Il est temps d’arrêter de parler de la beauté des femmes au passé
Tandis qu’il est parfaitement accepté de trouver un “silver fox” incroyablement sexy, une femme du même âge sera toujours renvoyée à ce à quoi elle ressemblait “avant”. Le jeunisme de la beauté est non seulement sexiste, mais aussi très laid, et il est grand temps d’arrêter de s’y adonner.
“On voit qu’elle devait être magnifique quand elle était jeune”. “Ca devait être une très belle femme”. “Elle est très bien conservée”. Autant de phrases qu’on dit sans réfléchir, voire pire, en les pensant comme des compliments. C’est vrai quoi, c’est gentil non de faire remarquer qu’on voit encore la “beauté d’avant” sous les rides? Disons que c’est à peu près aussi gentil que si quelqu’un vous disait que quand vous n’êtes pas fatiguée, sans les cernes, vous devez être vachement mignonne. Bof sympa, donc. Et pourtant, ce genre de remarques sont légion, et sont même souvent prononcées par les femmes entre elles.
“Vous disparaissez”
En cause, une disparition aussi fascinante qu’incompréhensible: passé un certain âge, les femmes deviendraient invisibles, condamnées à n’être plus que le fantôme de ce qu’elles ont été. L’âge en question diffère, le sex-appeal de Carine Roitfeld, 64 ans au compteur, ne montrant aucun signe de diminution avec les années, tandis que pour la sublissime B.B. la “date de péremption” aurait été dépassée vers la quarantaine. Une injustice contre laquelle s’est indignée la blogueuse française Adèle Débrief, qui ne s’est pas privée de faire remarquer à quelqu’un qui disait de l’épouse de Didier Deschamps que “ça avait dû être une belle femme”, qu’en l’occurence, la femme en question n’était pas morte et qu’il n’y avait pas de raison de parler d’elle au passé.
On va dire que j’ai un discours démagogique, que j’enfonce des portes ouvertes ou au contraire que je plane à dix mille mais enfin, qu’est-ce que c’est que cette histoire de fous? Est-ce que les touristes en Egypte disent « Ouais, pas mal, ça a dû être des belles pyramides », dédaigneux de l’aspect actuel de ces œuvres qui ont traversé les ans et portent en elles la vie qui s’est déroulée ? NAN.
Or une femme, dès qu’elle a le malheur d’être ridée et d’avoir l’ovale du visage un peu moins ferme perdrait sa beauté. Notons que cette appréciation ne se décline pas au masculin puisque des hommes comme Sean Connery (88 ans), Robert Redford (82 ans) ou encore Harrison Ford (76 ans) sont considérés comme toujours éminemment séduisants. Voire même, disons le platement, franchement baisables. Et personne ne penserait à condamner celles qui mettent en effet ces renards argentés dans leurs lit: Calista Flockhart a beau avoir 23 ans de moins que l’interprète d’Indiana Jones, sa relation est bien mieux acceptée que celle de Brigitte Macron et son président de mari.
Alors comment expliquer cette différence sans basculer forcément dans les Calimérades, à coups de “c’est injuste, les femmes ont toujours tout plus difficile que les hommes”? En 2013, l’actrice Kristin Scott-Thomas s’était exprimée sur l’invisibilité qu’elle avait acquise à regret avec la cinquantaine.
Quand vous marchez dans la rue, les gens vous rentrent dedans, ils vous claquent les portes au visage... Ils ne vous voient juste plus. Vous disparaissez. C’est un cliché, et pourtant, c’est vrai: en vieillissant, les hommes gagnent en prestance, tandis que les femmes s’effacent.
Selon une étude publiée en 2014 dans le Evolution and Human Behavior Journal, les hommes, quel que soit leur âge, seront toujours attirés par la beauté d’une femme âgée d’une vingtaine d’années. Plus qu’une manifestation de futilité, il s’agirait en réalité d’un héritage de siècles d’évolution: ce qui attirerait les hommes chez les jeunes femmes serait leur jeunesse, certes, et la symétrie de leur beauté, mais simplement parce qu’il s’agit là de signes d’une fertilité à son apogée.
Outrage
Une théorie toutefois bien infertile pour expliquer pourquoi les femmes entre elles semblent incapables de parler au présent de la beauté d’une femme passé un certain âge. Même si, pour la journaliste britannique Jane Shilling, cette invisibilité peut avoir ses avantages.
Devenir invisible tient plus de la sentence que de la récompense. Et pourtant, dans mes pires moments de doute, j’ai fini par me dire que ce n’était pas une si mauvaise chose. Être invisible pouvait être libérateur. Fini de vivre une vie dominée par mon apparence ou la pression constante d’avoir l’air jeune. Parce que maintenant, je ne l’étais plus.
Une façon quelque peu résignée de voir les choses, que ne partage certainement pas la nouvelle génération d’influenceuses de plus de 60 ans. La Londonienne Tricia Cusden a beau avoir soufflé 70 bougies cette année, surtout, qu’on ne lui parle pas de retraite.
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J’ai décidé de m’attaquer à l’industrie de la beauté comme un acte politique. Cela peut sembler grandiloquent, mais j’ai toujours adoré le maquillage, et à la soixantaine, le monde de la beauté a commencé à m’horripiler. J’ai halluciné quand Dior a annoncé que Cara Delevingne serait le nouveau visage de leur gamme anti-âge. Elle a 25 ans! La décision aurait du causer un outrage, mais personne ne s’y est opposé.
Personne, sauf Tricia, qui appartient à une communauté grandissante de femmes radicalement opposées à ce qu’on leur dise qu’elles ne sont plus séduisantes simplement parce qu’elles ont 3 ou 4 fois 20 ans. Et elles ont bien raison.
Fini d’être invisibles
Le “syndrome de la femme invisible” rend en effet chaque nouvelle année incroyablement pesante, et donne lieu à une perte de confidence. Selon une étude réalisée sur 2000 femmes de plus de 50 ans, seulement 15% d’entre elles disent avoir confiance en elles dans n’importe quel aspect de leurs vies, tandis que pour 46% des interrogées, personne ne comprend ou ne se préoccupe de ce que l’âge fait aux femmes. Une chose est certaine: il ne fait pas d’elles des créatures moins séduisantes, ainsi que le prouvent des femmes telles que Daphne Selfe, Gitte Lie ou encore Lauren Hutton, qui ont toutes plus de 70 ans et des décennies de mannequinat derrière elles. De son côté, en France, la journaliste mode Sophie Fontanel a rencontré un succès fou avec son livre Une apparition, qui raconte son acceptation de sa couleur de cheveux naturelle, et son passage au gris. Une approche fraîche et gaie qui rappelle que la beauté est avant tout un état d’esprit, et qu’il est donc grand temps d’arrêter d’en parler au passé.
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