Si on m’avait dit qu’un jour j’apprécierais le yoga, je n’y aurais jamais cru. Pour moi, ce sport (qui n’était pas vraiment un sport, d’ailleurs), était réservé aux personnes zen. Tout sauf moi, quoi.
J’avais déjà essayé de me glisser dans la peau d’une yogi. Plusieurs fois, dans plusieurs établissements, avec des professeurs différents et en testant divers types de yoga. Mais je n’accrochais pas, j’étais raide comme un piquet, le chien tête en bas me faisait un mal de chien, justement. Mes pensées vagabondaient tant que je finissais plus stressée au terme de ma séance qu’avant. Contre-productif, donc. Mais étrangement, je sentais que ce sport pouvait me faire énormément de bien, à moi, éternelle anxieuse qui ne connaissait de la méditation que le nom. Alors, après une rupture bien douloureuse comme il faut, je retente le coup. Me revoilà inscrite pour la énième fois à des cours de yoga. Cette fois, j’avais choisi le package all-in en plus — plus moyen de me tromper — : avec une salle entièrement dédiée au yoga qui propose des dizaines de cours par semaine.
Chacun sa route, chacun son chemin
Cela fait maintenant un peu plus de six mois que je pratique régulièrement du yoga. Six mois, ce n’est pas grand-chose et je suis toujours nulle, qu’on se le dise, même si le concept de nullité n’existe pas dans le monde des yogis. Et ça, c’est sans aucun doute mon premier apprentissage: apprendre à ne pas se comparer. Pour être honnête, j’ai encore du mal: quand des dizaines de yogis autour de moi s’appliquent à tenter une position, je relève encore trop souvent la tête pour guetter leur geste et me comparer. J’observe la position de leurs mains, de leurs pieds, de leurs hanches et je remarque à quel point mon corps manque de souplesse si je le compare aux leurs. Et franchement, être moins souple qu’une dame de 60 ans, ça fait un peu mal à l’égo. C’est difficile, parce que la comparaison est omniprésente dans notre société. Encore plus quand on est une femme, encore plus quand il s’agit d’évaluer, de critiquer, de juger des corps. Le yoga nous éloigne de ce regard critique, nous apprend la bienveillance envers soi et son corps, il faut d’ailleurs se remercier à chaque fin de cours d’avoir pris le temps de se faire du bien. Le yoga, c’est tout sauf une compétition. Idem pour le regard des autres: j’ai remarqué à quel point c’était compliqué pour moi de ne pas me sentir jugée quand je ne parvenais pas à faire un exercice. Et cette pression du regard des autres représente un vrai handicap dans la vie. Le yoga m’apprend à m’en foutre, à faire “mon truc”. C’est un sport très personnel finalement, où chacun expérimente son propre petit bonhomme de chemin. Ma prouesse, c’est de pouvoir toucher le sol avec les paumes de ma main, les jambes tendues, là où d’autres n’ont pas besoin d’un seul cours de yoga pour y parvenir. C’est ma prouesse à moi. Et apprendre à penser comme ça prend du temps, il faut de l’entraînement: c’est comme muscler une partie de son cerveau. C’est un des apprentissages que je tente d’appliquer aussi dans la vie: chacun sa route, chacun son chemin. Célibataire, sans enfant à bientôt 30 ans? Toujours pas à l’aise en position du lotus? Same shit: chacun son rythme, coco!
Apprendre à attendre
En parlant de rythme, s’il y a bien un deuxième apprentissage que je retire du yoga, c’est la patience. Vous savez… les pauses de yogis expérimentés que vous voyez passer sur votre feed Instagram? Les positions chelous où des meufs ont les pieds derrière la tête, un dos et des jambes aussi courbées qu’un chewing-gum? Bah sachez qu’il faut parfois 10 ans de pratique pour parvenir à pouvoir réaliser certaines positions. Le yoga, comme toutes les bonnes choses dans la vie, ça prend du temps. Et le pratiquer m’a appris à quel point j’étais très impatiente (je veux tout, tout de suite). C’est d’ailleurs sûrement ce point qui m’avait découragée lors de mes tentatives précédentes de faire du yoga. Je voulais percevoir des résultats très vite, je ne comprenais pas pourquoi je n’arrivais pas à mettre mes paumes de main l’une contre l’autre derrière mon dos: en fait, ça me saoulait! Encore une fois, je suis conditionnée à penser résultat dans tous les autres domaines de ma vie, à vouloir que ça aille vite. Un jour, un prof’ m’a expliqué qu’il fallait y aller mollo: que poser sa main sur ses genoux ou ses mollets, plutôt que sur le sol, en fait, c’était déjà assez. Que dans une semaine, j’avancerai d’1 mm, dans trois semaines d’1 cm et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’au jour où je parviendrai — petit miracle — à toucher le sol. Et je peux vous dire que le jour où je suis parvenue, super naturellement, à poser mes mains paume contre paume derrière mon dos, j’ai eu un sourire jusqu’aux oreilles sur le chemin qui me ramenait chez moi. Le yoga m’a appris la patience. Et la confiance en l’avenir: je sais que si je continue à pratiquer, je parviendrai à réaliser telle ou telle position. C’est inévitable, c’est juste… une question de temps. De persévérance et d’optimisme. Comme pour tout, dans la vie!
Se réapproprier son corps
Un peu trop psychologique tout ça? Rassurez-vous : le yoga fait aussi un bien fou au corps. En fait, ce sport permet de se le réapproprier. C’est comme si notre corps offrait des millions de possibilités de mouvements mais que nous n’en utilisions qu’une infime partie. Au fil de ma pratique, j’ai cette impression un peu magique d’ouvrir des tiroirs. C’est comme si je gagnais de l’espace dans mon corps. Et c’est un peu ça qu’il se passe concrètement. On va plus loin dans l’amplitude de nos mouvements et ça apporte une certaine liberté, même au quotidien (liberté de ne pas se casser le dos en ramassant un bic à terre, par exemple). Marrant aussi et hyper jouissif: l’impression de regagner le corps de son enfance. Vous voyez, quand vous étiez bébé et que vous vous mangiez les doigts de pied ? Ou quand vous faisiez des roues, des poiriers ou des grands écarts dans la cour de récré? En réalité, ce corps est encore à portée de main, à condition de pratiquer. Une cure de jouvence bien moins chère qu’un lifting.
Le yoga, un sport ?
Ça, évidemment, c’est la question que je me posais. Parce que prendre cet abonnement au yoga, c’était aussi tirer une croix sur un abonnement classique à une salle de sport. Et évidemment, quand on fait du sport, on a souvent envie d’avoir le corps de sirène qui va avec. Alors, verdict ? Le yoga sculpte, mais petit à petit. Sûrement moins que si vous alliez porter des haltères de 10 kilos à la salle. C’est un processus, mais j’ai rarement été aussi bien dans mon corps, que je vois se dessiner petit à petit. Des muscles subtils et bien dessinés, et surtout… partout. Plus besoin de choisir entre les squats, les abdos ou les haltères: le yoga fait travailler absolument tous les muscles, même ceux qu’on avait tendance à zapper, à savoir le dos et les épaules par exemple, qui sont pourtant un must pour une silhouette harmonieuse. J’alterne des cours de yoga dynamiques (voire très dynamiques), qui me font perdre des litres de sueur. C’est d’ailleurs marrant de voir qu’on peut transpirer sans pour autant faire du cardio: garder l’équilibre sur une jambe tout en tentant de tenir l’autre jambe à la verticale peut me faire perler des gouttes. À côté de ça, je fais aussi énormément de cours de stretching, qui s’apparentent à des cours de méditation et qui musclent davantage mon cerveau et ma capacité de lâcher prise et de concentration. Et j’ai compris que c’était tout aussi important que de transpirer, en fait! Car les cours de stretching allongent les muscles et nous apprennent à mieux nous tenir. Et se tenir plus droit, ça vous donne une silhouette que des heures de jogging ne vous donneront jamais. Se sentir « dérouillé », ça vous apporte une confiance en vous que des heures de vélo elliptique ne vous donnent pas non plus.
Être à l’écoute de son corps
Parce que pratiquer ce sport m’a aussi permis de mieux m’écouter. Et mieux s’écouter, c’est aussi ne pas gober un paquet de chips pour gober ses angoisses. C’est apprendre à écouter sa faim et ses besoins. Car c’est aussi ça qui est un peu magique avec le yoga: votre séance influe sur votre état d’esprit mais votre état d’esprit influe aussi sur votre séance. Je m’explique: quand j’ai eu une grosse journée de boulot et que je pense à tous les articles ou dossiers à rendre, le cours va me demander un effort de titan pour parvenir à me concentrer sur ma respiration et à aller plus loin dans les pauses. A contrario, si j’ai eu une journée difficile émotionnellement, et que je ressens un besoin de ne penser à rien, et de lâcher prise, je vais aller plus loin dans les positions car je vais sentir que débloquer mes muscles et mes articulations débloque aussi mes tensions. En cours, on apprend aussi à observer les sensations de chaque partie de son anatomie, de la nuque au gros orteil, en passant par le périnée. Et c’est super chouette de ressentir tout ça, ça donne une nouvelle dimension au terme de sport. Qui plus est, vu que les professeurs de yoga vous répètent de ne pas vous faire mal, d’aller jusqu’où votre corps vous le permet et de faire des pauses dès que vous en ressentez le besoin, vous n’avez jamais l’impression d’aller au bagne en vous rendant aux cours. Et du coup… ça donne envie d’y aller! Je me suis donc retrouvée à multiplier les cours sur une semaine — et avec le sourire! — là où je devais parfois vraiment ramper jusqu’à la salle de sport ou mes chaussures de running.
Sans oublier que c’est ultra addictif, car le “voyage” ne se termine jamais vraiment. Il y aura toujours une posture plus compliquée à apprendre ou une possibilité d’aller plus loin dans son mouvement. Ça donne de la texture à cette citation qu’on entend toujours partout: le bonheur n’est pas une destination, c’est un voyage. Le yoga, ce n’est pas essayer d’atteindre un but, c’est profiter de chaque petit cheminement vers un “mieux”. Et ça, c’est encore un apprentissage que j’intègre sur mon tapis magique.
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