ON A VU: la saison 2 de ““Normal””, la série RTBF sur la santé mentale
Normal. Qui l’est, normal, au final? Où se situe la frontière entre la normalité et le trouble mental? À partir de quand est-on diagnostiqué·e schizophrène, bipolaire, autiste… C’est la question sous-jacente de la web-série “Normal”, dont la seconde saison vient de sortir sur Auvio.
Après une première saison sortie l’année dernière — on vous en parlait ici — “Normal”, la websérie créée par Benoit Do Quanq et Pablo Crutzen Diaz, deux réalisateurs désormais bien connus de la scène belge, est de retour avec une seconde salve de portraits intimistes.
Derrière la schizophrénie, l’autisme et l’alcoolisme
Chacun des personnages — un par épisode — vient mettre en lumière un trouble de santé mentale. On découvre le portrait, sobre, toujours face caméra, de Cindy, qui, après son “burn out de la vie” comme elle l’appelle, a fini dans la rue et l’alcool, avant d’avoir elle-même le déclic pour s’en sortir. Florian, lui, évoque, au côté de sa mère, son autisme, l’obligation de vivre avec pour toujours, de s’en accommoder, mais aussi l’importance pour lui de trouver des échappatoires. Il y a aussi Kevin, qui témoigne de sa schizophrénie et de la difficulté pour ses proches à rester à ses côtés face à cette maladie qui ravage tout sur son passage. Anaïs elle aussi diagnostiquée schizophrène, témoignage du harcèlement scolaire dont elle a été victime, et de l’importance, dans sa vie, de la thérapie et de l’amour maternel.
Qu’est-ce que la normalité?
L’idée, en laissant la parole à ses personnes, est d’emmener le spectateur au-delà de la méconnaissances et des idées préconçues sur la santé mentale. Faire comprendre que celleux qui entendent des voix, qui se noient dans l’alcool, qui se montrent parfois violents envers eux-mêmes sont avant tout des humains, comme tout le monde, souffrant d’une maladie. Maladies pour lesquelles il existe des médications, des thérapies et des évolutions positives possibles.
Avec “Normal”, les réalisateurs nous invitent aussi à questionner la notion de normalité au sein de notre société, mais aussi, en filigrane, la question de la gestion de ces maladies par la société: quelles solutions leur apporte-t-on? (Jusqu’)À quel point la médication en est-elle une? Le résultat de cette web-série est sobre, intimiste, jamais voyeuriste. Poétique aussi, grâce aux splendides animations qui viennent ponctuer les témoignages.
On a posé 3 questions à Benoit Do Quang, l’un des réalisateurs
Pourquoi avoir réalisé une seconde saison?
“La santé mentale est un sujet qui nous tient toujours à cœur. Après la première saison, on s’est rendu compte qu’il s’agissait d’un sujet trop important et encore trop invisible dans les médias belges. Nous avons reçu beaucoup d’échos venant de plein de milieux différents. Nous avons même été invités à participer à un colloque, organisé par le CRéSaM, une ASBL qui soutient l’action des professionnels de la santé mentale et leur intégration dans le réseau de soins en santé mentale en Belgique.
À côté de ça, plusieurs organismes nous ont dit qu’ils utilisaient notre série comme support éducatif. Et ça nous ravit! On a aussi réalisé qu’il existe des milliers d’histoires comme nous les mettons en lumière: elles sont nombreuses à devoir être racontées, ce qui explique une seconde saison. Plus on diffusera des récits différents, plus les personnes concernées pourront s’y reconnaître et peut-être, qui sait, trouver de l’aide à leur tour. Un simple récit peut aider de nombreuses personnes qui vivent avec ce trouble. Mais aussi les personnes qui connaissent un proche dont c’est le cas et qui ont besoin d’aide pour les comprendre ou les aider. Raconter un maximum d’histoires permet toujours plus de compréhension.”
La participation à cette websérie a-t-elle parfois influencé le quotidien des intervenant·e·s?
“Les échos des intervenant·e·s ont tous été très positifs. Ils·elles nous ont tous remerciés pour l’expérience, mais certains nous ont dit que cela leur avait permis de renouer le contact avec des proches. Ces derniers ont compris des éléments du trouble qu’ils n’étaient pas parvenu à comprendre dans le dialogue direct. Indirectement, c’est aussi notre objectif: les gens qui souffrent de trouble éprouvent des difficultés à en parler. C’est difficile et cela reste tabou, même avec des personnes proches. Notre méthode — leur faire raconter leur histoire à des inconnus, moi et Pablo — permet de faciliter le dialogue. Cela leur permet de se livrer beaucoup plus facilement qu’à l’extérieur.”
“Normal” permet aussi de comprendre vraiment ce que représente telle ou telle maladie, en dehors de l’inconscient collectif…
“Beaucoup de personnes qui n’y connaissent pas grand-chose à la santé mentale nous disent qu’ils ne savaient pas ce que représentaient vraiment la bipolarité, la schizophrénie ou encore la dépression avant de découvrir les épisodes. Dans l’imaginaire collectif, on constate qu’on a tendance à se faire une idée fausse de ces troubles psychologiques. On pense que ce sont des personnes dangereuses par exemple alors qu’en regardant le documentaire, on réalise que ce n’est pas le cas. Ce sont des personnes en grande souffrance. Je pense que nos épisodes ont permis d’ouvrir des canaux de compréhension et l’intérêt des gens sur la santé mentale de manière générale.”
Comment s’est passé le choix des intervenant·e·s?
“C’est un point essentiel! Pour la première saison, on avait bossé avec une amie qui était en charge de la partie casting. Elle avait contacté plusieurs organismes et nous laissait le choix final, en nous présentant les éventuels témoins. Dans la première saison, on avait sélectionné les grands maux de la santé mentale: ces troubles que tout le monde connaît sans vraiment connaître, comme la bipolarité, la schizophrénie, la dépression… On ne voulait surtout pas devenir un lexique des maladies mentales, mais c’était important d’aborder les grands points pour qu’un maximum de personnes puissent s’y reconnaître. Pour la seconde, on s’est occupés nous-mêmes du ‘casting’: on avait développé des contacts avec des associations donc tout a été plus fluide pour cette phase de recherche. De manière générale, on essaye d’avoir des récits assez différents (même s’ils le sont tous), mais aussi des intervenant·e·s qui se sentent prêt·e·s à en parler sans filtre. Et capables d’en parler de manière claire, compréhensible et intelligible... C’est déjà compliqué de parler de manière limpide devant une caméra, mais évoquer des aspects si intimes ajoute à la difficulté.”
Les épisodes sont à retrouver gratuitement sur Auvio.
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