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© AKCAKALE, TURKEY - OCTOBER 13: Turkish police officers secure the area after a mortar fired from Syria struck a house on October 13, 2019 in Akcakale, Turkey. The military action is part of a campaign to extend Turkish control of more of northern Syria, a large swath of which is currently held by Syrian Kurds, whom Turkey regards as a threat. U.S. President Donald Trump granted tacit American approval to this campaign, withdrawing his country's troops from several Syrian outposts near the Turkish border. (Photo by Burak Kara/Getty Images)

5 infos pour comprendre l’invasion turque en Syrie (et pourquoi on est concernées)

Kathleen Wuyard

Alors que la Syrie semblait vivre une accalmie fragile après des années de guerre, le pays est à nouveau à feu et à sang. Ce mercredi 9 octobre, l’armée turque a en effet envahi le Nord-Est de la Syrie, ignorant les avertissements de la communauté internationale. Mais pourquoi? Et qu’est-ce que ça implique pour nous en Belgique?

1) Tension avec les Kurdes


Si on voulait adapter l’expression “comme chiens et chats” à la politique internationale, on pourrait notamment parler de “comme Kurdes et Turcs”. Pour ces derniers, et tout particulièrement pour le gouvernement, les Kurdes ne sont en effet rien de moins que des terroristes. Plus précisément les Unités de protection du peuple (YPG), une milice kurde active en Syrie (où les Kurdes constituent environ 12% de la population) et considérée par Ankara comme une organisation terroriste en raison de ses liens avec le PKK, le Parti des Travailleurs du Kurdistan. Du côté occidental, on ne les voit pas de la même manière, au contraire: le YPG a en effet été aux premières loges de la lutte contre l’EI, ce qui lui a valu le soutien (et la gratitude) des pays occidentaux.

En août dernier déjà, face à la “menace kurde”, Erdogan, avait évoqué une offensive, empêchée à la dernière minute par l’intervention de Washington, qui avait proposé de travailler de concert avec Ankara pour créer une “zone de sécurité” à la frontière nord-est de la Syrie. Zone qui se faisait attendre, et qui avait valu au président turc de passer les derniers mois à menacer d’envahir unilatéralement la région. Jusqu’à ce que Donald Trump lui donne le go (ce qu’il nie), en affirmant dans une conférence de presse le 6 octobre dernier que les troupes US allaient se retirer de la région pour faire place à une “incursion militaire prévue de longue date par la Turquie”. Trois jours plus tard, les troupes turques passaient la frontière.



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2) Crise des réfugiés


Guerre oblige, ce sont environ 3 millions et demi de Syriens qui ont trouvé refuge en Turquie ces dernières années. Une politique d’accueil mise à mal depuis quelques mois, les réfugiés faisant office de boucs émissaires parfaits face à une économie turque qui décline, et le pouvoir d’achat avec elle. Bien que le gouvernement l’ait nié, des expulsions de réfugiés syriens auraient été amorcées cet été.

Afin de renvoyer un million de Syriens de l’autre côté de la frontière, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a décidé de créer une zone sécurisée (faisant d’une pierre deux coups, cf point 1), pour laquelle il a réclamé l’aide de la communauté internationale, rappelant que c’est grâce aux efforts consentis depuis 2011 par la Turquie, que l’Europe a fait face à un afflux de réfugiés limités. Lassé d’attendre, il a donc décidé mercredi dernier de lancer ses chars pour instaurer cette zone sécurisée lui-même. Objectif: créer une “zone tampon” reliant l’Euphrate à la frontière irakienne (30x480km) pour y accueillir une partie des millions de réfugiés syriens actuellement en Turquie.

Un doublé gagnant, donc, pour Ankara, qui, si elle avait obtenu le soutien de la communauté internationale et instauré cette zone dans la légalité, aurait pu à la fois se débarrasser d’une partie des réfugiés, victimes d’une hostilité croissante de la population turque, mais aussi repousser loin de ses frontières les milices kurdes. Sauf qu’au vu de l’invasion unilatérale décidée par la Turquie, la situation est plus compliquée aujourd’hui.



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3) Revirement inattendu


Pour faire face à l’invasion turque, les Kurdes ont pu compter sur un allié pour le moins surprenant: l’armée syrienne. Pour rappel, lors de la guerre qui opposait le gouvernement de Bashar al-Assad aux rebelles, ils étaient dans des camps opposés, mais ils ont désormais conclu un accord. Dans un communiqué, l’administration kurde a ainsi annoncé que “afin de faire face à l’agression turque et empêcher qu’elle se poursuive, nous sommes parvenus à un accord avec le gouvernement syrien pour que l’armée se déploie le long de la frontière turco-syrienne dans le but de soutenir les Forces démocratiques syriennes (FDS)”.

Hypocrite? Face aux accusations, Mazloum Abdi, un haut-commandant des FDS, a remis l’église au milieu du village dans un article publié par Foreign Policy.

Nous savons que nous devrons faire des compromis douloureux avec Moscou et Bachar al-Assad si nous travaillons avec eux. Mais si nous devons choisir entre les compromis et le génocide de notre peuple, nous choisirons sûrement la vie pour notre peuple”

4) Menaces internationales


Dans un monde de traités et d’institutions internationales, envahir unilatéralement un pays, malgré la désapprobation manifeste d’alliés politiques et/ou économiques ne se fait pas sans conséquences. Donald Trump a ainsi affirmé qu’il “anéantirait complètement l’économie de la Turquie” si elle “dépassait les bornes”, et a également annoncé être prêt à tout moment à activer des sanctions contre Ankara. Du côté de l’Europe, on est moins virulent, mais on ne laisse pas couleur quand même: l’Allemagne et la France ont ainsi annoncé la suspension de leurs exportations d’armes vers la Turquie, ces dernières étant en effet susceptibles d’être utilisées lors des opérations militaires en Syrie.

Et la Belgique dans tout ça? Elle s’est alliée à la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne pour réclamer l’inscription en urgence de l’invasion turque à l’ordre du jour de la réunion du Conseil de sécurité des Nations-Unies. Didier Reynders, le ministre des Affaires étrangères, a quant à lui indiqué que la Belgique condamnait les opérations militaires turques en cours dans le nord-est de la Syrie. Ce à quoi le chef de groupe N-VA au parlement, Peter De Roover a répondu “plus que des mots. Il faut tirer les conséquences de notre indignation. On ne peut plus éviter ce débat”. Mais au fait, au-delà du mépris total des conventions internationales, pourquoi est-ce que la Belgique doit se sentir particulièrement concernée par cette invasion en Syrie.

5) La Belgique n’est pas à l’abri


Si plus de 4000 kilomètres séparent Bruxelles de Damas, l’ombre de la Syrie n’est jamais bien loin en Belgique. C’est que lors de la guerre qui a déchiré le pays, l’EI a profité de la confusion pour monter en puissance et installer son califat. Un haut-lieu de l’islamisme qui a attiré de nombreux “combattants” venus de toute l’Europe, ainsi que de la Belgique. Lors de la reprise du pays, les combattants kurdes ont fait prisonniers nombre de djihadistes, détenus dans des camps au nord-est de la Syrie, soit la région au coeur du conflit en ce moment.



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Le camp d’Al-Hol, par exemple, abrite pas moins de 3000 familles de djihadistes, dont certains belges. Un camp fréquemment qualifié de “bombe à retardement”, et envers lequel l’administration kurde met en garde, rappelant que les Occidentales qui y sont détenues sont aussi dangereuses que les milliers de combattants de l’EI emprisonnés ailleurs”. Sauf que dans la confusion de ces derniers jours, des centaines de prisonniers en ont profité pour s’échapper, dont deux veuves noires belges qui ont témoigné au micro de la Première ce lundi.

Loin de créer la “zone de sécurité” qu’elle affirme vouloir instaurer, la Turquie pourrait donc ouvrir la porte à de nombreux djihadistes, qui pourraient en profiter pour reprendre la guérilla en Syrie, voire même, rentrer dans leurs pays d’origine.

Et en attendant, le conflit s’est déjà déplacé en Belgique: ce vendredi soir, à Liège, des affrontements entre pro-Turcs et pro-Kurdes ont dégénéré, résultant en plusieurs blessés et arrestations. Ce samedi, à Bruxelles, environ 400 Kurdes ont manifesté pour dénoncer la situation, et mettre l’opinion publique en garde. “Cette invasion est une atteinte grave à la souveraineté de la Syrie et au droit international (...) Elle risque de lourdes conséquences, dont de nouvelles vagues de migrants et un retour de l’EI”. De quoi pousser la communauté internationale à intervenir?

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