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FAUT QU’ON PARLE: et si le gouvernement français foutait la paix aux journalistes?

Justine Rossius
Justine Rossius Journaliste

Les langues se délient en France: de plus en plus de journalistes dévoilent avoir connu des tentatives d’intimidation par les services secrets français, afin de leur faire cracher leurs sources sur des grosses affaires d’État. Et ça fout les boules.


 

Ce qui se joue actuellement dans les coulisses du gouvernement français n’est pas beau à voir. Si vous n’avez rien suivi, on récapitule : le 22 mai dernier, Le Monde dévoilait que sa journaliste Ariane Chemin avait été convoquée par la DGSI (la direction générale de la sécurité intérieure). La raison ? La journaliste est à l’origine de l’affaire Benalla, du nom d’un collaborateur du président français mis en cause pour violences sur des manifestants anti-gouvernementaux (évidemment, ça le fait moyen à l’aube des élections).

 

Huit journalistes convoqués par les services secrets


On aurait pu croire, à l’époque, qu’il s’agissait d’un cas isolé. Mais depuis, les journalistes sortent du silence et huit d’entre eux ont également dévoilé avoir été convoqués par la DGSI. Ce qui n’est sûrement que la partie émergée de l’iceberg… Parmi ceux-ci, la journaliste Valentine Oberti, de l’émission « Quotidien ». Elle a dévoilé, sur le plateau de Yann Barthès, avoir été convoquée il y a trois mois pour une autre affaire: elle travaillait sur un reportage sur les ventes d’armes françaises à l’Arabie Saoudite et aux Émirats arabes unis, afin de savoir si les armes françaises étaient utilisées, ou non, dans la guerre au Yemen contre des civils. “J’ai été convoquée très professionnellement pour ‘compromission du secret de la défense nationale’. J’ai été interrogée par deux personnes et convoquée en audition libre, ce qui m’a permis d’être assistée d’une avocate”, a expliqué , avant de rappeler qu'”un journaliste ne dévoile jamais ses sources. C’est pour ça qu’elles nous parlent. Parce qu’on les protège”. Ce n’est pas tout: elle a déclaré que son ingénieur du son et la journaliste reporter d’images travaillant avec elle avaient également été convoqués.

 

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Mi-mai, trois autres journalistes enquêtant sur l’exportation d’armes françaises avaient également été invités à se défendre devant les services secrets français. Plus récemment, c’est carrément le président des directions du journal « Le Monde », Louis Dreyfus qui était convoqué. Tout comme la journaliste, Ariane Chemin, cette convocation a eu lieu dans le cadre d’une enquête pour « révélation de l’identité d’un membre des unités des forces spéciales. »

 

Foutez la paix aux journalistes


Tous les journalistes convoqués dénoncent une tentative d’intimidation. En effet, les services secrets semblent vouloir les faire taire et surtout, leur faire cracher leurs sources. Bah oui : pas de sources, pas d’affaires. Faire pression sur la divulgation des sources permettrait donc d’empêcher les scandales d’exploser. « On m’a aussi posé des questions sur mes sources, pour chercher à savoir qui a fourni les documents à Disclose. C’était une sorte de jeu de dupes : l’enquêtrice était cordiale et assurait qu’il n’était pas question de connaître nos sources avec cette audition, et en même temps tout le dispositif légal est en place pour tenter de retrouver la ou les personnes qui nous ont parlé » a expliqué Mathias Destal, cofondateur de Disclose, à France 24. Et c’est plutôt flippant : car la protection des sources d’information est un pilier du métier de journaliste. Imaginez un monde où cette règle ne serait plus protégée par la loi : qui oserait parler? Qui oserait dévoiler des informations compromettantes sur les gouvernements en place notamment, sans avoir la certitude que son anonymat est conservé? Sans même parler de ceux qui risquent leur vie pour avoir dénoncé… Et dans un tel contexte, les citoyens (moi, toi, tout le monde) seraient privés de toutes les informations qui ne sont pas officielles.

Les journalistes ne devraient pas être convoqués devant la justice pour avoir fait leur job. En un mot : foutez-leur la paix.


Rappelons toutefois que l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse indique que le secret des sources de journaliste est protégé; qu’il ne peut être porté atteinte aux secrets des sources que si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie. Et “si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi”. Mais dans ce cas-ci, difficile d’affirmer que l’annonce d’utilisation possible d’armes françaises contre des civils a porté atteinte à la défense nationale. On a plutôt l’impression que le gouvernement Macron se serait bien gardé de voir apparaître cette info’ en Une des journaux…

La liberté d’informer doit toujours et dans tous les cas prévaloir et le secret défense argué par les services du gouvernement ne peuvent en aucun cas servir d’épée de Damoclès pour dissuader des journalistes de faire leur travail, c’est-à-dire enquêter et nous/vous informer sur ce qui se passe dans le monde. Même et surtout sur les trucs « pas tout nets » de ceux qui nous dirigent.

 

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