Pourquoi le triomphe d’Orelsan aux Victoires dérange certaines femmes
La 33e cérémonie des Victoires de la Musique aura été placée sous le signe d’Orelsan, qui a remporté 3 prix pour son dernier album, La fête est finie. Une célébration assombrie par une pétition qui demande que ces Victoires lui soient enlevées.
En cause, non pas son dernier album, qui était récompensé lors de la cérémonie, mais bien d’anciennes chansons que certaines n’ont toujours pas digéré. Dans le viseur des signataires, deux titres en particulier, Sale Pute et Saint-Valentin. Dans cette dernière, le rappeur français ne se contente pas de fustiger la fête des amoureux, il se lance dans une sérénade crue à l’intention d’une femme hypothétique qu’il ne porte visiblement pas dans son coeur. Extrait choisi: “J’vais la limer jusqu’à c’qu’elle soit couchée et qu’elle
voit des clochettes (...) J’te rends misérable… tes copines vont t’appeler Cosette (...) Mais ferme ta gueule ou tu vas t’faire Marie-Trintignier”. Et d’affirmer dans le couplet suivant qu’il n’est pas là pour faire des sentiments, au cas où les paroles n’auraient pas été assez claires.
14 ans d’âge mental
Forcément, qu’il n’est pas là pour faire des sentiments. A l’époque de la sortie du morceau, Orelsan a 25 ans tout juste et il tente encore de percer dans le milieu en uploadant ses chansons gratuitement sur internet. Sa parodie caustique et provocatrice de la Saint-Valentin attire l’attention et lui vaut enfin la reconnaissance qu’il cherchait. La polémique, aussi, mais Orelsan ne craint visiblement pas les critiques et le prouve en 2009 avec la sortie de Sale Pute. Une track violente, où il se met dans la peau d’un amoureux trompé qui réagit brutalement à la découverte de l’infidélité. Parmi les paroles, on retiendra celles-ci, “T’es juste bonne à te faire péter le rectum / même si tu disais des trucs intelligents t’aurais l’air conne / J’te déteste j’veux que tu crèves lentement / J’veux que tu tombes enceinte et que tu perdes l’enfant”. La critique est emballée, le mythe Orelsan est né. Il y a ceux qui l’adulent, ceux qui le détestent, et au milieu, ce fan de manga devenu star du rap qui assume de ne pas faire l’unanimité. “Revendiquant ses quatorze ans d’âge mental, ses humeurs de cancre assis au fond de la classe et son mental de puceau frustré, Orelsan a tout pour agacer les bien-pensants” peut-on ainsi lire sur sa présentation en prévision de l’édition 2009 du Printemps de Bourges.
Excès assumés
Plus que la violence des paroles ou leur misogynie, les deux étant finalement monnaie courante dans le monde du rap, c’est cette prise de position qui le distingue des autres. Pas question de se cacher derrière son “art” ou d’évoquer une quelconque liberté artistique pour justifier ses textes les plus enlevés, Orelsan agace et assume, provoque jusqu’à l’excès. Jusqu’à l’écoeurement, même, le sien. En septembre 2011, il sort son album Le chant des sirènes, et se livre sur son mal-être dans une track éponyme. Un morceau où il rappelle notamment ” je suis le génie qui a écrit “Sale Pute” / J’aimais pas l’adolescence, laisse moi kiffer ma vie d’adulte” avant d’enchaîner sobrement “Mes ex-fans déçus cherchent le Orelsan du début / Mais même-moi je crois que je l’ai perdu”.
Déchéance et mépris
Se perdre pour mieux se retrouver? Avec La fête est finie, Orelsan semble avoir atteint l’âge de raison. Ou du moins, une certaine forme d’apaisement, parlant d’amour sur la track Paradis, collaborant avec Stromae sur le morceau Tout va bien et balançant des vérités évidentes mais souvent oubliées sur Basique.
Entre avoir des principes et être un sale con, la ligne est très fine
Orelsan – Basique
Est-ce que ces mots ont résonné à ses oreilles à la découverte de la pétition qui fait suite aux Victoires de la musique? Difficile en effet de ne pas voir un manque de discernement dans le chef des 31 000 signataires qui demandent que ses récompenses soient retirées à Orelsan. Pas parce que La Fête est finie n’est pas digne d’être récompensé, pas parce qu’il ne s’agissait pas de louer le clip de Basique, mais bien pour des paroles qu’il a écrites il y a plus de dix ans et que certain(e)s n’ont toujours pas digéré aujourd’hui. Ainsi que l’explique Céline Steinlaender, à l’origine de la pétition, “outre le fait que des artistes étaient 100 fois plus méritants sur le plan purement artistique, ce qui est beaucoup plus grave et n’est pas acceptable, ce sont certains propos lus et entendus dans ses ‘chansons’“. Et de s’insurger: “Comment, dans une période comme celle que nous vivons, est-il seulement possible d’accepter ça ? … Non à la déchéance! Non au mépris !”. Sauf qu’en voulant condamner Orelsan pour un travail qui n’était pas pris en compte ce jeudi, il y a justement un mépris total de l’évolution de l’artiste. Sans compter que les paroles incriminées, bien que crues et violentes, s’inscrivent dans un milieu où de tels textes sont la norme. Et qu’accessoirement, quand il ne rappe pas, Orelsan alias Aurélien Corentin de son vrai nom aurait plutôt tendance à être un fervent défenseur de la cause féministe. “Les féministes ont fait énormément de choses bien, et elles continuent”. Quitte, parfois, à se tromper de combat.
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