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CÉLIBAT: les conseils d’une psy pour tenir le coup durant la crise de Covid-19

Justine Rossius
Justine Rossius Journaliste

La crise du Coronavirus aura eu l’effet d’une bombe sur les célibataires, qui se sont vus et se voient encore privés en grande partie de nouvelles rencontres. Quel est l’impact de la crise sur les cœurs à prendre? Comment réagir, tenir le coup et trouver l’amour à l’heure de la distanciation sociale? Nous avons interrogé Chloé De Bie, 31 ans, psychologue, sexologue clinicienne et thérapeute relationnelle, elle-même célibataire depuis sept ans.

 

Cette crise mondiale a-t-elle amené ces célibataires vers un éclair de lucidité sentimentale?

« Les individus qui ne sont pas en couple ont des profils tellement variés qu’on ne peut pas parler du ‘célibataire type’. Il y a ceux qui vivent un chagrin d’amour et n’ont donc pas la tête à une nouvelle histoire. Mais aussi ceux qui ont réalisé qu’au final, ils avaient de la place dans leur vie pour quelqu’un à leur côté et qui recherchent activement la bonne personne. Ils sont nombreux dans ce cas en ce moment, comme je le constate via les messages et réactions sur les réseaux que je reçois ainsi que parmi les célibataires qui m’entourent. Et cela n’a rien d’illogique. Avant le Coronavirus, beaucoup d’entre eux menaient une existence rythmée par des activités sympas et des sorties entre amis et ne focalisaient pas sur l’idée de construire une relation.

Puis soudain, leurs occupations habituelles se sont brusquement arrêtées et il y a eu cette pause, ce vide. Un espace dans lequel on se retrouve bien plus à-même de se remettre en question et d’analyser ce que l’on vit. Et d’en arriver à ce constat : l’être humain n’est pas fait pour être seul. Nous sommes des êtres relationnels, profondément impliqués dans le lien aux autres.

Les amis en couple ou en famille tentaient de trouver leurs marques et d’organiser ce nouveau quotidien. Leur priorité n’était donc pas de vérifier si leur copine célibataire allait bien. Et lorsque la solidarité et le contact sont moins présents, la solitude elle, devient bien plus tangible. Sans parler des réseaux sociaux qui diffusaient en masse les images de connaissances entourées de leurs enfants ou partenaire… Il ne faut pas sous-estimer cette confrontation permanente au bonheur des autres. Le fait de les voir cocooner ensemble, regarder Netflix, ou se préparer un petit dîner romantique, alors que de son côté, on manque cruellement de nouvelles de son entourage et qu’on ne peut que parler à sa plante ou son mur. Et être mis encore et encore confronté à ce que l’on n’a pas ne fait qu’augmenter le désir de l’obtenir. »


 

Vous n’avez donc pas été surprise de constater que nombre de célibataires ressentaient davantage un besoin de connexion ces derniers temps?

“Dès que quelque chose devient inaccessible, l’envie de l’avoir est décuplée. C’est comme lorsque l’on commence un régime et qu’on ne pense plus qu’aux chips, bonbons et chocolats. Les contacts physiques ont soudain été interdits, amenant à prendre conscience de l’importance qu’ils avaient dans notre quotidien. Le baiser de mamy, le câlin de papa, la main d’une amie sur notre épaule pour nous soutenir. Les médias ont énormément parlé de la difficulté vécue par les patients dans les centres de soin ou les maisons de retraite durant le confinement et de fait, certaines situations étaient dramatiques. Mais ces personnes demeuraient malgré tout en rapport avec le personnel soignant et étaient touchées, ne serait-ce que pour être lavées.

Pour le célibataire, seul dans son appartement, la solitude a été terriblement douloureuse. Et quand les spécialistes évoquent une nouvelle vague, je vois la panique dans leur yeux et je suis de tout mon cœur avec eux.


 

D’autant qu’aujourd’hui on connaît l’importance et les bienfaits des câlins sur la santé.

“C’est un besoin mais un désir profond aussi. Une sorte de faim. En tant qu’humains, nous avons un besoin viscéral de contacts physiques. Être touché produit de l’endorphine – l’hormone du bonheur – mais aussi de l’ocytocine, considérée comme l’hormone de l’amour et de la confiance, jouant un rôle central dans la connexion aux autres. Ces deux hormones réduisent le stress physique. Et il s’agit d’une nécessité fondamentale et même vitale. Il existe une expérience du psychanalyste Autrichien René Spitz, réalisée sur 40 nouveau-nés et ayant démontré l’effet dévastateur de l’isolement. La moitié des bébés n’avaient ainsi reçu que des soins de base, comme être lavés, nourris et changés, les soignants n’étant pas autorisés à leur donner de la tendresse ni à s’adresser à eux. Et après quatre mois l’étude a dû être stoppée car la moitié des enfants de ce groupe étaient décédés. Cela en dit long sur notre nature profonde.”


 

Et c’est forcément dans des périodes de crise que l’on prend conscience que l’on veut vraiment quelqu’un à ses côtés.

“Il n’y a rien de mal à se remettre en question et à se demander : suis-je vraiment satisfait de là où j’en suis dans la vie ? Me manque-t-il quelque chose ? Me suis-je trop concentré sur certaines parts de mon existence en en négligeant d’autres ? Ou en n’accordant pas assez de place au fait de rencontrer de nouvelles personnes ? Est-ce que j’aimerais changer la donne à partir de maintenant ? C’est un peu l’équivalent d’une future crise de la quarantaine ! Mais c’est bien sûr d’autant plus difficile de le réaliser à un moment pareil. Nombreux sont ceux qui supprimeraient bien l’année 2020 du calendrier et je ne serais pas contre non plus (rires). Pour tenter de trouver du positif dans ces moments, beaucoup se sont précipités sur Tinder, même si l’on sait bien qu’on n’y rencontre pas que des gens qui cherchent le grand amour. Des événements online ont également fait surface un peu partout. Internet a déployé toute son inventivité pour tenter de permettre à chacun de trouver d’autres gens avec qui établir des connexions.”


 

Pourtant, on dit souvent qu’on ne trouve l’amour qu’une fois qu’on arrête de le chercher…

“C’est n’importe quoi. Si l’on est célibataire et qu’on ne prend pas d’initiative, on nous dit qu’on n’est pas assez ouvert. Et si on tente quelque chose, alors on en demande trop. Ne vous laissez pas juger par votre entourage ni dicter ce qui est bon ou pas. Faites ce que vous estimez être le mieux.

Il ne faut pas forcément partir en chasse mais pas rester planté là à attendre non plus. L’amour de votre vie ne va pas tout d’un coup venir sonner à la porte. Mais il n’y a heureusement pas qu’une seule voie à suivre pour rencontrer quelqu’un.

Pour mettre toutes les chances de votre côté, développez votre réseau. Trouvez une passion, rejoignez une association, faites du bénévolat, allez à une fête pour célibataires, dites à vos amis que vous êtes prêt à vous caser ou utilisez une application si vous êtes à l’aise avec l’idée.”


 

Être ouvert serait donc la clé. Avez-vous des conseils pour y parvenir ?

“Je sais que c’est un concept vague, que les gens ont tendance à conseiller à tort et à travers. Pour moi, cela ne signifie en aucun cas se cacher derrière un masque de femme qui rit à toutes les blagues ou se montrer intéressée par tout le monde. Pas plus que derrière celui de la carriériste fièrement indépendante qui tient à prouver qu’elle n’a besoin de personne. S’ouvrir signifie avoir l’audace de partager ses sentiments et oser raconter des choses intimes et vraies sur soi. Se montrer tel que l’on est, avec ses bons et ses mauvais côtés. Accepter d’être vulnérable. Souvent lorsque nous rencontrons quelqu’un, nous nous concentrons au premier abord sur la séduction ou le physique, alors que l’essentiel est de ressentir une vraie connexion. Et ce n’est possible qu’en montrant un réel intérêt pour l’autre, sans préjugés, en faisant preuve d’une sincère curiosité et en étant véritablement soi-même.”


 

Avec toutes ces mesures, comment faire de manière pratique pour trouver quelqu’un ?

“Normalement lorsqu’on arrive à un rendez-vous, on se fait directement la bise ou une accolade. C’est désormais un peu plus compliqué puisqu’il faut garder ses distances. Se toucher, même quelques instants, est un moyen instantané de créer une connexion et essentiel pour savoir s’il existe une attraction. Mais au moins il est désormais possible de sortir à nouveau et de rencontrer des gens. Faites donc confiance à vos autres sens. Écoutez l’autre, voyez s’il ou elle a une jolie voix. Favorisez le contact visuel. Observez ce qui passe dans ces regards échangés.

Si vous croisez un bel inconnu, ne baissez pas les yeux mais regardez le longuement en souriant. Cela peut tout autant amener des papillons dans le ventre sans rompre la distance obligatoire. Et pour les timides, l’obligation de garder 1,5 mètres de distance peut même être un avantage.

Cela permet d’y aller doucement. Au lieu de vous rencontrer tout de suite, vous pouvez aussi commencer par un appel vidéo, vous avez la parfaite excuse pour. Soyez détendue, franche. Faites-vous plaisir. Prenez un verre de vin et de quoi grignoter avant l’appel, comme vous le feriez dans un bar. Placez-vous devant un joli fond, dans un fauteuil confortable. Cela vous donnera directement de l’assurance. Et c’est aussi l’occasion de se rencontrer ailleurs que devant un verre. Pourquoi pas en testant l’escalade, le patin ou le kayak ? Soyez créatifs, de façon à passer du bon temps ensemble. »


 

Et le premier baiser ? Sommes-nous tous un peu plus méfiants à l’idée d’une intimité physique ?

“Pour les personnes anxieuses, cela peut en effet être une barrière plus difficile à franchir qu’avant. Mais cela peut aussi être excitant car cela rendra ce baiser moins prévisible. Je suggère d’utiliser son intuition et son bon sens. Ne vous jetez pas forcément sur le premier venu après cinq minutes, mais si vous avez eu quelques rendez-vous et que le courant passe bien entre vous, alors foncez. Et même avec la langue (rires). Ne laissez pas la peur du Coronavirus vous empêcher de rencontrer la personne qui fera battre votre cœur. »


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