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© Getty Images

2 couples se confient sur leur désir insatisfait d’avoir des enfants

Justine Rossius
Justine Rossius Journaliste

Faire des enfants s’avère parfois plus difficile que prévu malgré un désir immense de porter la vie. Environ un couple sur sept se voit confronté à des problèmes de fertilité. Après des années de tentatives, ces couples que nous avons interrogés ne sont toujours pas parvenus à fonder une famille.

Après un an d’essais, Anouk, 29 ans, et son mari Dries, 29 ans, ont découvert qu’ils étaient tous deux porteurs du gène qui cause la mucoviscidose et que Dries était né sans canal déférent à cause de cette mutation. Il leur est donc impossible de réaliser leur désir d’avoir des enfants de « manière naturelle ».

« Dries et moi sommes le premier véritable amour de l’autre. Nous nous sommes rencontrées lors de nos études secondaires et nous sommes ensemble depuis maintenant treize ans, dont près de trois ans de mariage. Après nous être dit oui pour la vie, j’ai décidé d’arrêter la pilule et nous avons laissé la nature faire son travail. Un enfant était plus que bienvenu, mais après un an d’essais, je n’étais toujours pas enceinte. Non pas que nous nous attendions à ce que ça fonctionne dès le premier mois, mais j’avoue que nous n’avions pas pensé en être à ce stade après un an.

Cette attente causait des frustrations, tant pour Dries que pour moi. Alors j’ai pris rendez-vous chez un gynécologue spécialiste de la fertilité, qui m’a fait passer plusieurs tests et qui a demandé à Dries un échantillon de sperme.  Aucun problème médical n’a été détecté de mon côté, mais par contre, aucun spermatozoïde n’a été trouvé dans l’échantillon de sperme de Dries.

Quand on apprend ce genre de nouvelles, c’est le monde qui s’arrête. À ce moment-là, la cause n’était pas encore claire, mais après un examen génétique, il s’est avéré que Dries est porteur d’une mutation génétique qui provoque la fibrose kystique soit la mucoviscidose (une maladie héréditaire potentiellement mortelle qui se caractérise par des lésions au niveau des poumons et du système digestif) et qu’il est né sans canal déférent à cause de cette mutation. On a aussi examiné mon sang, car si j’étais porteuse du même gène, ça entraînait un problème supplémentaire. »

Pas d’autre option

“Il n’y a aucun cas connu de mucoviscidose dans la famille de Dries, mais mon père a deux cousins ​​qui ont cette maladie. L’un d’eux est d’ailleurs décédé à cause de cette maladie, tandis que l’autre a subi une transplantation pulmonaire. Quand j’ai appris que j’étais aussi porteuse de cette maladie génétique, j’ai été un peu soulagée. Cela peut sembler étrange, mais je pense que j’en aurais voulu à Dries si le problème ne venait que de lui. Ne vous méprenez pas : je l’aime plus que tout mais le fait que nous soyons tous les deux porteurs a facilité un peu tout ce ce chemin. Bien sûr, tout cela a eu de graves conséquences sur notre désir d’avoir des enfants. Heureusement, Dries produit du sperme, mais la simple idée que nous pourrions ne jamais concevoir d’enfant était extrêmement difficile à porter. Nous ne pouvions nous accrocher à aucune étincelle d’espoir. Si nous voulions un enfant, nous n’avions pas d’autre choix que de suivre un programme de fertilité. »

Un seul embryon sain

« Mais malheureusement, ça ne se fait pas en un claquement de doigt. Il a fallu plus d’un an pour que notre test génétique préimplantatoire soit terminé. Après une période d’attente de quatre mois, nous avons commencé l’ICSI, une technique de fertilité dont je n’avais jamais entendu parler auparavant. Des hormones m’ont été administrées pour stimuler les ovaires et obtenir les ovules. En mars de cette année, juste avant que la crise du Covid-19 n’éclate en Belgique, les premiers prélèvements des ovules ont eu lieu. Quinze ovules ont été prélevées. Six embryons ont été développés à partir de ces ovules et cinq jours plus tard – le jour de la congélation – on a vérifié qu’ils étaient toujours en train de se développer. Il restait deux embryons, qui ont été congelés. Cinq semaines plus tard, seul un embryon s’est avéré en bonne santé.

Pour aggraver encore plus les choses, le transfert vers l’utérus a été reporté à cause du Coronavirus. Ce fut une vraie claque, d’autant plus qu’à partir de ce moment-là, tout le processus a été arrêté et tous nos espoirs de grossesse aussi. Ce n’est qu’au mois d’août que nous avons pu réessayer, mais malheureusement, notre premier transfert n’a pas conduit à une grossesse. Bientôt, je commencerai un nouveau traitement hormonal pour prélever de nouveaux ovules. J’espère que nous aurons plus de chance alors. “

Pièce manquante

“Cela fait maintenant près de trois ans que nous essayons d’avoir un bébé. Ce manque laisse des marques… J’ai de plus en plus de mal à rendre visite à de jeunes parents. Non pas que je ne souhaite pas le bonheur de ma famille et de mes amis, mais voir un nouveau-né me confronte à ce que Dries et moi désirons si fort. Nos proches en sont conscients. Dans nos discours de mariage, nous avions déjà parlé de notre désir de fonder une famille. Puisque nous ne sommes toujours pas parents près de trois ans plus tard, nos proches savent que cela ne se passe pas comme prévu. Ce n’est pas un tabou, mais jamais je n’éclaterais en sanglot devant les autres. Cela m’arrive parfois, quand je suis à la maison avec Dries, après avoir rendu visite à des parents…

Mon âge commence également à m’inquiéter. J’ai toujours pensé que j’aurais des enfants avant mon trentième anniversaire, mais je suis obligé d’abandonner ce plan de vie. J’essaye de regarder l’avenir avec optimisme, même si je suis un peu plus pessimiste qu’avant. Après tout, personne ne peut garantir que le prochain transfert fonctionnera. Je ne peux que l’espérer de tout mon cœur, car un enfant est la pièce manquante de notre puzzle. »

Seya, 29 ans et sa moitié, Michel, 29 ans, aspirent à avoir un enfant, mais ils ont le sentiment que le temps s’est arrêté depuis cinq ans.

“Il y a cinq ans, j’ai épousé Michel, mon amour d’enfance avec qui j’étais depuis 12 ans.  Comme beaucoup de couples, nous avons arrêté la contraception immédiatement après notre mariage et nous espérions ouvrir bientôt un nouveau chapitre. Nous n’avions que 24 ans à l’époque, mais on voulait devenir parents jeunes. Mais après neuf mois d’essais, nous avons commencé à douter et nous nous sommes tournés vers un médecin. Le médecin m’a dit que mon corps avait besoin de temps pour se réguler après l’arrêt de la pilule, au moins un an. Il m’a aussi dit que nous étions jeunes, que nous devions simplement continuer d’essayer. Nous sommes rentrés à la maison, mais je sentais qu’il se passait quelque chose de plus dans mon corps. Mes règles n’étaient pas régulières et elles s’accompagnaient de douleurs intenses à l’estomac. Mais mon médecin n’avait pas pris ces éléments au sérieux. Vu que je suis quelqu’un d’assez obéissante, j’ai écouté les conseils de mon médecin et je n’ai consulté un gynécologue que trois mois plus tard. Michel a alors dû remettre un échantillon de sperme, et il s’est avéré qu’il était de bonne qualité.  On m’a prescrit Clomid pour réguler mon cycle, et tout d’un coup, nos vies se sont remplies de visites chez le gynécologue pour faire des échographies et voir comment les follicules grandissaient et quand j’ovulerai. Mais rien de tout cela n’a aidé. Les hormones m’empêchaient d’être moi-même, neuf mois plus tard, mon corps m’a laissé tomber. J’ai vécu un burn out, je ne savais plus rien faire. »

Pas de cœur qui bat

« Après m’être donné trois mois de pause, pour me reposer, j’ai appelé le gynécologue pour reprendre la procédure, mais là, j’ai appris que ne pourrai reprendre le traitement qu’en mars, alors que nous étions en octobre. C’était une gifle. Je me suis énervée et mon médecin a fini par me transférer au centre de fertilité de Genk, où j’ai pu avoir une consultation en décembre. Un mois plus tard, j’ai subi une intervention chirurgicale pour voir s’il n’y avait pas de problème avec mon utérus et mes trompes de Fallope, mais ce n’était pas le cas.

À partir de ce moment, je suis passé aux injections de Menopur, et peu de temps après, j’ai entendu parler de l’endométriose et du syndrome des ovaires polykystiques. Selon le médecin spécialiste de la fertilité, les symptômes n’étaient pas suffisamment présents pour pouvoir dire que mon infertilité provenait vraiment de ce problème. Mais grâce à une intervention, les lésions endométriosiques ont été détruites. Après neuf mois d’essais supplémentaires, nous avons pu passer à l’insémination, qui a également échoué. Nous sommes ensuite passés à la FIV.

Après la première tentative, nous avons recueilli entre 5 et 10 ovocytes, mais un seul est resté. Vu le grand nombre d’ovocytes, un transfert n’était pas possible immédiatement. J’ai dû attendre que mon cycle démarre automatiquement. En septembre 2019, je suis tombée enceinte, mais malheureusement, le cœur de l’embryon ne s’est jamais mis à battre. À huit semaines, j’ai subi un curetage, parce que je ne pouvais pas supporter mentalement de laisser mon corps faire le travail. Peu de temps après, il y a eu la crise du Coronavirus et nous avons dû attendre longtemps avant de pouvoir retenter le coup, car les personnes dans la trentaine et âgées de plus de 40 ans avaient la priorité. Pour le moment, nous en sommes à notre deuxième cycle de FIV et 21 ovocytes ont été prélevées, dont deux ont été congelées. Il y a deux semaines, j’ai subi transfert dans l’utérus de notre premier embryon (œuf congelé, ndlr), mais malheureusement ça n’a pas fonctionné.

Rester patients

« Un avenir sans enfants n’est pas une option pour nous. Pas pour le moment en tous cas. Nous utiliserons les six tentatives remboursées et, par la suite, nous sommes également prêts à payer le tarif complet pour un certain nombre de tentatives. Mais nous ne sommes pas millionnaires, donc on ne pourra pas enchaîner les tentatives pour toujours. Je remarque aussi que mon corps se détériore. À cause de toutes les hormones, j’ai pris 15 kilos, que je n’arrive pas à perdre. Mes bras et mon ventre deviennent régulièrement bleus à cause des injections que je dois m’administrer, ce qui me donne parfois l’impression d’être une droguée. Pour Michiel, je pourrais continuer jusqu’à mes 45 ans. Ce sera donc à moi de signaler que je ne veux plus continuer. Nous avons déjà discuté d’approches alternatives, comme l’adoption ou la gestation pour autrui, mais Michiel n’est pas en faveur de l’adoption et je ne veux pas impliquer une mère porteuse dans la réalisation de notre désir d’avoir des enfants. Vous imaginez… voir une autre femme porter mon enfant? Ce serait trop difficile pour moi, et les dernières années ont déjà été si dures. Michiel et moi avons le sentiment que nous n’avons rien accompli en cinq ans, que nous sommes restés immobiles. Heureusement, notre couple en ressort plus fort et pour le même prix, on aurait pu se séparer. Nous rêvons toujours de fonder une famille avec deux enfants, mais si, pour une raison quelconque, nous devons arrêter tout ce processus et rester sans enfant, je pense que nous opterons pour une vie complètement différente de celle d’aujourd’hui. En partant vivre à l’étranger par exemple. Avant même d’arrêter de prendre la pilule, nous avons rénové notre maison et aménagé deux chambres d’enfants. Je ne pense pas pouvoir supporter d’être confronté à ces pièces vides encore et encore pour le reste de ma vie. »

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