Comment le secteur du luxe résiste à la crise
Alors qu’on avance masqué·e·s depuis de longs mois et que l’économie fait la grimace, un bastion irréductible résiste à la crise: le secteur du luxe, où les affaires ne sont pas contaminées par le virus, voire même, se portent mieux qu’avant la pandémie.
Hérésie? Pas forcément, car si cette crise qui n’en finit pas a un impact plus ou moins important sur nos finances, elle a aussi complètement chamboulé notre budget. Le(s) petit(s) resto(s) canaille(s) qu’on se craque pour fêter quelque chose, organiser un tête-à-tête ou simplement parce qu’on a faim de s’installer à table puis de se laisser faire? Fini jusqu’à nouvel ordre. Les vacances prévues de longue date ou (plus délicieux encore) imprévues, juste parce qu’on a besoin de soleil? Finies aussi. Pareil pour les concerts, le cinéma, les spectacles, les soirées, et puis quitte à ne pas sortir, on ne va pas s’acheter de tenues apprêtées ni de chaussures aussi sublimes que douloureuses, si? Non. Résultat, si le budget est plus serré, étrangement, il semble plus extensible aussi, d’autant qu’après des mois cloîtré.e.s à domicile pointe une furieuse envie de (se) gâter et de se faire du bien. Et c’est là que le secteur du luxe récolte les bénéfices de notre frustration.
Se faire plaisir à tout prix
Un des best-sellers de confinement du chiquissime concept store en ligne Net-a-porter? Les soins pour la peau ciblés du Dr Barbara Sturm, qui démarrent à 45€ le mini flacon de 10ml de sérum anti-âge et peuvent atteindre jusqu’à 774€ (non, ce n’est pas une coquille) les 100ml de sérum hyaluronique. Fraîchement trentenaire, Julia* incarne cette nouvelle gamme de clientes qui n’auraient jamais rêvé dépenser un montant à trois chiffres pour un produit de beauté pré-COVID mais qui, désormais, se font plaisir.
“C’est dingue, parce que je ne gagne certainement pas mieux ma vie qu’avant le virus, un peu moins bien même parce que je suis graphiste freelance et j’ai perdu quelques clients, mais je sors beaucoup moins aussi, et par contre, je suis face à moi-même 3h par jour en visioconférence, donc j’ai eu bien l’occasion de remarquer que j’avais le teint terne et quelques petites rides. En lisant un article, j’ai découvert la marque SkinCeuticals et j’ai craqué pour leur sérum C E Ferulic. Résultat: ma peau est plus belle, enfin j’ai l’impression du moins, par contre je me suis aussi délestée de 145€ pour un petit flacon”. Mais là où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir, et cela semble être le nouveau credo de celles et ceux qui n’ont pas vu leurs finances anéanties par la crise.
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L’effet COVID dans l’immobilier de luxe
D’ailleurs, du côté de Turnhout, chez Royal Belgian Caviar, on savoure aussi les fruits de ce changement de mentalité. Ainsi que l’explique Cédric Paquet, le directeur commercial de la marque, les Belges ont plus souvent mangé à la maison ces derniers mois, forcément, mais aussi, surprise, mangé plus de caviar belge. “Bien sûr, la fermeture du secteur de la restauration n’a pas été une bonne chose pour nous non plus, mais l’intérêt croissant des consommateurs belges pour notre gamme a beaucoup compensé. De nombreux Belges se sont laissés tenter par du caviar parce que le produit correspond parfaitement à la hausse de l’intérêt pour la qualité locale”. Une hausse qui s’est marquée aussi dans le secteur de l’immobilier de luxe, qui parle “d’effet COVID” pour définir une tendance à voir plus grand et plus local. Alors qu’à l’été 2020, la presse parlait d’un secteur ébranlé, relayant notamment la chute de la marge opérationnelle de LVMH, passée à 9% contre 21% en 2019, depuis, les courbes sont reparties à la hausse.
Il y a quelques semaines seulement, “Le Monde” soulignait que malgré la pandémie, le monde du luxe recouvre la santé, citant Joëlle de Montgolfier, en charge du pôle d’études luxe pour un cabinet de consultance, pour qui “la crise du Covid ne serait qu’un accident de parcours pour ce marché dont le taux de croissance annuelle était de l’ordre de 4 % à 6 %“. Un accident de parcours compensé par le besoin de se faire plaisir, alors même que la plupart des plaisirs sont interdits et que les perspectives de grosses dépenses à moyen ou long terme sont compromises. Emilien*, un indépendant bruxellois de 34 ans, avait récemment commencé à épargner pour pouvoir acheter son premier bien immobilier.
Des achats revanche
“En achetant seul et vu les quartiers qui me plaisent, je ne me faisais pas beaucoup d’illusions mais j’y croyais. Et puis il y a eu le COVID, mes contrats ont fondu comme neige au soleil et en parallèle, le marché immobilier s’est emballé donc vu les prix actuels, je suis ultra découragé à l’idée de pouvoir devenir proprio un jour. Après avoir pas mal badé, j’ai décidé d’amputer mon épargne pour m’acheter une méga télé immense, un truc d’Américain bien beauf. Mes parents me tueraient s’ils savaient combien je l’ai payée mais au moins ça, c’est un plaisir que je peux encore m’offrir”. Et c’est justement là, tout le plaisir: en Chine, après le premier confinement, les boutiques de luxe ont assisté à une déferlante de “revenge shopping” de la part de clients qui se sont précipités dans les magasins dès leur réouverture.
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Qu’importe le prix pourvu qu’on ait l’ivresse de l’achat? Tout dépend évidemment à qui on le demande: si le luxe résiste et prouve décidément qu’il existe, en parallèle de ces “achats revanche”, en Belgique, le Trésor annonce une profonde récession (entre -9 et -10.5% du PIB) ainsi qu’une perte potentielle annuelle moyenne de 108.000 emplois pour 2020 et 2021. Et de prédire que le coût budgétaire de la crise devrait pousser l’endettement vers “des sommets historiques”. Reste à voir si ces prédictions se réalisent et si à ce moment-là aussi, le secteur du luxe parviendra à surfer sur la vague sans boire la tasse.
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*prénoms d’emprunt
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