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© Unsplash

Et si l’algorithme d’Instagram était pensé pour dénuder les femmes?

Manon de Meersman

Il est loin le temps où l’algorithme d’Instagram se basait sur l’ordre chronologique des publications. Désormais, celui-ci vous propose uniquement les contenus susceptibles de vous intéresser en hiérarchisant les posts des comptes auxquels vous êtes abonnés dans votre fil d’actualité. Mais si ce n’était pas tout et qu’Instagram était victime de son propre algorithme?


Le 15 juin, Mediapart a publié une enquête menée par Nicolas Kayser-Bril et Judith Duportail. Le sujet traité? Le fonctionnement du “shadow ban” d’Instagram, aka ce dispositif mis en place par l’application pour lutter contre les contenus homophobes et pornographiques... Et qui a, au passage, lourdement pesé sur la visibilité de milliers d’influenceurs, dont le contenu est pourtant loin d’être illégal ou malsain, au contraire. L’enquête a été effectuée avec l’aide des associations European Data Journalism Network et Algorithm Watch. Les deux journalistes commencent par expliquer que l’algorithme d’Instagram donne en réalité un “score d’engagement” à chaque publication; plus le score est élevé, plus la publication aura de chance d’être vue. Sur quoi sont basés ces critères? Top secret défense d’Instagram (sommes-nous vraiment étonnés?), mais les deux journalistes ont tout de même fouillé et ont remarqué qu’ils se basaient sur l’ethnicité, le genre ou encore... le degré de nudité.

Le gros point noir qui ressort de cette étude? Le “shadow ban” ne s’applique pas toujours en matière de nudité... Et certains clichés du genre sont même favorisés par l’algorithme.


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Une prime à la nudité


Le constat peut facilement être effectué. Vous vous rendez sur le compte d’une influenceuse, vous faites un rapide check de ses photos et vous regardez son nombre de likes.

Surprise! Les clichés où elle est en maillot de bain cartonnent davantage.


Allez, prenons un exemple. Au hasard: Chiara Ferragni. Un selfie d’elle, tout ce qu’il y a de plus banal, rapporte environ 350 000 likes. Une photo d’elle en maillot de bain sur un bateau et hop, voilà qu’on grimpe à plus de 500 000 likes! Et cela ne vaut pas que pour la plus grande influenceuse du monde. “L’interface de programmation peut évaluer le niveau de nudité des personnes sur une image, en détectant des bandes de couleurs spécifiques, identifiées comme des nuances couleurs de peau, explique les auteurs de l’enquête. Une photo de femme en sous-vêtements ou maillot de bain est montrée 1,6 fois plus qu’une photo d’elle habillée (et) pour un homme, ce taux est de 1,3”. Les deux journalistes mettent en exergue le fait qu’Instagram pousse à une sorte de “prime à la nudité”. Grossièrement, cela donne: “Tu veux du like? Tu veux de l’engagement? Dénude-toi!”. Plutôt moche, hein?

Dans ce cadre, l’algorithme d’Instagram encouragerait donc, de manière insidieuse, les utilisateurs de l’app’ à privilégier un certain type de contenu à proposer à leurs abonnés. “Les utilisateurs des réseaux perçoivent et anticipent le mode de fonctionnement de l’algorithme, parfois même de façon inconsciente”, explique l’avocate Ala Krinickyte dans l’enquête Mediapart. Logique: vous voyez que telle ou telle photo fonctionne mieux qu’une autre? Vous allez forcément miser davantage sur ce type d’image.

Histoire de rendre les résultats de l’enquête encore un peu plus sordides, les journalistes ont également remarqué qu’Instagram contourne son propre dispositif en l’appliquant davantage aux contenus concernant des “personnes handicapées, obèses, racisées ou LGBT +”. Ou comment nager en plein paradoxe.

Penser à soi avant tout


Ce qui questionne de manière unanime, c’est le traitement accordé à ces clichés évoquant la nudité: chaque publication est-elle traitée de la même manière? La réponse, on la connaît: BIEN SÛR QUE NON. Comme le rappelle à merveille le site de Madmoizelle, “Instagram a par exemple censuré la photo d’un cliché de la marque de couture Petit Patron représentant une femme faisant une taille 54 en sous-vêtements — avant de revenir sur sa décision”. Tiens tiens...

C’est important parce que l’algorithme d’Instagram définit une sorte de ligne éditoriale implicite qui influence nos choix, et fait qu’on s’exprime d’une façon ou d’une autre. Là, le message envoyé à toutes les femmes sur Instagram est limpide : tout ce que vous avez à dire sera toujours moins important que votre corps”.


s’indigne Judith Duportail à propos des résultats de l’enquête. “Et quand on sait que la majorité des utilisatrices d’Instagram sont des jeunes femmes et des très jeunes filles de 13, 14 ans, je me demande: ‘Est-ce que c’est ça, le message qu’on a envie de faire passer aux femmes dans la société aujourd’hui ?'”, rajoute-t-elle. Mais ce qu’il faut aussi garder en tête, c’est que si ces images cartonnent, c’est aussi parce qu’elles rapportent des likes. Oui, nous sommes en plein cercle vicieux. Combien sommes-nous à avoir suivi des comptes de nanas au corps en adéquation parfaite avec les diktats de la mode? À baver, à tort ou à raison peu importe, sur ces ventres dessinés et ses cuisses au thigh gap si marqué? La beauté pourtant n’a pas à être dictée par qui ou quoi que ce soit. Instagram est un réseau magnifique, sur lequel on crée du lien, du partage et de l’interaction. Pas du complexe, de la comparaison et de la culpabilité.

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Instagram, c’est aussi des comptes de body positive, des publications axées sur l’acceptation de soi, sur la beauté universelle qui n’embrasse pas un seul corps ni un seul visage... On a toujours, et fort heureusement, le choix de suivre sur cette application qui on le souhaite; le tout étant aussi de trouver le contenu qui nous fait du bien car c’est à ça qu’Instagram sert aussi, se divertir, pas se bousiller le moral.

 

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