des plus grandes femmes de lettres de France, qui entretient une relation toxique avec sa fille (Ana Girardot).
Que saviez-vous de Madame de Sévigné avant de l’incarner?
“Pas grand-chose. J’ai lu quelques-unes des lettres qu’elle écrivait à sa fille. Ce que j’ai trouvé passionnant, c’est la modernité du propos. Il est question de liberté de la femme, mais aussi du rapport d’une mère à son enfant. D’une mère qui voit sa fille quitter la maison, qui réalise qu’elle ne lui appartient pas, qu’elle ne lui ressemble pas. Elles sont toutes les deux persuadées d’avoir raison et se font du mal alors qu’elles n’en ont pas envie. C’est encore très actuel, je trouve.”
Trop d’intensité dans la relation avec ses enfants amène un carburant émotionnel qui n’est, en général, pas très positif.
Vous avez 2 filles. Pensez-vous que le rapport mère-fille soit plus conflictuel? Madame de Sévigné avait aussi un fils, dont elle n’a jamais attendu autant…
“Je pense qu’une relation mère-fils peut être bien névrosée aussi. Le fils, c’est l’espèce d’homme idéalisé. En fait, la névrose intrafamiliale, elle dépend de tellement de choses. De ta propre histoire, de ce que tu essayes de rattraper avec tes enfants. Je dirais, globalement, que trop d’intensité dans la relation avec ses enfants amène un carburant émotionnel qui n’est, en général, pas très positif. Il ne faut pas mettre trop d’enjeu. Je n’en ai pas toujours été capable.”
Madame de Sévigné déplore le fait que sa fille, Madame de Grignan, ne s’affranchisse pas de son mari. On peut aussi être féministe et indépendante, tout en restant mère ou femme au foyer, non?!
“Quand tu es une femme indépendante, que tu t’es battue pour ton indépendance, c’est hallucinant de ne pas chercher à l’être, en fait… C’est de ça qu’il est question dans le film. À l’époque, la première cause de mortalité chez la femme, c’était de mourir en couches, en donnant la vie. Donc, à chaque fois que Madame de Grignan annonce à sa mère qu’elle est enceinte, Madame de Sévigné a peur de la perdre. C’est un sujet de terreur. Et les hommes, eux, n’en ont rien à foutre. Ce qui compte, c’est d’avoir des héritiers et de baiser quand ils en ont envie. Madame de Sévigné est veuve, fortunée et indépendante, alors, voir que sa fille s’agrège à un buveur, dépensier, qui lui vole tout son fric et qui la traite mal, ça lui semble absurde. Et ça me semblerait incompréhensible aussi. Mais bon, chacun habite sa propre existence comme il en a envie. Si l’une de mes filles faisait ce choix-là, je ne penserais pas qu’elle a raison, mais je me dirais que c’est sa vie, pas la mienne. C’est un peu aberrant de voir quelqu’un s’aliéner quand tant de femmes meurent dans le monde pour leur liberté. Mais, ça existe. Comme ces femmes, aux États-Unis, qui militent contre l’avortement. Elles se sentent humiliées par les discours féministes parce qu’elles ont fait le choix d’avoir des enfants et de s’occuper de leur famille et de leur maison.”
Vous vous sentez proche de votre personnage?
“Je ne cherche jamais ce qui me rapproche, ce qui me différencie de mes personnages. Cette question n’est pas intéressante. Ce qui compte, c’est qu’on a envie de faire comprendre au spectateur, la sensibilité qu’on met.”
Tourner un film d’époque, c’est un exercice qui vous plaît?
“Il y a la magie des décors, des costumes, on peut se projeter ailleurs. Quand tu débarques sur le tournage, c’est quand même assez féerique. L’inconvénient, c’est que ça prend du temps à mettre en place et puis, ces chapeaux, ces coiffures, ces tenues, c’est quand même très contraignant.”
Il paraît que vous détestez passer des heures au maquillage et à la coiffure. Info ou intox?
“Vrai. Je m’en suis rendu compte sur le coup. Ça m’a été un peu pénible. Mais ce n’était pas une raison suffisante pour refuser le projet.”
L’histoire se déroule au 17e siècle. Qu’est-ce qui vous fascine dans cette époque?
“Rien. Je ne m’y connais pas assez que pour répondre à cette question.”
Madame de Sévigné, actuellement au cinéma.
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