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La photo d’un manifestant pacifique gazé à Bruxelles relance le débat sur les violences policières

Kathleen Wuyard

L’image a fait le tour des réseaux sociaux belges ce week-end. Lors de la manifestation d’Extinction Rebellion ce samedi à Bruxelles, un manifestant a été immortalisé sur le vif en train de se faire gazer par la police. Problème: il était désarmé et levait les mains en l’air. Il n’en fallait pas plus pour relancer le débat sur les violences policières.


D’autant que le manifestant en question n’est pas n’importe qui. Il s’agit d’Olivier de Schutter, professeur de droit international à l’Université Catholique de Louvain, mais aussi “Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation” entre 2008 et 2014. Une sommité. Mais qu’importe, au fond, car ce n’est pas là ce qui compte vraiment : certes, comme d’autres manifestants d’Extinction Rebellion présents dans la capitale ce samedi, il a refusé d’évacuer la place Royale. La manifestation avait beau être pacifique, elle n’était pas autorisée: c’est là le modus operandi d’Extinction Rebellion, un mouvement social-écologiste fondé au Royaume-Uni en mai 2018, qui multiplie les actions de désobéissance civile pour attirer l’attention sur la nécessité d’agir pour la planète. Désobéissance civile donc à Bruxelles ce samedi, où ils étaient plus d’un millier à manifester sans autorisation. Sur le coup de 17h30, la police donne l’ordre d’évacuer la place Royale, et face au refus des manifestants d’obtempérer, la situation s’envenime rapidement. Boucliers antiémeutes, chiens, matraques, gaz au poivre et même autopompe: c’est l’escalade face à des manifestants, certes désobéissants mais pacifiques. Et malgré lui, Olivier de Schutter est devenu le visage de cette réponse disproportionnée.

Les violences policières sous l’objectif


Alors qu’il tente visiblement de discuter avec un policier, les mains levées en signe d’apaisement mais aussi de soumission à l’autorité, le professeur de droit international se fait gazer. “Boohoo”, nous direz-vous: pour une fois que c’est un homme blanc quinquagénaire victime de violences arbitraires. Sauf que justement, on peut trouver ça malheureux, injuste même, mais l’image de ce respectable professeur d’université face aux violences policières a relancé le débat quant à ces dernières. Sur Facebook, Bernard de Vos Dumont résume à merveille la situation.

La photo d’ Olivier qui circule abondamment sur les réseaux est bien plus inquiétante que ce qu’on en dit.

 

Le policier n’a pas en face de lui le professeur de droit international à l’ UCL, “Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation” de 2008. à 2014. Il n’en sait rien.

Il a en face de lui un citoyen blanc, dans la cinquantaine, habillé de façon bourgeoise, qui lève les mains en guise de soumission. Même courroucé, on se doute qu’ Olivier lui parle respectueusement avec un vocabulaire choisi, malgré la bombe au poivre qui le toise à moins d’un mètre. Le tout sous les objectifs de plusieurs photographes de presse.

 

Alors on se prend à penser que, peut-être, les nombreux témoignages d’autres citoyens, plus jeunes, habillés de façon ouvrière, avec d’autres couleurs de peau, au vocabulaire moins policé ne sont pas si fantasmés que les autorités aimeraient le laisser croire”

Et d’ajouter “que les injures et les insultes racistes , jamais reconnues, sont certainement plus fréquentes que les rares plaintes déposées contre les agents qui les profèrent. Qu’il se pourrait bien que, sans témoin et sans personne pour le défendre, ce jeune MENA ait bien passé la nuit à poil, attaché à un radiateur. Que l’histoire difficile à croire de cet autre gamin de 15 ans, arrêté suite à un vol à l’étalage qui se retrouve plaqué ventre à terre, tenu fermement par un policier à chaque bras pendant qu’un troisième joue à Tamborine Man sur son dos, n’a sans doute pas été inventée de toute pièce”.

Et que les chutes accidentelles dans l’escalier du commissariat ne sont sans doute pas aussi fréquentes qu’on le dit. Voilà ce que dit aussi en creux la photo d’Olivier. Et c’est terrifiant”

Du côté de la police de Bruxelles, on fait le gros dos. C’est que la photo fait drôlement mal à leur image, tout comme l’enquête relative à d’éventuelles violences policières envers Extinction Rebellion qui vient d’être ouverte. Les activistes, eux, auront “bénéficié” de la polémique, le bourgmestre de Bruxelles Philippe Close ayant accepté de les rencontrer. Le poids des mots, le choc des photos? Ce qui est surtout choquant, c’est qu’en 2019, il faille encore en arriver là pour éveiller les consciences.

(La photo d’Olivier de Schutter illustrant cet article a été prise par François Dvorak

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