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Ces malades ““guéries”” de la Covid-19 souffrent toujours de séquelles sévères

Kathleen Wuyard

Selon les recommandations officielles, en cas de diagnostic positif de Covid-19, les personnes atteintes doivent se mettre en quarantaine durant deux semaines. Le temps d’être guéries? Alors que la pandémie s’étire en longueur, les symptômes de certains malades aussi jouent les prolongations, tant et si bien que l’OMS a reconnu l’existence de séquelles à long terme. Séverine et Anne-Sophie en sont toutes deux atteintes et racontent un quotidien à bout de souffle.


Au bout du fil, le “allô” est essoufflé. Pas forcément étonnant, la sonnerie du téléphone poussant parfois à se précipiter d’une pièce à l’autre jusqu’à le localiser, mais depuis mars 2020, être essoufflée fait partie du quotidien d’Anne-Sophie. Cette éducatrice spécialisée de 37 ans a contracté la Covid-19 aux prémices de l’épidémie en Belgique, dans l’institution pour adultes handicapés mentaux où elle travaille en province de Liège. “Dès qu’on a appris qu’il y avait un cas parmi les patients, aux alentours du 22 mars, on a décidé de faire des équipes et de rester à chaque fois une semaine sur place pour éviter de faire rentrer et sortir le virus. J’étais dans la 1e équipe, et le samedi suivant, quand je suis sortie, ça faisait deux jours que je toussais puis mes symptômes se sont tous déclarés d’un coup. Fièvre, courbature, toux, essoufflement, mal aux poumons... C’était comme si mon corps s’était autorisé à lâcher prise d’un coup”. À l’hôpital, pénurie de test oblige, on se base uniquement sur ses symptômes pour la diagnostiquer avant de la renvoyer chez elle.

Trois jours plus tard, j’ai dû aller aux Urgences en catastrophe parce que je ne savais plus respirer. Je n’ai jamais vu mon compagnon rouler aussi vite, sur place on m’a fait un scanner des poumons, qui a montré les zones de “verre dépoli” typiques du Covid. Jusque-là, j’essayais de me rassurer en me disant que j’étais jeune, en bonne santé, mais quand je n’ai plus pu respirer, je me suis demandé si j’allais survivre aux prochaines heures.


Un sentiment de panique que connaît bien Séverine, une Bruxelloise de 30 ans tombée elle aussi malade aux débuts de la pandémie en Belgique. Le week-end du 14 mars, sa fille de 4 ans a ce que ses parents pensent alors être une gastro. “On ne s’est d’abord pas inquiétés, puis le mardi, ne voyant pas d’amélioration et la fièvre ayant fait son apparition, nous avons contacté notre médecin traitant qui a immédiatement suspecté le Coronavirus et nous a mis en quarantaine”. Une semaine après le début de ses symptômes, “un gros rhume avec une toux persistante et une respiration sifflante”, l’état de Séverine se dégrade en quelques heures seulement.

Une fatigue irrécupérable


“À 8h du matin, j’ai eu mes premières courbatures, à midi, je ne goûtais plus rien, à 15h30, apparition de la fièvre, vers 17h, mon rythme cardiaque a commencé à augmenter... J’avais l’impression de me dégrader à vue d’oeil, vers 19h, ayant de plus en plus de mal à respirer, j’ai téléphoné aux urgences du CHU Saint-Pierre où on m’a dit de venir directement et où j’ai finalement été hospitalisée 5 nuits”. Une épreuve pour la jeune Bruxelloise, enceinte au moment de son hospitalisation et aujourd’hui maman d’un deuxième enfant, un petit garçon. Un bonheur attendu de longue date, mais pas facile à concilier avec les séquelles qui persistent 6 mois après avoir contracté la maladie: énergique et solaire, Séverine confie ne plus se reconnaître aujourd’hui.

Je me sens faible constamment. Bien sûr, cela peut être faussé car je suis jeune maman depuis fin août, mais la fatigue est chronique et persistante depuis fin mars. Je n’ai jamais ressenti une fatigue pareille, et impossible de récupérer.


Même constat pour Anne-Sophie, qui parle de cette fatigue intense, “très handicapante”, à laquelle s’ajoutent d’autres symptômes tout aussi pénibles. “Aujourd’hui ça fera bientôt 6 mois que j’ai contracté la Covid-19 et ça m’empêche de vivre une vie normale, parce qu’il suffit que j’aille faire une course ou que je parle un peu trop pour être essoufflée. J’ai toujours des douleurs thoraciques aussi, ça me brûle parfois jusque dans le bas de la gorge, j’ai des gros troubles digestifs, j’oscille en permanence entre diarrhée et constipation et ma tension est très basse”. Et Anne-Sophie et Séverine sont loin d’être les seules dans le cas.

Les malades abandonnés sur le long terme


Début août, l’actrice Lena Dunham témoignait dans une longue story Instagram de son quotidien des mois après avoir contracté le Coronavirus en mars dernier. “La vérité, c’est que le Coronavirus tue, on le sait. Mais il modifie aussi complètement le corps et le quotidien de nombreux de malades d’une manière que personne n’aurait jamais pu prédire” écrivait-elle, dans une tentative d’attirer l’attention sur les souffrances des “malades à long terme” mais aussi sur le fait que la pandémie est loin d’être terminée. Un message auquel Anne-Sophie fait écho.

Les patients à long terme se sentent vraiment abandonnés dans leur coin, on n’est pas dans les statistiques, on n’existe pas, il n’y a aucun protocole de traitement pour nous, et si on va chez le médecin en disant qu’on souffre toujours de symptômes des mois plus tard, il y a 50% de chances pour qu’on nous renvoie à la maison avec un antidépresseur en nous disant que c’est psychologique. C’est frustrant parce que faute de reconnaissance médicale, on se fait incendier dans la vie quotidienne, on est accusés de simuler pour toucher la mutuelle. Les gens ne veulent pas entendre parler de Covid à long terme parce que ça les angoisse”. Anne-Sophie


Cachez cette pandémie que je ne saurais voir? “Je pense que le gros problème avec les mesures actuelles c’est qu’elles ont de moins en moins l’adhésion de la population et que les prolonger dans le temps diminuera encore cette adhésion” regrette Séverine. “Je le vois déjà à l’heure actuelle, à Bruxelles où je vis et où le port du masque est obligatoire partout, je croise énormément de gens qui ne le portent pas”. Fille et soeur de soignantes, la Bruxelloise estime “totalement justifié” le port du masque dans les endroits “fort fréquentés/fermés ou dans lesquels on ne peut respecter la distantiation” et rappelle qu’il revient à chacun.e de se responsabiliser, confiant que certains de ses proches n’ont pas encore vu son fils et qu’elle se retient de serrer ses grands-mères dans ses bras depuis des mois. “J’espère comme tout le monde que nous verrons bientôt la fin de cette épidémie car c’est difficilement supportable sur du long terme”. “Je peux comprendre que l’aspect économique joue et qu’on ne puisse pas bloquer le pays pendant des mois” concède pour sa part Anne-Sophie, “mais je ne peux pas comprendre qu’on ne présente pas la situation comme elle est, il n’y a pas que les vieux qui meurent, et si on parlait des risques aux jeunes, ils prendraient les mesures plus au sérieux”. Avant d’assurer n’avoir aucun message politique: “évidemment que vu mon expérience, je suis pro-masque, mais je veux juste que nos symptômes soient reconnus et qu’on ait une bonne prise en charge médicale. Moi j’ai eu de la chance, mais ceux qui ne sont même pas pris en considération par leur généraliste sont foutus”. Ou du moins contraints de se tourner vers des modes de traitement alternatifs, faute de protocole officiel mis en place: au Royaume-Uni, des chercheurs collaborent actuellement avec l’Opéra national anglais pour étudier les effets bénéfiques du chant sur la récupération des malades à long terme. Trouver sa voix pour mieux retrouver son souffle?

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