Comment la 1e photo d’un trou noir a ouvert un gouffre d’attaques sexistes
Ce mercredi 10 avril, la première photo d’un trou noir a été capturée, et elle a fait couler beaucoup d’encre. D’abord, parce que forcément, un trou noir, c’est un trou, sombre, et ce n’est pas hyper photogénique. Ensuite, parce qu’une armée de trolls est sortie des abysses pour s’en prendre à une des chercheuses à l’origine du cliché.
Elle s’appelle Katie Bouman, elle a un Master en Génie Electrique ainsi qu’un Doctorat du prestigieux Massachussets Institute of Technology, et à 29 ans seulement, elle vient de contribuer à une découverte scientifique majeure: la première photo jamais prise d’un trou noir. La native de l’Indiana a en effet participé au développement de l’algorithme qui a rendu cette photographie intergalactique possible. Jeune, féminine, et à mille lieues de l’image du scientifique grisonnant, Katie Bouman est rapidement (et sans avoir rien demandé) devenue le visage de cette découverte, que certains médias n’ont pas hésité à lui attribuer entièrement, même si une équipe de 200 scientifiques a en réalité collaboré sur le projet. Il n’en fallait pas plus pour qu’une armée de trolls sexistes sorte des ténèbres et s’en prenne à la jeune scientifique, dont le moment de triomphe aura décidément été de courte durée.
I'm so excited that we finally get to share what we have been working on for the past year! The image shown today is the...
Posted by Katie Bouman on Wednesday, April 10, 2019
À peine aura-t-elle eu le temps de savourer l’exploit accompli par son équipe que Katie Bouman s’est en effet retrouvée la cible d’une campagne vicieuse de harcèlement en ligne. Pour certains internautes sexistes, inconcevable en effet qu’une femme soit à l’origine de cette découverte, voire même qu’elle ait contribué de manière significative au processus. Faux comptes diffamatoires créés au nom de Katie, demandes de suppression de sa page Wikipedia, et même, proclamation du “véritable” instigateur de la photo, rien ne lui aura été épargné. Ainsi, selon certains trolls, Andrew Chael, un autre scientifique de l’équipe, aurait écrit pas moins de “850 000 des 900 000 lignes de code” qui ont permis au grand public de voir un trou noir de plus près. Seule raison pour laquelle son travail n’est pas reconnu à sa juste valeur? Le “politiquement correct”. Des théories aussi simplistes que sexistes auxquelles Andrew Chael lui-même s’est empressé de répondre.
J’apprécie qu’on me félicite pour ce qui représente l’aboutissement de plusieurs années de travail. Mais si vous me félicitez dans le cadre d’une vendetta sexiste visant Kate, allez voir ailleurs et trouvez-vous d’autres priorités dans la vie.
Ironie de la situation, qui n’a pas échappé à Andrew Chael, élevé par les trolls en symbole des hommes “lésés par le féminisme”? Non seulement le scientifique est un grand admirateur de l’auteure féministe Ursula K. Le Guin, mais en prime, il se revendique comme un “astronaute gay”. Reste qu’élever Katie Bouman en seul visage de la découverte n’avait pas beaucoup de sens non plus, même s’il était évidemment tentant de mettre une femme, jeune qui plus est, en avant, alors qu’étude après étude démontre que la science reste un milieu encore bien trop masculin. La mise en lumière de la jeune scientifique aura beau avoir malheureusement réveillé les trolls, elle aura aussi montré à des milliers de jeunes femmes que rien ne les empêche d’aller décrocher les étoiles. Ou photographier un trou noir.
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