Deux journalistes lèvent le voile sur l’alcoolisme au féminin
En ce début d’année aux faux airs de deuxième rentrée littéraire, deux journalistes françaises publient chacune un livre chronique de leur combat contre l’alcoolisme. Un alcoolisme au féminin dont on parle peu, avec pour conséquence que celles qui en souffrent sont encore plus emmurées dans leur souffrance.
D’un côté, Stéphanie Braquehais, journaliste installée à Nairobi, ex-correspondante en Afrique centrale et Afrique de l’Est pour de nombreux médias hexagonaux, dont Radio France Internationale. De l’autre, Claire Touzard, grand reporter. Au coeur, deux des ouvrages les plus attendus de ce début d’année, “Jour Zéro”, publié par Stéphanie aux éditions L’Iconoclaste, et “Sans alcool, le jour où j’ai arrêté de boire”, que signe Claire chez Flammarion, avec en couverture, cette phrase qui interpelle: “être sobre est bien plus subversif qu’on ne le pense”.
En France, on s’avoue rarement alcoolique. Quand on boit on est festif, irrévérent, drôle. Français”.
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Et pourtant, un jour, Claire arrête de boire. “Elle prend conscience que cet alcool, prétendument bon-vivant, est en vérité en train de ronger sa vie. Il noyaute ses journées, altère sa pensée, abîme ses relations. En retraçant son passé, elle découvre à quel point l’alcool a été le pilier de sa construction et de son personnage de femme”. Et de déconstruire cette construction parfois bancale en faisant le journal de son sevrage, qu’elle décrit comme “une quête de libération complexe, dans un pays qui sanctifie le pinard”. Avec, au cœur, une question universelle:
Pourquoi boire est une telle norme sociale ? Alors qu’on lui a toujours vendu la sobriété comme le choix des cons et des culs bénis, elle réalise qu’on l’a sans doute flouée. Être sobre est bien plus subversif qu’elle ne l’imaginait”.
Enfin briser le tabou de l’alcoolisme au féminin
Stéphanie Braquehais, elle, ne s’est jamais vraiment interrogée sur la subversion de boire une eau gazeuse plutôt qu’un cocktail à l’apéro. Lasse des réveils poisseux et autres trous noirs, elle réalise un matin que l’alcool prend trop de place dans sa vie et décide d’arrêter, au gré d’un cheminement qui interroge et qui a déjà vu un simple verre entre potes se transformer en blackout au lever du jour.
L’alcool désinhibe, rend tout-puissant, décuple les sensations. Un petit verre pour oublier ses soucis, un apéro qui l’air de rien se prolonge... Où se situe la frontière entre bien boire et trop boire ? À quel moment l’alcool prend-il trop de place dans notre vie?”
Autant de questions que la journaliste aborde de manière intime dans son journal de désintoxication, où elle s’appuie notamment sur les neurosciences pour comprendre les ressorts de l’addiction au féminin et les moyens d’y échapper. Au-delà de son témoignage, d’une rare franchise et bourré d’humour malgré la gravité du sujet, le livre permet de lever un tabou qui persiste, celui de l’alcoolisme au féminin. C’est que l’alcoolisme est encore trop associé dans l’imaginaire populaire à un “bon-vivant” au nez rouge et marbré et à la bedaine conquérante, ou bien, si c’est une femme, à une forme de déchéance immédiatement visible. Sauf qu’ainsi que le rappellent Claire et Stéphanie dans leurs deux témoignages, on peut projeter une image séduisante de réussite et se noyer en privé dans sa consommation d’alcool. D’ailleurs, selon les statistiques, “alors que les hommes alcooliques sont plus nombreux dans les classes socioprofessionnelles défavorisées et qu’ils peuvent attaquer l’alcool dès le matin au bar, les femmes concernées occupent volontiers des postes à responsabilités et boivent seule, pour noyer leur stress”. Si vous vous reconnaissez dans ce profil, n’hésitez pas à en parler. La plateforme Aide alcoolisme propose un soutien anonyme, tandis que les Alcooliques Anonymes sont joignables au 078/ 15 25 56.
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