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© Getty

Voir le porno comme un objectif sexuel? Pitié, non!

Manon de Meersman

Le porno influencerait ce que nous attendons de notre vie sexuelle. Mais quelle est l’ampleur de cette influence? Et comment pouvons-nous la gérer? Nous avons interrogé une sexologue.


En tant que sexologue, Kaat Bollen est plongée au quotidien dans la vie sexuelle du Belge moyen. En tant que réalisatrice de deux films porno, elle a aussi été en première ligne pour constater les dessous de l’industrie du porno. Elle est bien placée pour nous éclairer sur les différences qui existent entre le porno et le ‘vrai’ sexe, sur l’impact que l’un peut avoir sur l’autre et comment nous, en tant qu’êtres sexuels, pouvons mélanger ces deux mondes de manière positive.

L’importance de la connexion avec son corps


Kaat Bollen, sexologue: “Je remarque très clairement que le porno a une influence sur la vie sexuelle des gens ‘normaux’. Aujourd’hui, nous ne trouvons nulle part des informations

‘normales’, justes, nuancées et mises en perspective sur le sexe. D’une part, l’éducation sexuelle enseignée à l’école est encore trop pauvre et trop axée sur la biologie. D’autre part il y a les films porno, qui sont très démonstratifs et jouent sur l’exagération.

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Aucune de ces deux approches ne correspond vraiment à la réalité, qui se situe quelque part entre les deux. Et je remarque que les gens sont justement en quête d’un juste milieu. Nous ne savons plus bien ce qui est ou n’est pas ‘normal’. Nous avons des exigences trop élevées, des attentes irréalistes et perdons confiance en notre propre sexualité.

Le même problème s’applique à notre image physique, qui est également un aspect primordial de notre vie sexuelle. Tout comme les corps parfaits de nos poupées Barbie d’autrefois et les centaines de corps parfaits que nous voyons sur les réseaux sociaux, les corps sexy des stars du porno peuvent également avoir un impact sur l’image que nous avons de nous-mêmes. Voir encore et encore les mêmes corps excitants avec des seins bien ronds, des fesses fermes et de gros pénis

dans les films porno finit par nous faire perdre confiance en nous, et ce aussi pendant les rapports. C’est de cette manière que nous perdons la connexion avec notre corps.

Encadrer la pratique


Les études montrent clairement que le porno n’est pas forcément problématique, s’il est correctement encadré. C’est pourquoi, avec de nombreux autres sexologues et experts du sexe, nous plaidons pour l’intégration du porno dans l’éducation sexuelle à l’école.

De cette manière, on évite qu’il devienne un tabou et on peut clairement expliquer que le porno n’est pas la réalité, mais qu’il peut être utilisé en toute sécurité pour s’exciter, se masturber ou trouver de l’inspiration”


Ce cadre est complètement absent, et c’est pour ça que notre image du sexe est déformée par le porno. Le porno, et particulièrement notre manière de le traiter actuellement, a donc certainement un impact sur la façon dont nous abordons le sexe, mais il n’est en aucun cas le seul ou l’ultime coupable. Le fait que peu de personnes parlent de sexe en toute honnêteté a sans aucun doute autant d’influence sur nos attentes sexuelles que le porno. Nous minimisons ou dissimulons certaines choses parce qu’elles sont toujours perçues comme taboues. Et à l’inverse, nous en exagérons ou augmentons d’autres pour nous vanter.

Les conversations honnêtes sur le sexe (comme le fait que 40 % des femmes sont confrontées à des douleurs pendant les rapports) ne sont pas facilement abordées. Cela nous donne l’impression que tout le monde a une vie sexuelle fantastique, que tout se passe à merveille dans notre chambre à coucher, que nous savons parfaitement ce que nous devons faire au lit et que nous le faisons deux à trois fois par semaine. Hors les études montrent que c’est plutôt une fois tous les dix jours,

c’est-à-dire environ deux à trois fois par mois.

Un porno plus proche de nous


Des études sur nos comportements porno en 2019 ont montré que le ‘sexe à la maison, au jardin et à la cuisine’, les films amateurs et les vidéos maison étaient les ‘streams’ les plus recherchées sur la plateforme gratuite Pornhub. Cela indique qu’un changement est en cours. Nous en avons marre de voir tout le temps ces rapports mis en scène entre des stars du porno toutes lisses et sommes de plus en plus à la recherche d’identification.

Il s’agit d’une tendance positive.  Plus nous serons en demande d’un éventail plus large de pratiques sexuelles dans le porno, plus les chances sont grandes que le porno devienne plus varié. Demandez-vous donc quelle sorte de porno vous aimeriez voir, ce qui vous exciterait le plus. Et recherchez-le consciemment. Sachez bien qu’en principe, il n’y a rien de mal à profiter du porno, tant que c’est bien cadré.

Ayez bien conscience que ce n’est pas un reflet de la réalité et réfléchissez à votre façon de le gérer. Tant pour les hommes que pour les femmes, ces images en mouvements sont les stimuli les plus excitants et les plus érotiques qui existent.”


En pratique, je conseille aux gens d’utiliser le porno maximum une fois sur deux séances de masturbation. Les hommes ont tendance à regarder du porno pratiquement chaque fois qu’ils se masturbent, et une certaine accoutumance peut alors apparaître. Si vous ne le faites que dans la moitié des cas, votre imagination reste vive. Vous apprenez à vous stimuler autrement, vous vous connectez mieux avec votre propre corps, votre propre sexualité et votre vie amoureuse, et vous maintenez votre vie sexuelle avec votre partenaire plus intéressante.

 

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