Certaines personnes possèdent le don de nous ôter toute vitalité et tout entrain, de créer de lourdes émotions sur notre conscience et d’aspirer toute notre énergie. Ces personnes, ce sont les vampires émotionnels. Elisabeth Kerrinckx, neuropsychologue, et Christine Calonne, psychothérapeute, nous éclairent sur ce sujet complexe.
Pour Christine Calonne, le terme « vampire émotionnel » est utilisé en langage populaire pour désigner des personnes qui pompent l’énergie des autres. « En psychologie, il s’agit de personnes qui ont un effet de vampirisation de l’énergie chez les autres, parce qu’elles ont des comportements stressants pour eux, explique-t-elle. Ces comportements engendrent dans le corps des sensations et des émotions pénibles. Ce stress provoque la sécrétion de cortisol et d’adrénaline. Ces hormones sécrétées de façon répétées épuisent la personne. C’est l’effet de vampirisation. Les comportements stressants sont le fait d’individus exerçant sur autrui des relations de domination, sans empathie ni respect. » La charge négative générée par les vampires émotionnels est réelle. L’usure est profonde, pernicieuse, intense. Peur, amertume, mal-être... Faire face à un vampire émotionnel est fatigant et constitue bien souvent une véritable épreuve puisque l’autre se nourrit de nous, en assouvissant ses besoins à travers notre personne.
L’exercice d’une pression en permanence sur l’autre
Si les vampires émotionnels ont une telle emprise sur leurs victimes, c’est parce qu’ils instaurent une domination et une prise de pouvoir sur l’autre. Manipulations, chantage, paroles dévalorisantes, préjugés négatifs, menaces, dédramatisation ou minimisation, humour cynique, ironie... Ils usent de tout ce qui est en leur pouvoir pour mettre la pression à la personne en face d’eux. « Ces comportements permettent à la personne vampirisante de se déresponsabiliser et de ne pas se remettre en question pour garder le pouvoir, explique Christine Calonne. Les enjeux de la relation sont la domination de la personne visée, sans qu’elle ne s’en rende compte, car c’est masqué par des comportements séducteurs, charmants, en apparence bienveillants chez certaines personnes vampirisantes.
Les doubles messages, ou messages paradoxaux permettent à la personne vampirisante de cacher son jeu et de rendre l’autre confuse, puis manipulable : dire une chose, puis faire le contraire, par exemple. Les attentes cachées peuvent également être liées à la volonté d’exploiter, rabaisser pour se valoriser soi, voire de détruire.”
Pour Elisabeth Kerrinckx, cela vient d’un fait en particulier: les personnes ayant eu de grosses blessures dans la prime enfance ou provenant directement de trauma manifestes ou latents et manquant de résilience à un moment « vont développer un mécanisme de défense de rejet et de non-accès à leurs propres émotions – dont les résidus négatifs peuvent bloquer leur potentiel de développement – avec la cristallisation de processus de développement figés dans l’enfance – et dans le but de s’adapter au monde, vont se voir projeter leurs résidus d’émotions négatives enfouis au fond d’eux sur autrui », explique-t-elle. C’est d’ailleurs ce qu’on appelle généralement la faille narcissique. En effet, par mécanisme de défense cristallisé lors de la petite enfance, les vampires émotionnels « ne peuvent avoir accès au monde qu’ils ont bâti sur des souffrances non régulées et transcendées, détaille Elisabeth Kerrinckx. Bien entendu, la plasticité cérébrale fait que chaque personne peut évoluer, mais seulement si elle le veut réellement et qu’elle reconnaît ses leitmotivs comportementaux ». Sauf que pour certaines personnes, cette faille narcissique est si ancrée, si vive et si profonde de manière tellement chronique qu’il en devient impossible de se remettre en question. « Cela serait destructeur pour eux », précise Elisabeth Kerrinckx.
Comment reconnaître un vampire émotionnel ?
Le vampire émotionnel peut s’immiscer dans toutes les facettes du quotidien, que ce soit dans la dynamique du travail ou du relationnel. La personne en proie à celui-ci sera sous son emprise et subira un processus d’épuisement insidieux dans un premier temps. Et bien qu’il n’existe pas un seul et unique type de vampire émotionnel, il faut être attentif à certaines caractéristiques. « Bien souvent, la personne ne détaille pas ses ressentis, elle remet les torts sur l’autre, elle ne se remet pas en question – et si elle le fait, alors c’est faux ; les vampires émotionnels tergiversent, partent sur un autre sujet ou retournent la situation – elle paraît sûre d’elle, malgré une estime de soi affaiblie dans la prime enfance, elle est injuste et incohérente », explique Elisabeth Kerrinckx. « Certains vampires émotionnels sont juste infatués d’eux-mêmes, narcissiques et égocentriques, cherchant sans cesse à être admirés, ajoute Christine Calonne. Ils sont incapables d’écouter l’autre tant leur ego envahit l’espace physique et psychique d’autrui. D’autres, à l’inverse, sont plus manipulateurs et se font passer pour des victimes, se plaignent, non pour être aidés, mais pour dominer. Ils ne veulent pas changer et ne mettent pas en application les conseils qu’on peut leur donner.
D’autres encore sont obsédés par le contrôle de la relation et dévalorisent pour maintenir une relation de dépendance où l’autre devient accro, parce qu’il a perdu son estime de soi à force d’être dénigré.”
Les vampires émotionnels les plus nocifs sont les plus virulents, soit ceux qui critiquent sans cesse l’autre afin de dominer la personne en face d’eux, tout en cherchant le moindre détail, le conflit, l’erreur, la faille. « On peut repérer ces individus agressifs explicitement par leurs sarcasmes, leur humour cynique visant à humilier et à casser l’estime de soi, précise Christine Calonne. Mais, parmi eux, les individus les plus destructeurs jouent un double jeu séducteur/destructeur afin de ne pas être démasqués et d’organiser consciemment la destruction de leur proie : ce sont les pervers narcissiques. Les autres sont inconscients des enjeux cachés de la relation », explique-t-elle. « Le processus enclenché n’est en réalité autre que celui de la séduction, la création d’un lien d’attachement, voire d’une dépendance, sur du plus ou moins long terme, précise Elisabeth Kerrinckx. Une fois l’autre sous son emprise, le vampire émotionnel peut alors créer des processus de destruction et de projection négative afin de réduire l’autre. »
Comment se défaire d’un vampire émotionnel ?
Parce que côtoyer un vampire émotionnel nous vide de toute énergie et est capable de littéralement nous transformer, nous réduisant à néant et nous enfermant dans une spirale infernale, il est primordial de connaître les solutions permettant de s’en défaire. Car oui, des réponses existent, et heureusement, mais cela va dépendre du degré de « vampirisme ». Pour Christine Calonne, concernant l’individu vampirisant sur le mode narcissique égocentrique ou contrôlant, « il s’agit de s’ancrer dans son corps pour se mettre à l’écoute de ses sensations, de ses émotions et de ses besoins. Face à lui, les sensations et les émotions deviennent régulièrement désagréables, affirme-t-elle.
C’est le signal que nous envoie notre corps pour nous inviter à nous affirmer, à mettre nos limites en étant bien ancrés, bien conscients de ce que nous ressentons et de ce que nous désirons : le respect. Se respecter, c’est mettre « un stop » et lui exprimer que nous ne nous sentons pas respectés par ses paroles ou son attitude et que nous ne voulons plus voir ou entendre cela”,
poursuit-elle. Nous lui faisons ainsi sentir que nous ne nous laissons pas dominer. Nous exprimons une demande et ce que nous désirons, par exemple, être écoutés, considérés dans nos besoins, en les nommant, en restant conscients que cet individu manque de ressources psychologiques, affectives et relationnelles, tandis que nous reconnaissons intérieurement et avec fierté nos ressources et nos capacités ».
Concernant les individus manipulateurs qui se plaignent pour dominer, il est nécessaire, pour Christine Calonne, de faire la même chose, mais en les ramenant, en plus, à leur responsabilité. « Par exemple, ‘Que comptes-tu faire pour que cela change ?’. Nous évitons ainsi de les prendre en charge, ce qui est aussi vampirisant ». Enfin, en ce qui concerne les vampires émotionnels les plus dominants et destructeurs, « il est inutile de tenter de discuter, affirme Christine Calonne. Il vaut mieux fuir après avoir mis ses limites sans révéler ce que nous ressentons. En effet, ils utilisent tout ce que nous disons pour le retourner contre nous ». C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Elisabeth Kerrinckx suggère à ces personnes non seulement, en effet, de fuir, mais également d’être accompagnées dans ce processus. « En effet, les blessures créées dans ce genre de relation vampires sont incrustées dans notre mémoire émotionnelle à un niveau conscient, mais aussi et surtout inconscient pouvant engendrer des blocages pour le développement personnel. »
Si vous êtes dans une relation abusive, sachez que vous n’êtes pas seul·e·s et que vous pouvez trouver de l’aide en faisant appel à des personnes spécialisées en la matière, en appelant le 0800/30.030, le numéro d’Ecoute Violences Conjugales, ou en allant consulter cette cette la liste de contacts rassemblée par Amnesty International.
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