De passage dans les Vosges du Nord, notre journaliste Sarah s’est laissé tenter par une expérience inédite: une randonnée accompagnée d’un âne de bât du nom de Hop. Un moment inoubliable qu’elle a décidé de partager avec nous.
Après les chèvres, c’est au tour des ânes d’être les coqueluches d’Internet. Et quelque chose nous dit que Pierre Niney, qui en a récemment adopté deux, n’est pas complètement innocent, dans cette histoire. Avec leurs grandes oreilles, leur belle robe oscillant entre le gris et le brun et leur braiment si singulier, il est vrai qu’il est difficile de ne pas craquer.
Récemment, je me suis rendue dans les Vosges du Nord pour découvrir cette région pas toujours très populaire auprès des voyageur·euse·s – celles/ceux-ci préférant généralement la région centrale ou du Sud -, avec les offices de tourisme du Massif des Vosges. À cette occasion, j’ai testé une activité à laquelle je n’aurais jamais pensé: une randonnée avec un âne.
Cinq jours en tête-à-tête avec un âne
Sur place, j’ai rencontré Joël. Avec Ânecdote, il propose aux marcheuses et aux marcheurs de vivre une expérience de randonnée inédite autour de la commune d’Obersteinbach. L’idée est de pouvoir partir en randonnée durant plusieurs heures, une journée complète, voire carrément cinq jours, accompagné d’un âne de bât. Il n’est pas question de s’asseoir sur l’animal, celui-ci est votre compagnon durant vos pérégrinations et porte une partie de vos affaires.
Je savais que dans certains pays montagneux, il était plutôt commun que des ânes deviennent des sortes de sherpas à quatre pattes pour faciliter l’ascension des marcheur·euse·s ou des paysans, mais pas qu’il était possible de vivre cette expérience en France. Comme me l’a expliqué Joël, la randonnée en itinérance avec un âne s’est surtout développée dans les Cévennes, plus bas dans le sud du pays. C’est là qu’en 1878, l’écrivain écossais Robert Louis Stevenson (à qui l’on doit le roman “L’île au trésor”), alors en proie à un chagrin amoureux, a entrepris de traverser les Cévennes à pied, avec un âne. Aujourd’hui, l’écrivain prête son nom à un sentier de grande randonnée, le GR70. L’activité s’y est développée, et l’intérêt étant tel, est arrivée jusque dans les Vosges du Nord, où Joël “prête” ses ânes aux randonneur·euse·s.
Hop, mon âne “facile à vivre”
Le jour J, c’est lui qui a choisi l’âne qui allait m’accompagner. N’ayant qu’une très (trèèèèès) lointaine expérience avec des équidés, il a choisi Hop, une bête plutôt facile, selon lui. Après les présentations d’usage, le moment des caresses, le passage sous le peigne et le curage des sabots, Joël m’explique la marche à suivre et les bons gestes à adopter. Avec un âne, il faut être doux, mais ferme. Ok, pour le coup, c’est dans mes cordes, et je suis persuadée que tout va couler comme une rivière dévalant la montagne, sans le moindre obstacle pour l’arrêter. J’ai été un peu trop optimiste.
Mon programme étant chargé, je devais passer deux heures en compagnie de Hop afin de me rendre aux ruines du château de Schoeneck. Ouais, “devait”, car je n’en verrai pas la moindre pierre. Ce jour-là, j’ai compris tout le sens de l’expression “têtu comme un âne”. Alors que nous avancions à un rythme correct, une fois arrivés à l’orée de la forêt, mon compagnon à quatre pattes a soudainement décidé qu’il ne voulait plus du tout mettre un sabot devant l’autre, préférant se délecter de l’herbe grasse. Ce fut la croix et la bannière pour le faire avancer, de telle sorte qu’après quinze minutes d’âpres négociations, je me suis résignée à appeler Joël à la rescousse. Heureusement, Hop et moi n’avions parcouru que quelques centaines de mètres, nous étions encore à sa portée. L’animalier, grâce à son expertise, est parvenu sans mal à convaincre mon âne. Un véritable exploit, selon moi, la routine, selon Joël. Le voyant ainsi maîtriser le brave animal, j’ai dû me résoudre à admettre que je n’avais pas (encore?) la main avec mon âne.
Durant les explications qui ont précédé ma petite balade, Joël avait bien dit qu’il fallait empêcher l’âne de s’arrêter tous les dix mètres, qu’il fallait que je sois ferme dès le départ, et que l’animal allait inévitablement me tester pour jauger ce qu’il pouvait, ou ne pouvait pas faire avec moi. Encore une fois, je m’étais dit: “Easy, dans la vraie vie, je suis aussi ferme que de l’acier trempé, ça va le faire.” Dans la pratique, je ressemblais plutôt à un tendre morceau de tofu. Ou à un délicieux gâteau, vous choisissez l’image qui vous convient. Alors que Hop et moi avancions à nouveau après notre petite pause impromptue, il s’est mis à me tester. J’ai bien essayé de l’empêcher de brouter, mais je ne m’attendais pas à une telle force, à ce que mon âne si mignon oppose une telle résistance.
Une relation qui se construit
Du coup, le reste de la balade s’est poursuivi à un rythme plutôt lent. J’avais beau m’opposer à sa gloutonnerie, il parvenait toujours à grignoter feuilles et brins d’herbe, ce gros gourmand. Résultat, je n’ai jamais vu le château de Schoeneck. Mais l’expérience était tout de même incroyable, bien que trop courte à mon goût. Deux heures, ce n’est bien sûr pas suffisant, il s’agit plutôt du temps nécessaire pour s’appréhender. Si j’étais restée une journée entière avec lui, je suis sûre que Hop aurait avancé à une cadence plus soutenue et proche de mon rythme de marche (même si, il faut s’y attendre, celui-ci sera moins rapide que si vous marchiez seul·e). Mais alors, le top du top aurait été de partir en itinérance. Selon Joël, une véritable relation peut naître au cours des cinq jours (le maximum possible chez Ânecdote) de randonnée. Tout est alors beaucoup plus fluide, car “l’âne est un animal qui n’oublie pas facilement”, souligne l’expert des équidés.
En me lisant, vous pourriez vous dire que j’ai passé un mauvais moment, mais pas du tout. Loin de là, même. Bien que Hop se soit montré quelque peu récalcitrant par moments, j’avais le sourire aux lèvres à chaque instant. Quel bonheur de traverser la forêt aux côtés d’un animal aussi exceptionnel que l’âne. Une chose est certaine, j’ai envie de tenter à nouveau l’aventure. Dans les Vosges ou dans les Cévennes, peu importe.
Si l’expérience vous intéresse, rendez-vous sur la page Facebook d’Ânecdote Alsace. L’un des avantages par rapport aux Cévennes, c’est que la région se trouve à seulement quatre heures de Bruxelles.
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