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Regarder cet épisode de Black Mirror devrait être obligé

Kathleen Wuyard

Ils menacent la santé mentale, peuvent induire un syndrome dépressif et sont extrêmement gourmands en temps. Pourtant, les réseaux sociaux sont omniprésents, et s’en défaire semble être plus difficile qu’abandonner la cigarette. À moins de prendre le temps de regarder “Nosedive”, un épisode de Black Mirror qui avait failli nous échapper et dont on ne sort pas indemne.


Quelle est la méthode pour reconnaître un.e psychopathe? En 2018, c’est très simple, on se base sur sa présence en ligne. Que celle qui n’a jamais fait remarquer à une pote que c’était trop bizarre que son crush n’ait pas de Facebook ou Instagram nous jette le premier iPhone. Même si en réalité, une capacité à s’abstenir de poster toute sa vie en ligne dénoterait plutôt d’une grande maîtrise de soi, sans compter un état d’esprit bien plus sain que celui des chasseurs de likes. Mais dans nos sociétés qui ont élevé l’oversharing au rang d’art, on ne voit pas les choses comme ça, et ce n’est certainement pas Lacie Pound (l’anti-)héroïne de l’épisode Nosedive de Black Mirror qui nous contredira.

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Sorti en 2016, le premier épisode de la série à succès de Netflix avait failli nous échapper. Il faut dire que dans la saison en question, il y avait le meilleur.épisode.du.monde, alias San Junipero, et notre esprit avait été quelque peu happé par cette romance sur fond de néon. Un oubli qu’il faut absolument réparer, tant le visionnage de Nosedive est d’intérêt public. Le scénario (signé de la comédienne Rashida Jones, qu’on adule encore plus désormais): dans un futur proche, les avancées technologiques ont permis d’implanter des puces de smartphone dans les yeux, ce qui donne la possibilité de photographier et poster la moindre activité, mais surtout, d’accorder à chaque personne que l’on rencontre une note allant de 1 à 5 étoiles. Et tout comme les influenceuses peuvent transformer leurs followers en or et s’offrir une vie sponsorisée grâce aux likes, dans l’univers de Lacie, les personnes qui ont une moyenne supérieure à 4.5 ont accès à une vie nettement plus intéressante, à commencer par des remises importantes pour habiter un appartement ultra photogénique. Tiré par les cheveux? Pas quand on se rappelle que dans la vraie vie, en Italie, un restaurant fait payer les clients un prix décroissant en fonction de leur nombre de followers sur Instagram.

Voici la durée quotidienne à ne pas dépasser sur les réseaux sociaux pour éviter la déprime

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Sauf que comme dans la vraie vie, forcément, la course effrénée à la popularité en ligne ne laisse pas indemne. Dans sa quête d’une cote de popularité de 4.5 au moins, Lacie ne recule devant rien. Quitte à tout perdre au passage. Se disputer avec son frère, s’endetter pour habiter un appartement plus susceptible de lui rapporter des étoiles, voire même, accepter d’être la demoiselle d’honneur au mariage de Naomi, sa némésis qui a passé toute leur “amitié” à rabaisser Lacie. Autant de décisions qu’on juge, évidemment, jusqu’à ce qu’on prenne le temps de réfléchir à toutes les stupidités que les réseaux sociaux nous ont déjà poussées à faire. Laisser refroidir un plat délicieux parce qu’il faut absolument qu’on le photographie sous le bon angle, se pomponner un dimanche juste pour avoir un joli selfie à poster, mais aussi et surtout suivre compulsivement la vie de filles plus minces, plus riches et plus populaires, dont les galeries de photos parfaites nous convainquent que notre quotidien est déprimant au possible. Plutôt que de nous rassembler, raison pour laquelle ils ont été créés, les réseaux sociaux n’ont finalement fait que nous isoler dans des petites bulles de doute et d’égocentrisme d’où on regarde les autres de loin, soit avec mépris soit avec envie. Et la chute libre (“nosedive” en anglais) de cette pauvre Lacie ne semble finalement plus si tarabiscotée, mais bien une version magnifiée de ce qu’on vit déjà. Car si officiellement, la société ne punit pas ceux qui ne sont pas assez populaires en ligne, elle récompense suffisamment ceux qui le sont pour que l’absence de cadeaux et de commentaires adorateurs semblent être une punition. Et que la quête désespérée de cette popularité se transforme en prison.

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S’il n’est pas à l’origine du scénario de l’épisode, Charlie Booker, le créateur de Black Mirror, ne mâche toutefois pas ses mots quand on lui demande son avis sur les réseaux sociaux.

Les réseaux sociaux sont très similaires à ce qui se passe dans « Nosedive ». J’ai un jour qualifié Twitter de jeu le plus influent de tous les temps, les gens m’ont dit « Quoi ? Ce n’est pas un jeu ! ». Je confirme que ça l’est. Chacun y joue un rôle, qui s’inspire grossièrement de qui vous êtes réellement, dans le seul but d’obtenir de l’influence et de marquer des points sur un plateau. [...] Les êtres humains ont toujours prétendu être plus heureux qu’ils ne le sont vraiment, ou plus talentueux et stables qu’en réalité. Mais maintenant, tout ça est codifié : il y a un nombre de « likes » impliqué et chacun dispose d’outils qui permettent d’optimiser son image ou d’y poser un filtre.


Et d’y aller d’un conseil évident, et pourtant nécessaire: “en y réfléchissant un peu, on réalise que ça n’a pas de sens de se soucier de ce que les autres pensent. Tout le monde s’en fout de ce à quoi vous ressemblez, tous sont trop occupés à s’inquiéter de leur apparence à eux”. Une réflexion grandement aidée par le visionnage de cet épisode brillamment construit, dont on oserait dire qu’il devrait intégrer le programme des cours de citoyenneté, et faire partie de l’éducation de tous les (grands) enfants.

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