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FAUT QU’ON PARLE: de la tribune d’hommes belges ““victimes collatérales”” de #MeToo

Kathleen Wuyard

On pensait avoir une idée assez précise du profil des victimes de #MeToo, des femmes, souvent brillantes et ambitieuses, cassées net dans leur envol par des hommes ayant abusé de leur pouvoir à leur égard. On découvre aujourd’hui avec une surprise mêlée d’agacement qu’il existe des hommes “victimes collatérales” de #MeToo, qui ont décidé de s’exprimer sur “le fameux ‘on ne peut plus rien dire'”.


Aaah, parlons-en du fameux “on ne peut plus rien dire”. Fameusement déplacé, surtout, et brandi tantôt par les auteurs de blagues racistes (“oh ça va”) ou par les défenseurs de la pub Bicky glorifiant la violence conjugale (“oh ça vaaa”) et de manière plus générale, par tous ceux qui dénoncent ce qu’ils perçoivent comme une atteinte à leur liberté d’expression. Sauf que celle-ci aussi, s’arrête là où commence celle des autres. Et dans le cas précis de #MeToo, il s’agit spécifiquement d’une plateforme pensée pour libérer la parole des femmes victimes de machisme, abus de pouvoir et autres agressions sexuelles. Or, les dénoncer ne concerne que les coupables et les victimes, et n’équivalent pas à porter un jugement sur “tous les hommes”. Et pourtant, dans son article donnant la parole à diverses personnalités masculines belges à ce sujet, Nawal Bensalem s’interroge.

Le succès de ce combat, aussi légitime soit-il, n’a-t-il pas eu, aussi, des conséquences négatives sur la perception des hommes dans la société ? L’image de ceux qui n’ont jamais commis d’actes répréhensibles n’a-t-elle pas été écornée par la faute du comportement de ces prédateurs sexuels ? (...) En bref : #MeToo, malgré ses vertus, n’a-t-il pas bailloné (sic) une partie de la société ?”


Probablement, si, et c’est tant mieux. Parce qu’il était grand temps de bâillonner le gros beauf’ de la compta qui vous lâche des blagues ultra lourdes dès qu’il vous voit, ce vague pote de potes qui refuse catégoriquement de comprendre que même en cas d’annihilation totale de la population masculine sauf lui, vous refuseriez encore de sortir avec, ou bien, et ce sont évidemment eux les plus problématiques, tous ces supérieurs hiérarchiques qui se permettaient une flirtation non désirée, et d’autant plus difficile à rembarrer quand elle provient de celui qui paye votre salaire. Du reste, les autres, ceux qui ont toujours abordé la séduction dans le respect de l’autre et de son libre-arbitre, et pour qui la drague est un jeu qui se joue à deux, ne se sont probablement pas sentis particulièrement concernés ni menacés par tous les porcs balancés, et c’est tant mieux aussi.

Car il n’a jamais été question de mettre tous les hommes dans le même sac, celui, sale et puant, des prédateurs sexuels, pas plus que d’écorner l’image de “ceux qui n’ont jamais commis d’actes répréhensibles”. Même si certains se tirent une balle dans le pied en prenant des prises de position publiques pour le moins questionnables, à commencer par certains témoignages recueillis par la DH pour les besoins de son article.

“Les timides risquent d’être freinés, de peur des attaques par la suite”, regrette Cyril Detaeye (Vivacité), comme si une femme allait porter plainte parce qu’on lui a proposé de lui offrir un verre. “Ce qui commence à me gaver, et tous mes copains aussi, c’est ce matraquage pitoyable où l’homme est devenu tout : auteur de féminicide, pervers manipulateur, porc, raciste, etc. C’est gavant et grotesque” dénonce quant à lui l’avocat pénaliste Sébastien Courtoy, avant de déraper.

Si on devait faire un hashtag ‘balance ta p...’, on ferait exploser le serveur Google !”


Avant d’ajouter que “mélangent toutes les causes, et certaines, quand elles rentrent, sont seules et regardent des comédies romantiques où la femme n’est pas toujours traitée comme l’égal de l’homme !”. L’humoriste André Lamy prédit quant à lui une baisse de la population parce que “on ne peut même plus dire de connerie aujourd’hui et à force, il va y avoir une dénatalité parce que plus personne n’osera approcher personne”.

Navrant, certes, mais heureusement, d’autres intervenants relèvent le niveau, entre Rachid Madrane qui rappelle que “les conséquences positives (de #MeToo) sont plus importantes que le reste, Michel De Maegd qui rappelle que “le mouvement MeToo a mis la lumière sur une réalité qui était occultée” ou encore l’humoriste Kody qui rappelle que “c’est évident que c’est mieux maintenant et c’est sûr que le premier effet de ce mouvement est l’embrasement. Mais cela va se rééquilibrer avec le temps”. Des interventions nécessaires, dans un recueil de témoignages qui l’est toutefois un peu moins. Disons-le d’emblée, il ne s’agit ici ni de taper gratuitement sur la DH, ni sur Nawal Bensalem, dont nous saluons le travail, mais bien de dénoncer une manière de penser aussi problématique qu’elle est répandue, et qui consiste à perpétuellement donner la parole aux hommes sur des sujets qui au fond, ne les concernent pas.

Qu’il s’agisse des droits reproductifs des femmes, de leur accès à la contraception, ou donc ici, de leur combat pour rétablir une forme d’équilibre dans les rapports de pouvoir et mettre fin aux chantages sexuels en tous genres, on demande à des hommes de statuer, soit, dans ce cas précis, pour condamner le mouvement, soit pour dire que “non mais on n’est pas tous comme ça quand même”.

Sur Facebook, Lara Herbinia, chanteuse du groupe Bertier et féministe engageante et engagée, a parfaitement résumé notre pensée. “C’est dingue cette histoire de certains mecs qui se sentent obligés de préciser que tous les mecs ne sont pas des violents, et que certains sont parfois des victimes. C’est une évidence non? C’est un peu comme avec les enfants battus par leurs parents...je ne me sens pas obligée de témoigner que moi, maman, je ne fais pas ça...Bref, avoir de l’empathie, c’est la base et si possible arrêtez de ramener tout à votre personne, hein”. À bons entendeurs...

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