Est-il véritablement possible de renforcer/booster son système immunitaire ?
Il est probable que vous, qui êtes en train de lire ces lignes, preniez actuellement au moins une gélule tous les matins pour éviter de tomber malade cet hiver ou pour contrer la déprime saisonnière… Ces compléments alimentaires peuvent-ils réellement renforcer/booster votre système immunitaire? Nous avons fait le point avec plusieurs spécialistes.
Tous les ans, dès que l’hiver arrive (mais aussi à d’autres saisons), le marché des gélules qui veulent nous empêcher de tomber malade explose littéralement. Entre votre copine qui vous parle de cette génialissime cure qui agit et sur la peau et sur l’immunité, votre pharmacien qui vous conseille cette boîte de compléments ou encore cette Instagrammeuse qui vante les mérites de cette nouvelle start-up de vitamines, il est difficile de ne pas se laisser tenter par une petite cure… Magnésium, vitamine D, vitamine C, vitamine B12, zinc, probiotiques mais aussi des savants mélanges de plusieurs minéraux et vitamines au sein d’une même capsule… Vous avez l’embarras du choix. Avant de sauter le pas et de dépenser votre argent, faisons le point avec cette question: est-il possible d’une quelconque façon de booster/renforcer son système immunitaire?
Ce qu’il faut savoir sur le système immunitaire
Commençons par le commencement; comment fonctionne notre système immunitaire; ce système qui nous protège des agressions extérieures à savoir de tous les microorganismes (virus, bactéries, parasites, champignons…) qui sont susceptibles de nous attaquer ?
Le système immunitaire fonctionne en plusieurs étapes nous explique Jean-Paul Coutelier, Professeur et directeur de recherche FNRS. “La première (qui n’est pas intrinsèquement liée au système lui-même) est l’étape physico-chimique. Pour faire simple, ce sont les barrières (la peau, les larmes, le mucus sécrété dans notre tube digestif…) qui peuvent mécaniquement nous protéger. Pensez: si vous vous blessez, vous aurez plus vite une infection” déclare-t-il.
Il y a ensuite le système immunitaire à proprement dit que l’on pourrait comparer à l’armée dans une société. Lorsqu’il y a un danger, l’armée attaque. C’est la même chose avec notre système immunitaire. Et à l’instar des soldats qui ont des armes différentes, nous avons des cellules immunitaires qui ont des rôles différents. L’objectif comme pour une armée est de pouvoir avoir une réponse adaptée selon le type d’agresseur. Notez tout de même que notre système immunitaire est une armée bien organisée mais particulièrement complexe où un nombre incalculable de soldats entrent en jeu!
Si notre système immunitaire fonctionne bien et est correctement coordonné, il trouvera sans mal la réponse adaptée lorsqu’il est attaqué et du coup, il y a peu de chances de tomber malade. À l’inverse, si on tombe malade, cela veut dire que notre système immunitaire n’a pas trouvé la réponse adéquate contre tel ou tel agresseur. Il est également bon de préciser que certaines personnes ont un meilleur système immunitaire que d’autres. Il y a des différences génétiques mais aussi des différences acquises qui dépendent du contexte et de l’histoire. Âge, sexe, alimentation mais également antécédents immunitaires…
Maintenant que l’on sait que notre système immunitaire fonctionne comme une armée, nous sommes en mesure de nous demander : est-il possible d’entraîner cette armée, en d’autres mots, est-il possible d’avoir une influence sur notre système immunitaire ?
La réponse est oui nous déclare le Professeur Jean-Paul Coutelier. Il y a plusieurs moyens, le plus connu étant la vaccination. Un vaccin va en effet apprendre au système immunitaire que telle petite partie (bactérie, virus…) est étranger et qu’il faut attaquer.
À côté de cela, on peut avoir un impact sur le système immunitaire de manière plus générale en s’assurant, notamment grâce à l’alimentation, que tout ce qui participe au bien-être cellulaire est optimal. « Notre système immunitaire est tributaire de notre alimentation. Et de nombreuses cellules et organes sont dépendants de notre état nutritionnel » explique le Professeur Dr. Patrice Cani.
Si on peut avoir une action sur notre système immunitaire, peut-on par contre le booster/le renforcer ?
“En quelque sorte oui mais cela ne veut pas dire que l’on peut rendre le système immunitaire résistant à tout. On peut simplement l’aider à mieux répondre à certaines agressions qu’elles soient d’origine bactérienne ou virale. En d’autres mots, pour les personnes dites en bonne santé dont le système immunitaire n’est pas « malade », il est possible de l’aider à se maintenir en bonne santé. Mais ne tombons pas dans l’attente de miracles ou d’invincibilité. Le système immunitaire est un système très complexe qui n’est pas figé mais sur lequel nous ne pouvons agir a minima” explique le Professeur Cani.
Notamment avec des compléments alimentaires ?
Pas exactement… Il n’y a d’intérêt à se supplémenter de gélules que si manque il y a. « Les vitamines, ce n’est pas plus j’en prends, mieux je vais me porter. Les vitamines et les minéraux n’ont de sens que si et seulement si il y a une déficience qui doit être restaurée. Par exemple, le magnésium peut avoir un effet anti fatigue uniquement si on est en manque de magnésium. Dans le cas où on n’en manque pas, le magnésium n’aura aucun effet sur la fatigue » explique Nicolas Guggenbuhl, diététicien et nutritionniste. C’est exactement la même chose avec le système immunitaire ! Il n’est pas possible de rendre son système immunitaire meilleur si ce dernier fonctionne déjà de façon optimale (du moins, cela n’a pas été prouvé). “On parle souvent de booster son système immunitaire mais en fait les seules allégations qui sont réellement autorisées par l’autorité européenne de sécurité alimentaire par rapport au système immunitaire, c’est « contribue au fonctionnement normal du système immunitaire ». Les nutriments vont permettre de restaurer une diminution du système immunitaire qui serait due à un manque, une déficience en tel ou tel nutriment. À ce moment-là, le nutriment va rehausser le fonctionnement du système immunitaire mais il va le faire par rapport à un système immunitaire légèrement affaibli ou qui n’est pas optimal. On confond souvent « booster » et « rétablir à un fonctionnement normal »” explique Nicolas Guggenbuhl.
Si on a la couverture adéquate en différents nutriments, un supplément de nutriment ne va pas augmenter le fonctionnement du système immunitaire. Tout ce qu’il peut faire c’est l’optimiser par rapport à une situation où il y a une déficience. Ce qui est le cas pour presque tout le monde avec la vitamine D en hiver mais pas par exemple pour la vitamine C. Si vous mangez déjà vos 5 fruits et légumes par jour, la vitamine C supplémentaire va simplement être éliminée dans les urines. Et par la même occasion, votre argent éliminé de votre portefeuille inutilement.
Si Nicolas Guggenbuhl ne ferme évidemment pas la porte à de nouvelles découvertes scientifiques, il insiste : « certaines personnes pensent qu’elles vont décupler leurs capacités immunitaires en se supplémentant de gélules mais pour l’heure aucune recherche reconnue par l’autorité européenne de sécurité alimentaire ne prouve cela ».
Que retenir ?
“Le meilleur moyen pour rendre son système immunitaire plus « fort » ou en bonne santé, c’est de commencer par adopter un mode de vie sain avec une alimentation équilibrée et une activité physique minimale, peu ou pas d’alcool, pas de tabac… Simple à dire mais pas toujours à faire” explique le Professeur Cani. Comme il l’explique, de nombreux nutriments jouent un rôle clé dans le bon fonctionnement du système immunitaire. On entend très souvent parler de vitamines C mais elle est loin d’être la seule. Notons par exemple que les acides gras de la famille Omega 3 (huiles de poissons, huile de lin…), le zinc, le magnésium sont aussi des acteurs essentiels au fonctionnement de notre système immunitaire. Selon le Professeur Cani et le Professeur Jean-Paul Cuvelier, il y aurait également un intérêt certain à se pencher sur le rôle de l’intestin et sur notre microbiote.
Pour résumé :
- Commencez par repenser les bases de votre alimentation.
- Si c’est avéré que pour atteindre certaines doses de vitamine D ou encore de magnésium le passage à des compléments alimentaires est nécessaire, il faut d’abord en parler avec un médecin.
- L’approche des compléments alimentaires doit se faire au cas par cas et de manière ciblée et avisée !
Et l’effet placebo dans tout ça ?
L’effet placebo est un effet psychosomatique (effet psychologique qui a un effet sur le corps) qui est lié à un acte de soin. Grosso modo, c’est prendre un médicament qui va avoir un effet notable sur le corps mais ce résultat n’est en réalité pas lié à la prise du médicament mais bien à votre mental.
Il est reconnu qu’il y a toujours un effet placebo dans les actes de soin et dans la prise de médicaments, la magnitude de celui-ci va dépendre de la personne, de l’affection traitée, du comportement du soignant, de l’histoire de la maladie… Bref, de paramètres contextuels qui ne sont pas spécifiques au traitement. Il est également démontré que l’effet placebo est non seulement visible sur des critères subjectifs (comme par exemple le ressenti de la douleur) mais aussi sur des paramètres qui de prime abord échappent au “psychologique” (comme par exemple la tension artérielle). L’effet placebo fonctionne même sur les nourrissons et les animaux !
Dans le cadre du renforcement du système immunitaire, l’effet placebo joue-t-il un rôle? C’est une question qui mériterait d’être creusée. On sait en tout cas que le système immunitaire est modulable et sujet à des effets psychosomatiques. Le “stress” par exemple est globalement reconnu comme étant un facteur pouvant faire “baisser” l’immunité. La prise de compléments alimentaires peut aussi être assimilée par certains d’entre nous à un acte de soin (gélule qui ressemble à un médicament, passage chez le pharmacien…) et donc sujet à un effet placebo. Vous avez probablement déjà dû entendre certaines personnes affirmer se sentir mieux depuis qu’elles prennent telles ou telles vitamines et/ou minéraux alors qu’elles ne présentaient aucune carence.
Bref, s’il n’y a, au final aucun mal à prendre des gélules (pour peu que l’on respecte les dosages), l’effet sur le portefeuille lui ne sera pas placebo… À méditer selon ses propres besoins.
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