FAUT QU’ON PARLE: ““Alors, c’est pour quand le deuxième enfant?””
Alors, vous lui faites quand un petit frère ou une petite sœur? Et le deuxième, c’est pour quand? Une fois parent, c’est la question récurrente à laquelle on fait face. Une interrogation répétitive pouvant rapidement devenir oppressante.
Je suis maman depuis bientôt quatre ans. Et je ne compte plus le nombre de fois où le sujet s’est retrouvé sur le tapis. Vagues connaissances, proches ou collègues, tous m’ont demandé quand je pensais concevoir un deuxième enfant. Je suis loin d’être une exception. Tous les parents doivent au minimum une fois, et plus probablement des dizaines, répondre à cette interrogation du moment où ils comptent agrandir la famille. Un principe qui sonne bien souvent comme un impératif. Une obligation. Une fois sorti de la maternité, il semblerait qu’il soit déjà temps de songer à préparer une deuxième chambre. Qu’à peine les premiers pas de bébé ou son entrée à l’école, il soit évident d’enfiler une nouvelle fois des vêtements de grossesse.
Sauf que. Je ne pense pas avoir de deuxième enfant. J’aime mon cocon familial comme il est. Mon bonheur se révèle complet dans notre équation à trois. Et, plus encore que dans la question elle-même, je perçois dans ma réponse tout le poids du jugement qu’implique le sujet. À la pression de devoir d’office à nouveau procréer, vite, comme s’il s’agissait de gagner une course d’obstacles, s’ajoute le choc et la critique d’imaginer avoir un enfant unique. Comment ça? Mais pourquoi? Et pour l’avenir de ton fils? J’ai l’impression d’évoquer une maladie, comme si je condamnais mon petit garçon à une vie de de souffrance et de solitude. Que je ruinais son futur et brisais l’équilibre de sa structure familiale. Certains n’hésitant pas à me reposer plus ou moins fréquemment la question, au cas où je finirais par prendre conscience de l’extrême gravité de mon choix.
La puissance des traditions
Les années passent, et je ne reviens pas sur ma décision. Pas que je crois au jamais et au non catégorique, mais jusqu’ici en tout cas, ma position ne bouge pas, que du contraire. Je veux profiter de chaque instant avec mon fils, ne manquer aucune étape, aucun moment, banal comme exceptionnel. Et je sais que, si mon amour pourrait se dédoubler pour faire de la place à un second enfant, mon temps lui ne le pourrait pas. Et je devrais renoncer à des bouts de leurs vies, à une part de mon couple ou à un morceau de mon espace personnel. Avec en tous les cas une immense frustration. Mais si j’assume et ne détourne pas le regard face aux mines effarées de mes interlocuteurs, combien n’ont pas résisté à la pression?
Combien se sont senties honteuses d’avouer voire de s’avouer qu’elles n’étaient pas encore prêtes à agrandir leur tribu? Voir qu’elles n’en avaient pas l’envie? Combien se sont senties écrasées face à ce modèle du foyer classique: papa-maman-multiples enfants? Si on lutte énormément et à juste titre pour l’acceptation des familles monoparentales ou recomposées et des couples gays ayant des enfants, être dans la pseudo norme hétéro ne protège en rien de la survivance moralisatrice des traditions. Des banalités et des certitudes mille fois entendues sur l’écart d’âge parfait entre deux bambins, le moment idéal pour avoir chacun de ses enfants ou le délai entre deux pour être sûr qu’ils s’entendront bien.
Et c’est d’autant plus dévastateur quand on est jeune parent, débordant déjà de craintes de mal agir, de faire des erreurs ou d’avoir les mauvais gestes. Quelle part reste-t-il alors à la décision personnelle? Et de droit d’aller à contre-courant? Oui, je sais ce qui attend mon petit garçon. Étant moi-même enfant unique, je connais parfaitement les avantages et inconvénients de ce choix. Je sais à quoi je l’expose. Je l’espère à une vie remplie d’amour et de bonheur. Indépendamment d’une fratrie nombreuse ou pas, avec la certitude que tout ne se joue pas à ça. Et, loin de moi l’idée de défendre un type de famille contre un autre. Mais, autant chaque enfant est différent et unique, autant chaque parent devrait aussi avoir également ce droit. En espérant qu’un jour cesseront les comparaisons et les standards.
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