Témoignage: ““J’ai quitté mon job pour créer ma marque de biscuits!””
Stéphanie Baras, 34 ans, a quitté son job de quality manager dans une entreprise de traductions, pour créer sa marque de biscuits. Un choix qu’elle est loin de regretter…
“J’ai étudié la communication visuelle au Beaux-Arts. En 2015, j’ai rejoint une société de traduction, en tant que graphiste. De fil en aiguille, je suis devenue responsable du service qualité. Un poste-clé pour cette boîte! Mais plus tard, la société a été reprise par un fonds d’investissement et a perdu son intérêt pour la qualité et l’innovation. “Vendre à tout prix”… Voilà ce que nos nouveaux patrons nous demandaient. À moi, qui était responsable de la qualité des traductions, on disait que ce n’était pas grave s’il y avait plus d’erreurs au quotidien, car la société tournait bien. Je disais aux clients qu’on mettait tout en œuvre pour les aider, alors qu’en réalité, je savais que ce n’était pas du tout le cas. On travaillait pour des sociétés médicales… l’impact d’une erreur de traduction pouvait s’avérer catastrophique. L’humain n’avait plus de place. On était passé d’une société familiale à un système de business pur et dur.
Beaucoup d’employés démissionnaient ou se faisaient virer, mais l’entreprise donnait l’impression que ce n’était pas grave: si quelqu’un partait, il suffirait de le remplacer.
Des pensées noires
Petit à petit, j’ai perdu foi en l’humain. Une perte de sens complète est apparue. Je ne savais pas pourquoi je venais travailler. J’ai cherché un autre job, mais j’ai réalisé que les autres entreprises fonctionnaient comme ça aussi. J’en étais venue au point où je prenais ma voiture le matin en espérant qu’un camion me rentre dedans… alors que j’avais un enfant de 2 ans et demi. Je ne voyais plus aucune porte de sortie.
Chez moi, je devenais aigrie avec mon mari et mes enfants. J’avais l’impression d’être prise au piège: j’avais besoin de ce salaire pour pouvoir payer la maison avec mon enfant et mon mari. J’en venais à me dire que si j’étais seule, je n’aurais plus besoin de ce boulot et que je devais donc plaquer mon mari et mon enfant.
Un jour, mon médecin m’a interdit de retourner au boulot. Je n’arrivais parfois plus à sortir de mon lit, je me sentais vides et détruite à l’intérieur.
La pâtisserie pour survivre
C’est à ce moment-là qu’on m’a proposé de préparer des gâteaux pour un anniversaire auquel seraient présents des enfants intolérants au lactose et au gluten. Un vrai challenge! J’avais toujours fait beaucoup de pâtisserie, mais à mes yeux, c’était juste une passion. Je n’avais jamais envisagé en faire mon métier: ma place était à un bureau, avec des tâches intellectuelles. Mais depuis que j’avais arrêté de travailler, j’allais faire mes course dans des magasins en vrac, je cuisinais beaucoup plus… C’est comme si je revenais naturellement à des tâches plus manuelles, plus simples. Tout s’est aligné d’un coup et j’ai eu l’idée de créer Boudines: des biscuits sans gluten et sans lactose, pour que tous les enfants puissent se partager leur collation dans la cours de récré. Aujourd’hui, quand je manipule une pâte à biscuits, ça me libère. J’ai l’impression de suivre mon instinct, un aspect qui avait totalement disparu de ma vie. Je trouve qu’on vit dans une époque qui ne laisse pas assez la place à l’instinctif, aux émotions.
Quand je prépare mes biscuits, je me sens en accord avec ce que je suis et avec mes valeurs, le respect des autres et de l’environnement. Je les ai trop longtemps niées.
Le manuel, porteur d’avenir
Pourtant, rien ne me prédestinait à un métier manuel: mon père a été directeur du graphisme à la RTBF, j’ai évolué dans un monde d’ordinateur. Pour moi, c’était le seul schéma possible. Le monde de demain se créait devant un ordinateur et pas devant un four à pain! Aujourd’hui, je réalise que les métiers manuels sont les vrais moteurs de changement. Avec les Boudines, j’ai un contact direct avec les clients: les enfants me disent s’ils aiment ou pas, les parents me remercient d’avoir créer des biscuits pour leurs enfants intolérants. Rien que ça, c’est merveilleux! Cela me donne une bonne raison de me lever chaque matin. Les sociétés n’arrivent plus à gratifier leurs salariés. Mais je ne regrette pas mes années en entreprise. Je connais désormais l’importance de la communication et de la rigueur. Je n’ai pas peur des logiciels. C’est ça qui est bien avec cette nouvelle génération d’artisans: on a plus de clés en main.
Une vie plus épanouissante
Aujourd’hui, je peux aller conduire et rechercher mon enfant à l’école. C’est une qualité de vie énorme.
J’ai aussi réalisé qu’on pouvait vivre mieux, avec moins. Avant de démissionner, j’étais persuadée qu’il fallait un certain salaire pour vivre confortablement.
Désormais, j’achète en vrac, je fabrique mon pain… Je vis aussi bien qu’avant sans avoir de sentiments de privation, simplement car j’ai appris à acheter consciemment. C’est ça, la clé! Finalement, il faut savoir accepter les crises de la vie pour avancer.”
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