L’hyperesthésie est un terme encore trop peu utilisé et pourtant, il concerne bon nombre de personnes. En effet, il s’agit du terme scientifique pour désigner le fait d’avoir ses cinq sens dotés d’une acuité exceptionnelle. “C’est aussi un état d’éveil, de vigilance, voire d’alerte permanente”, précise Christel Petitcollin, Conseil et Formatrice en communication et développement personnel.
Dotés de perceptions sensorielles hors normes, les hyperesthésiques ont le sens du détail. Plus que ça: ils ont une capacité incroyable à percevoir les informations les plus infimes et les nuances les plus imperceptibles pour la plupart de la population. Don du ciel ou cadeau empoisonné, l’hyperesthésie amène le cerveau à penser et à tout analyser, en continu, tout le temps, sans arrêt. Cette hyperesthésie, sans même que l’on s’en rende compte, peut irriter, agacer, énerver. “Ceux qui connaissent leur hyperesthésie ont tendance à ne la vivre que de façon négative et se reprochent leur intolérance quand l’overdose de stimulation sensorielle les pousse à bout”, explique Christel Petitcollin. Et cette hyperesthésie, car elle va de pair avec les sens, se décline sous cinq formes.
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L’hyperesthésie et les capteurs hypersensibles
L’hyperesthésie auditive
L’hyperesthésique présente cet avantage – ou cet inconvénient – de pouvoir entendre plusieurs sons en simultané. “Il peut écouter la radio tout en suivant une conversation et sera parallèlement dérangé par un bruit de vaisselle qui provient de la pièce d’à côté et qui, à son avis, couvre le reste, explique Christel Petitcollin.
C’est un régal de pouvoir entendre la musique d’une façon suffisamment fine pour repérer la délicate phrase musicale du saxophone au milieu des autres instruments. Ça l’est moins de ne pouvoir faire abstraction du bruit d’une tondeuse à gazon, dehors, quand on est seul.e à l’entendre”,
ajoute-t-elle. La personne hyperesthésique prêtera en effet toujours davantage attention aux bruits situés au second plan; les sons lointains seront mieux perçus que les sons proches, “ce qui fait qu’ils seront gênés par une musique de fond pour suivre la conversation”.
L’hyperesthésie visuelle
La personne hyperesthésique aura tendance à voir le détail dans la globalité. Là où la plupart verra une porte avec une poignée, les hyperesthésiques verront le type de clenche, la couleur de la porte et les coups dans le bas de celle-ci en premier lieu. Dans les transports en commun, ils observent les personnes les entourant: ils regardent les tenues, les expressions faciales, les accessoires, les mimiques, les manies... La nuit, ils ont besoin d’être dans le noir complet; la lumière les dérange et ils peuvent facilement se sentir agressés par celle-ci lorsqu’elle est trop forte. En réalité, leur regard est tel un laser, scannant en continu les données les entourant à chaque instant. “Dans la vie quotidienne, ce regard est souvent vécu comme dérangeant, scrutateur voire inquisiteur par ceux qui en sont l’objet. Pourtant, le but n’est pas de juger, mais de comprendre”, explique Christel Petitcollin.
L’hyperesthésie kinesthésique
Celle-ci fait référence au sens du toucher. “L’ambiance d’un lieu, l’humidité ou la sécheresse de l’air, la chaleur, le toucher rugueux ou doux, le contact d’un vêtement, toutes ces informations sont captées en continu”, explique Christel Petitcollin. Les hyperesthésiques sont souvent tactiles et ont besoin de ressentir les objets et les personnes pour les comprendre et les cerner. Ils seront curieux et n’hésiteront pas à serrer la main ou faire la bise aux personnes qu’ils viennent de rencontrer, ou à passer leur main sur les objets qui les entourent. Consistance, épaisseur, moelleux... Tout est passé au crible, en l’espace d’un quart de seconde, sans avoir même le temps de s’en rendre compte.
L’hyperesthésie olfactive
Combien de personnes n’ont-elles pas rapporté une odeur à un souvenir? Les crêpes qui cuisent et embaument la maison, la lessive qui parfume les draps de lit, le parfum d’une personne qui nous est chère... Mais la personne hyperesthésique voit son nez affûté et son sens de l’odorat, aiguisé.
L’hyperesthésie olfactive est un bonheur quand il s’agit de humer un grand vin ou de respirer une fleur. Cela peut devenir un cauchemar en cas d’odeur nauséabonde ou de parfums artificiels comme ces faux relents de vanille ou de brioche”,
explique Christel Petitcollin. En effet, elle permet de distinguer bon nombre d’odeurs diverses et variées, qui s’accompagne en réalité d’une gêne liée à des odeurs qui ne sont, quant à elle, pas perceptibles par les autres. Ainsi, la personne se retrouve régulièrement dans une situation inconfortable où elle doit lutter contre son sens de l’odorat puisqu’elle est la seule à être dérangée.
L’hyperesthésie gustative
Parce que le goût va de pair avec l’odorat, “les hyperesthésiques sont souvent de grands gourmets. S’ils font confiance à leur instinct, ils sont capables de détecter jusqu’au plus petit arrière-goût de cannelle ou de paprika, de deviner l’origine géographique d’un café ou d’un chocolat”. Une fois de plus, cette spécificité peut être un véritable cadeau puisque ce sens aiguisé du goût peut détecter le moindre arrière-goût suspect d’un plat ou d’un aliment. En revanche, il peut aussi gâcher tout le plaisir d’un met lorsque celui-ci présente un légume, une épice ou autre que la personne déteste.
L’éidéisme, l’émerveillement à un niveau supérieur
L’hyperesthésie s’accompagne souvent de deux autres phénomènes: l’éidéisme et la synesthésie. Ces termes vous sont, eux aussi, inconnus? C’est normal; il s’agit, une fois de plus, de termes très scientifiques. “Dans l’hyperesthésie, il y a l’aspect quantificatif: le nombre d’éléments que vous avez éventuellement perçus et le niveau de découpage en détails plus ou moins menus, explique Christel Petitcollin. Il y a aussi l’aspect qualitatif: la subtilité des nuances que vous pouvez percevoir entre deux couleurs quasiment semblables ou la toute petite fausse note au milieu d’un morceau de musique. L’intensité de l’attention et la mémorisation font également partie du phénomène et puis, moins connu, il y a l’aspect “éidéiste” de la perception sensorielle”.
L’éidéisme se rapporte à ce “raffinement qualitatif de la perception”, pour reprendre les mots de Christel Petitcollin.
Quel plaisir de percevoir la texture veloutée d’une compote sur sa langue, d’admirer le vernis d’une feuille d’arbre, le velours d’un pétale de rose ou la nacre d’une perle de rosée”,
ajoute l’experte. La perception du monde est décuplée et fait s’entrecroiser nos sens, du toucher au goût, en passant par l’odorat, l’audition et la vision, le tout en étant interprété dans toutes les combinaisons possibles et inimaginables. Un sens ne s’arrête pas juste à ce qu’il est, il au-delà, jusqu’à se fondre avec un autre. “L’hyperesthésie, c’est aussi cette qualité, cette finesse d’attention, qui mène tout droit à la poésie, à l’art et à l’émerveillement”, explique Christel Petitcollin.
La synesthésie, lorsqu’un sens est perçu en même temps qu’un autre
À cela, rajoutez alors la synesthésie, qui va de pair avec l’hyperesthésie. Celle-ci n’est autre que l’activation croisée des sens dans le cerveau. C’est une façon différente d’aborder le monde, à l’aide des cinq sens en éveil. Le synesthète vit des expériences sensorielles qui s’additionnent: chaque stimuli va induire des propriétés. Par exemple, le synesthète va associer une couleur ou un ressenti à une lettre ou à un chiffre. Lorsque Christel Petitcollin demande à l’un de ses patients synesthète si il l’est, il répond immanquablement que non. “La synesthésie est le plus souvent une capacité inconsciente, explique-t-elle. À travers ma pratique, j’ai pu constater qu’hyperesthésie et synesthésie vont trop souvent de pair. Alors au milieu de la conversation, je demande soudainement: ‘Quelle est la couleur du mot mardi?’. La réponse est spontanément: “Jaune!” (ou vert, peu importe!)”. Les synesthètes attribuent des couleurs ou autres caractéristiques aux mots de manière général.
L’hyperesthésie peut être considérée comme une chance inouïe. “Elle est utile pour avoir beaucoup d’informations sur son environnement. Elle induit un état d’éveil et une curiosité active pour le monde extérieur. Cette multisensorialité exacerbée donne accès à une volupté sensorielle exceptionnelle”, explique Christel Petitcollin. Mais cette hyperesthésie peut aussi être fatigante si les capteurs sont trop sensibles et que les perceptions s’amplifient trop. Malheureusement, elle ne se contrôle pas, elle apprend à être domptée, pour parvenir, un jour, à en faire une véritable force et à ne pas la voir comme un handicap inconscient.
“Je pense trop – Comment canaliser ce mental envahissant” de Christel Petitcollin, Guy Tréadniel éditeur
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