Génération non non, les millenials perdus à l’approche des élections
Dimanche, on vote pour les élections communales. Mais voter pour qui exactement, et pourquoi, c’est plus compliqué à déterminer. Entre scandales, guéguerres politiques et fake news polluantes, les millenials abordent les élections avec un sacré mal de tête. Et pas seulement parce qu’il faut aller voter un dimanche matin au lieu de paresser au lit.
Il y a Sophie, qui vote depuis ses 18 ans pour le même parti, “parce qu’on a toujours voté à gauche dans ma famille”, mais qui cette année, hésite. Parce que depuis les dernières élections, il y a Publifin, le dossier ISPPC et le scandale Samusocial, et cette Liégeoise de 31 ans avoue ne plus du tout se reconnaître dans les valeurs du parti. Sans s’identifier à celles d’un autre groupement politique pour autant. Lucie, elle, de son côté, digère les informations, et en fait une indigestion. Elle trouve qu’il faut “contrôler l’afflux de réfugiés” mais s’oppose catégoriquement à l’enfermement des enfants; et elle peut dans la même phrase militer pour un contrôle plus strict “de toutes les allocations qu’on distribue” et affirmer qu’il faut aider d’avantage les classes défavorisées. Forcément, ses opinions contradictoires, entretenues par un flot continu d’infos affirmant tout et son contraire, ne se retrouvent dans le programme d’aucun parti. Alors peut-être qu’elle fera comme Clémence et Louise, qui comptent bien boycotter les élections de ce dimanche, parce que de toutes façons “tous les partis se valent, c’est à dire qu’ils ne valent pas grand chose, et ça ne sert à rien d’aller voter”. Lucie, Sophie, Clémence et Louise ont entre 23 et 31 ans, elles habitent Liège ou Bruxelles, et ce qui les rassemble n’est pas seulement leur appartenance à la fameuse génération “millenial” mais bien une désorientation totale à l’approche des élections. Et elles ne sont pas les seules.
Relents de rébellion
Professeur de Science Politique au sein de l’ULB et invité régulier des médias pour commenter la chose politique, Pascal Delwit fait preuve de prudence quand il aborde la problématique des jeunes et des élections. Pas parce qu’il ne sait pas de quoi il parle, ce n’est pas le genre de la maison, mais bien parce que ces électeurs ô combien volatiles sont extrêmement difficiles à cerner.
Si l’on prend des jeunes d’une vingtaine d’années, c’est une période particulière, parce qu’il y a à la fois des relents de rébellion au sortir de l’adolescence, mais en prime, ces électeurs ne sont pas encore entrés dans la vie active et n’ont pas d’enfants à charge, donc leurs préoccupations sont totalement différentes.
Résultat: une tendance à voter pour les partis extrêmes, qu’ils se trouvent à droite ou à gauche du système. Selon une enquête récente de la VRT, 25% des jeunes Belges sondés trouveraient ainsi qu’un régime autoritaire seraient préférable à un régime démocratique. Hérésie? Pour la Présidente du Sénat Christine Defraigne, elle-même engagée en politique depuis la sortie de l’université, il s’agirait plutôt d’une mauvaise compréhension des enjeux.
On est face à un problème plus global de désaffection par rapport à la politique et à la chose publique. J’ai un fils de 18 ans, et je pense que sa génération a peut-être du mal à comprendre à quel point on s’est battus pour les libertés et le droit de vote.
Et d’ajouter que “l’Europe est un vecteur de paix depuis 70 ans, et pourtant, c’est une notion difficilement palpable pour la jeunesse actuelle”.
Désintérêt dangereux
Une jeunesse qui aurait tendance à ne plus se reconnaître dans les partis traditionnels, sans forcément vouloir voter pour une formation atypique pour autant. Avoir le moral sabordé par les scandales à répétition n’implique pas forcément de vouloir virer de bord vers le Parti Pirate. Si Pascal Delwit affirme qu’on ne peut pas parler de désintérêt politique chez les jeunes, Christine Defraigne rappelle quant à elle le danger de jeter le torchon aux élections.
Le désintérêt politique est très dangereux, parce que ça veut dire que d’autres si intéressent pour vous et il y a un risque de perdre le lien, la capacité de décider et de s’impliquer.
Une tendance dangereuse à laquelle les partis ont contribué, et qu’ils doivent aujourd’hui aider à inverser selon la Présidente du Sénat.
Plus que jamais, il faut mettre en avant l’importance de l’éducation et de l’information aux enjeux démocratiques. En tant que politiques, il faut éviter les déceptions et les désenchantements, et donner espoir. C’est un de nos plus grands défis: rendre un enchantement à notre jeunesse.
Une jeunesse qui a subi de plein fouet les erreurs des générations précédentes, de la crise de 2008 qui n’en finit pas à la sécurité sociale en ruines, et qui est en attente de changement. Ainsi que le souligne Pascal Delwit, “les jeunes voient le vote comme un devoir, tandis que les jeunes le voient comme un droit”. Le droit d’exiger une société différente, à condition de faire son devoir dimanche et d’aller voter.
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