Bang Gang, rencontre avec la réalisatrice

Qu'est-ce qui vous a donné envie de traiter ce sujet?

"Le côté intemporel du fait divers. Je me suis inspirée d'un scandale qui a frappé de jeunes Américains de classe moyenne en 1996. Moi qui suis issue du même milieu, je comprends leur ennui, mais je me suis demandée comment on pouvait aller aussi loin, comment des ados moyens sans histoire pouvaient verser dans l'extrême. J'ai par contre ancré le sujet dans notre actualité en intégrant le rôle des réseaux sociaux."

Quels sont pour vous les avantages et inconvénients des réseaux sociaux?

"Leur accessibilité... et leur accessibilité (sourires). Avec Facebook, Twitter, des tas de gens me découvrent, entendent parler du film. Je reçois des tas de messages d'inconnus qui ont été touchés. Mais je reçois aussi des tas d'insultes, je m'y fais malmener par des gens qui n'ont souvent même pas vu le film et réagissent sur des interventions télévisées, sur des posts. c'est parfois violent e tj'envisage même de quitter les réseaux sociaux."

Le film est sous-intitulé "Une histoire d'amour moderne". Derrière leurs comportements extrêmes, ces jeunes seraient juste en quête d'amour?

"Le sexe n'est jamais le sexe pour le sexe, il y a toujours des enjeux et des désirs basiques derrière. Je trouvais intéressant de gratter la surface pour réaliser qu'au bout du bout, on en revient toujours au même: le sentiment amoureux. C'est ce qui sauvera les héros du film d'ailleurs au final. Ils vont tous aller au bout d'eux-mêmes et en ressortir changés. Le film explore des frustrations d'adolescence. Je me suis interrogée sur ces garçons qui ne traitent pas bien les filles... Avec le recul, je me dis qu'ils ne savent simplement pas comment s'y prendre. Vous me direz que certains ne changent pas en devenant adultes, mais il convient alors à chacun de poser ses limites, de dire que l'on n'aime pas être traité de telle ou telle manière. A l'adolescence, on ne sait pas encore bien comment faire. On arrive déjà pas à poser nos propres limites."
 

Quel regard portez-vous sur les adolescents d'aujourd'hui?

"J'ai le sentiment qu'ils sont plus conservateurs que ceux des générations précédentes. Ils sont en tête de wagon de la révolution numérique, ce n'est pas évident. Ils ont du mal à se repérer. L'approche du sexe est plus libérée de par l'accès, via les réseaux sociaux. Mais la parole devient par contre plus conservatrice.

Le sexe est devenu omniprésent dans l'espace public, mais il devient aussi plus condamné qu'avant.

L'image de la femme ne progresse pas non plus, au contraire... Une fille va explorer sa sexualité, va avoir plusieurs partenaires, elle sera toujours traitée de salope. Un mec fait la même chose, il reste toujours vu comme un conquérant."

Vos héros, 16 ans en moyenne, sont biberonnés aux films X... L'image d'une réalité?

"Il ne faut pas généraliser. Tous les ados ne sont pas comme ça... Il faut savoir aussi que le fait divers dont je me suis inspirée touchaient des gamins entre 12 et 14 ans en moyenne. Et déjà, à l'époque, le porno était bien présent. Donc oui, il joue aussi un rôle ici, mais le phénomène n'est pas nouveau. Ce qui a changé, c'est l'accessibilité au porno. Mais plutôt que de se dire que c'est horrible, les parents devraient mieux accompagner leurs enfants dans ce monde où tout est devenu plus accessible."

Vous trouvez les parents d'aujourd'hui démissionnaires?

"Il y a différents aspects qui entrent en jeu: d'abord, il y a les parents qui ont du mal à voir grandir leurs enfants et à se les représenter comme des êtres sexués. Ensuite, il y a de nombreux parents qui, sous prétexte qu'ils ne connaissent pas le monde du Web et des réseaux sociaux, ne se mêlent pas de ce que leurs enfants y font. Maintenant, je reste opitmiste: l'adolescence est un passage où l'on expérimente, on retombe ensuite sur nos pattes."

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