Pourquoi les Belges délaissent les petits producteurs post-confinement
En confinement, nombre de Belges ont choisi de vivre leur meilleure vie, entre lecture enthousiaste, reprise du sport et courses chez les petits producteurs du quartier plutôt qu’au supermarché. Un bel entrain qui aura malheureusement disparu à toute vitesse une fois la liberté retrouvée, ainsi que le signalent avec amertume certains producteurs locaux.
Christine Borowiak, qui a creusé le sujet pour la RTBF, n’y va pas par quatre chemins et raconte la désillusion de ces derniers après la disparition des clients post-déconfinement. Et les producteurs de raconter à la journaliste ces ventes de légumes ou de produits laitiers multipliées par trois ou quatre durant le confinement... Avant de redescendre en flèche dès les premières levées de restrictions. “Nous avons toujours les mêmes clients, les fidèles ‘d’avant’, mais les nouveaux ont disparu dès la semaine qui a suivi la fin du confinement” raconte Catherine Chartier, agricultrice au Jardin des Galinettes à Cerfontaine. Avec un constat préoccupant pour la stabilité financière de ces producteurs locaux qui ont vécu un boom des ventes en confinement:
On a planté plus pour répondre à cette demande. Maintenant, les gens ne sont plus là, mais nos légumes sont en train de pousser, eux”.
Une désertion d’autant plus difficile à comprendre qu’ainsi que le souligne encore l’agricultrice, ni la qualité ni les prix de ses produits n’ont changé. Mais c’est peut-être ailleurs qu’il faut aller chercher l’explication de ce revirement de situation.
Baisse des prix et hausse de la demande
Ainsi qu’un bref sondage informel des réseaux le révèle, le problème n’est pas tant que les prix des petits producteurs n’ont pas changé, mais bien que ceux de la grande distribution, eux, l’ont fait. Dès le début du confinement, les articles se sont multipliés pour souligner que sans les promotions habituelles, les prix en grande surface semblaient avoir drôlement augmenté. “Quitte à payer cher et vilain pour quelques légumes, un peu de viande et un paquet de yaourt, le calcul était vite fait: ça me semblait complètement débile de les acheter en grande surface plutôt que dans les petites boutiques près de chez moi” raconte Lucille, 34 ans, qui a redécouvert le plaisir des courses de proximité durant le confinement.
Bien sûr que mes légumes étaient meilleurs, que ma viande, achetée à la boucherie où elle vient directement d’une ferme de la périphérie, était incomparable avec les morceaux tristounets que j’achète normalement au supermarché... Mais bon, on m’a demandé 4 euros pour une tête de brocoli et 6 euros pour une barquette d’haricots plats, aussi”.
Du coup, malgré le plaisir retrouvé du goût d’ingrédients de qualité, “dès que les prix ont baissé et que les promos sont revenues en grande surface, j’ai recommencé à y faire mes courses”. Mais pas pour tout, la Liégeoise confiant être définitivement convaincue de l’importance d’acheter sa viande en boucherie.
Les Belges se détournent des petits producteurs – Photo projet #ShowUs de Dove et Getty Images
Benoît, lui, offre une autre piste d’explication: “je n’ai jamais cuisiné autant de ma vie qu’en confinement. Des repas de dingue, entrée-plat-dessert le week-end, des soupes avec dix légumes différents dedans... J’achète toujours un maximum chez les petits producteurs près de chez moi, mais mes commandes ont doublé voire même triplé certaines semaines, surtout au début avant que je me lasse un peu de cuisiner”. Et de souligner que peut-être, comme lui, certain.e.s gardent leurs bonnes habitudes, mais simplement “avec moins d’enthousiasme”.
Sur le Huffington Post, Nicolas Neveux, psychiatre et psychothérapeute affirme pour sa part qu’il était tout à fait prévisible que le déconfinement nous ait fait oublier toutes les bonnes résolutions prises ces dernières semaines. Partant des thérapies interpersonnelles (TIP), il explique que les changements imputés à la crise sanitaire ont constitué une transition de rôle, soit un “avant” et un “après” confinement, période durant laquelle la santé est devenue prioritaire, et avec elle, la conscience de la nécessité d’une alimentation saine. Problème: “le confinement était imposé, non consenti, ce qui constitue un facteur très limitant à la motivation au changement” rappelle le pyschiatre, qui souligne aussi le “caractère artificiel” de notre remise en question de ces dernières semaines. “Finalement, ce qui aurait été surprenant, c’est que quelque chose change” termine-t-il. Mais les légumes plantés exprès par Catherine Chartier alors, qui va les manger?
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Les photos d’illustration de cet article sont tirées du projet #ShowUs, de Getty Images, qui vise à sublimer toutes les beautés.
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