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CARRIÈRE: comment bien négocier une augmentation?

Qui scrolle occasionnellement sur TikTok connaît la blague “Just give me my money”. Mais si vous voulez que votre manager réponde favorablement à votre demande d’augmentation, mieux vaut adopter une autre approche. On a demandé à l’experte Ellen Bral ses conseils pour mener à bien une négociation salariale.

Qui ne rêve pas d’une augmentation de salaire? Pourtant, pour beaucoup de travailleur·se·s, aller voir leur supérieur·e pour demander une ­augmentation est un cap important qu’il·elle·s n’osent pas franchir. Cela vous dit quelque chose? Avoir la ­bougeotte sur votre chaise de bureau depuis un bon moment parce que vous vous rendez compte que vous méritez ce petit plus, mais que vous n’osez pas le revendiquer... Rassurez-vous, vous êtes loin d’être un cas isolé.

Les femmes demandent autant d’augmentation de salaire que les hommes, mais ces derniers ont 25 % de chances en plus de l’obtenir.

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L’experte Ellen Bral, manager d’une agence de recrutement ­Bright Plus, sait à quel point cela peut être ­stressant: « Demander une augmentation de salaire, c’est avant tout se rendre vulnérable. Après tout, il y a toujours un risque que le ­manager dise non. C’est assez ­stressant, d’autant plus qu’une ­négociation salariale exige de savoir quelque peu se vendre. En effet, il faut motiver les raisons pour ­lesquelles on pense mériter une ­augmentation. Outre le risque de ne pas voir leur demande exaucée, de nombreuses personnes ont du mal à mettre le doigt sur ce qu’elles ­apportent à l’organisation et à le ­mettre en avant. En particulier pour celles qui n’ont pas spécialement ­confiance en elles, cela peut être une étape difficile. » De plus, une telle négociation se déroule toujours à 2. Ellen Bral confirme que l’attitude de votre ­employeur·se a aussi souvent un ­impact sur l’angoisse que vous ­ressentez lorsque vous envisagez de demander une augmentation. « Tous les employeurs n’encouragent pas les demandes d’augmentation de salaire. Beaucoup préfèrent adopter une approche attentiste. Tant que vous ne la demandez pas, ils ne doivent pas la donner. Dans une telle culture d’entreprise, les employés sont encore moins enclins à franchir le cap. »

25 % de moins pour les femmes

Et pour les femmes, c’est encore plus difficile que pour les hommes. C’est du moins une croyance populaire sur le marché du travail, mais qui s’avère ne pas être tout à fait exacte. L’experte Ellen Bral explique: « Une étude australienne menée par la Cass Business School et les universités de Warwick et du Wisconsin montre que les femmes et les hommes sont tout aussi enclins à demander une augmentation de salaire. ­Malheureusement, là où nous ­constatons une différence, c’est que lorsque les hommes demandent une augmentation, ils ont aussi jusqu’à 25 % plus de chances d’obtenir une réponse positive que les femmes. Une étude de la Harvard Business Review montre des résultats ­similaires. Ainsi, lorsque les femmes ont le courage de poser la question, elles ont beaucoup plus de chances d’essuyer un refus. » Il y a plusieurs raisons à cela, poursuit l’experte: « Souvent, les rôles de genre qui sont encore ancrés dans notre société sont à l’origine de cette situation. ­Aujourd’hui encore, les hommes sont plus souvent considérés comme les soutiens de famille, tandis que les femmes assument plus souvent les tâches de soin, par exemple dans les familles avec enfants. De fait, ce sont généralement les femmes qui prennent un jour de congé ou qui sont plus souvent en télétravail. Bien que cela ne soit pas nécessairement révélateur de la qualité de leur travail, les hommes sont souvent plus visibles physiquement sur le lieu de travail.

Par conséquent, les employeurs sont, pas toujours à juste titre, plus enclins à accorder une augmentation à cet employé ­masculin ‘présent’, alors qu’une femme peut afficher des ­performances supérieures à la moyenne les jours où elle travaille et donc mériter une augmentation, qu’elle n’obtient cependant pas parce qu’elle est ‘visuellement’ moins présente. » Les écarts de ­rémunération et d’évolution peuvent également avoir un impact. Ellen Bral: « L’écart de rémunération est encore une réalité aujourd’hui. Les femmes gagnent encore en moyenne 5 % de moins que les hommes sur notre marché du travail, ce qui peut en partie expliquer pourquoi il leur est encore plus difficile de franchir le cap. En outre, il y a toujours plus ­d’hommes qui occupent des postes de direction. Par conséquent, en tant que femme, vous avez moins de figures modèles. Une étude réalisée par Catalyst, une organisation à but non lucratif axée sur les femmes et le travail, montre que dans les entreprises où les femmes sont au sommet de la hiérarchie, cela a un impact positif sur l’évolution de la carrière des autres femmes de ­l’entreprise, car elles sont témoins au quotidien des possibilités. Enfin, le réseau au sein de l’entreprise joue également un rôle. Lorsque d’autres plaident en votre faveur, vous avez toujours un avantage. Le networking est plus fréquent chez les hommes que chez les femmes, et est ­également bien plus applaudi chez les hommes. Un homme qui ose mettre en avant ses compétences est un homme qui a du ‘cran’, un ‘esprit d’entreprise’ et de l’ambition’. Malheureusement, les femmes qui font la même chose sont encore ­souvent perçues différemment: ‘dures’, ‘arrogantes’, ‘dangereuses’. »

Comment demander une augmentation

Commençons par le commencement: si vous donnez le meilleur de vous-même au travail et que vous savez au fond de vous que vous valez plus que ce qui figure actuellement sur votre fiche de paie, vous n’avez rien à craindre. Vous avez le droit de demander une augmentation de salaire, alors faites-le. N’oubliez pas non plus qu’obtenir un « non » n’est pas la fin du monde. Si vous ne posez pas la question, vous avez encore moins de chances d’obtenir gain de cause. Mais comment s’y prendre une fois qu’on a décidé de sauter le pas? Suivez les conseils d’Ellen Bral, experte en la matière!

Choisir le bon moment

L’experte: « Demander une ­augmentation ne se fait pas au ­détour d’une conversation ou à la fin d’une autre réunion en glissant que l’on veut ‘juste poser une question sur son salaire’. Demandez plutôt une discussion officielle avec votre manager, en indiquant que vous ­souhaitez parler de votre salaire. De cette manière, votre employeur a le temps d’examiner les possibilités et vous, vous ne pourrez plus faire marche arrière. Idéalement, cette ­discussion formelle doit se dérouler pendant ou après un entretien ­d’évaluation. Dans bon nombre ­d’entreprises, cet entretien a lieu une fois par an. Votre manager a donc déjà vos performances sous les yeux et vous pouvez démontrer très ­objectivement pourquoi vous pensez mériter un meilleur salaire. Cela vous permet aussi d’éviter les arguments émotionnels tels que: ‘Je pense que j’ai dû travailler dur’ ou ‘Toute ­l’équipe est partie sauf moi’. Ce n’est ­généralement pas le genre ­d’arguments qui convaincront votre manager. Tenez également compte de l’exercice budgétaire de votre ­entreprise. Quand doit-elle finaliser les budgets pour l’année suivante? Si c’est en janvier, par exemple, il ne serait pas judicieux de demander une augmentation en février. En effet, les budgets auront déjà été établis et ne pourront donc plus être ajustés aussi facilement. Faites-le plutôt quelques mois avant ces cycles budgétaires, afin que votre manager puisse inclure toute augmentation de salaire dans les nouveaux budgets. »

Préparer un argumentaire

« Lorsque vous recevez une promotion et que vous grimpez les échelons au sein de votre entreprise, cette évolution va souvent de pair avec une augmentation de salaire. De même, lorsque vous évoluez horizontalement (c’est-à-dire au sein de votre fonction) et que l’on vous confie davantage de responsabilités dans votre emploi actuel, par exemple, il est tout à fait normal d’obtenir quelque chose en retour. Ainsi, si votre manager vous demande d’assumer des tâches supplémentaires dans le cadre de votre travail, c’est une bonne raison d’obtenir une augmentation de salaire, mais même en dehors d’un changement de poste, d’un ­portefeuille de responsabilités étendu ou de l’entretien annuel d’évaluation, de bonnes performances peuvent constituer une bonne justification. Vous excellez dans ce que vous faites, vous avez rondement mené un projet difficile ou vous pouvez démontrer que vous avez énormément ­progressé à votre poste et que vous méritez donc un salaire plus élevé? Vous avez alors une excellente raison d’aller frapper à la porte de votre ­manager pour demander une ­augmentation. Avant votre réunion de négociation, dressez la liste de toutes vos qualités, compétences et réalisations afin de pouvoir les mettre sur la table, au sens propre comme au sens figuré, pendant la négociation et démontrer à votre employeur ­pourquoi vous méritez un salaire plus élevé. »

Calculer vos besoins

« Chaque entreprise est différente et il n’existe pas de règle fixe quant au montant que vous devez ou pouvez recevoir. Toutefois, on considère ­souvent une majoration de 10 %, ­tenant compte de l’indexation pour l’année en question, comme étant une augmentation viable. Si l’indexation est de 4 % cette année-là, il y a de fortes chances que vous ­puissiez demander environ 6 % de plus pour vos bonnes performances. Si, comme ce fut le cas en 2024, vous bénéficiez déjà d’une augmentation de salaire d’environ 10 % en raison de l’indexation, il y a moins de chances qu’un employeur soit enclin à vous offrir plus cette année-là. En outre, mieux vaut réfléchir par soi-même à ses besoins réels. Si l’on n’obtient pas toujours ce que l’on veut (d’où le ­terme ‘négociations’, NDLR), avoir une idée claire de ce que l’on veut pouvoir faire avec son salaire est toujours ­utile. Faites un calcul approximatif de vos frais et de ce que vous souhaitez pouvoir payer avec votre salaire, et gardez ce chiffre en tête lors de votre entretien salarial. En outre, vous ­devriez avoir une idée du salaire en vigueur pour votre poste. Pour ce ­faire, vous pouvez utiliser un outil de calcul des salaires. »

La valeur de son salaire

« Lorsque vous demandez une augmentation, vous pensez ­probablement au chiffre net. En fin de compte, vous voulez plus d’argent sur votre compte en banque à la fin du mois, déduction faite de votre ­sécurité sociale de 13 % et de vos ­impôts. Pour vous, cette augmentation de salaire devrait donc être ­suffisamment élevée pour que, au bout du compte, vous ayez ­suffisamment dans votre poche. Votre employeur, quant à lui, calcule en chiffres bruts, car votre salaire brut coûte à votre patron 1/3 de plus. ­Gardez donc ces 2 chiffres à l’esprit lorsque vous mettez un montant ­réaliste sur la table. Vous pouvez ainsi montrer que vous savez ce que vous valez, mais il est préférable de faire une proposition qui laisse une ­certaine marge, en visant un peu plus haut et en proposant également un montant compris entre X et Y, par exemple. De cette façon, vous avez une marge de manœuvre pour la suite de la discussion. »

Et les extras

Chaque année, votre salaire ­augmente légèrement. Il s’agit d’une conséquence de l’indexation, c’est-à-dire de ­l’adaptation de votre salaire à ­l’inflation. C’est une bonne chose, mais cela signifie aussi que les coûts salariaux de votre employeur sont de plus en plus élevés. Une aug­­mentation de salaire individuelle n’est donc pas toujours possible. Heureusement, il existe des alternatives.

Vous pouvez négocier d’autres éléments comme des horaires de travail plus flexibles ou des journées de télétravail, par exemple.

Plus qu’un salaire brut

Obtenir un salaire plus élevé, c’est votre objectif ultime lorsque vous négociez votre salaire, mais cette augmentation ne provient pas ­nécessairement de votre salaire brut. Si une augmentation de salaire pure et simple n’est pas envisageable, il existe d’autres moyens d’augmenter votre pouvoir d’achat. Un avis que partage l’experte Ellen Bral: « Vous pouvez suggérer d’optimiser vos avantages extralégaux. Peut-être pouvez-vous prétendre à des chèques-repas (supplémentaires), à une carte carburant illimitée, à une allocation nette, à un abonnement télécommunications, à une assurance groupe ou à un nouvel ordinateur portable, par exemple. » Un tel ­package d’avantages peut valoir beaucoup, selon Ellen Bral: « Un pack d’avantages extralégaux optimisé peut presque doubler la valeur totale de votre salaire brut. De plus, cela permet de réduire vos frais mensuels. Moins vous consacrez de votre salaire net aux courses, à l’essence ou à la connexion Internet, plus il vous reste d’argent à la fin du mois pour d’autres dépenses. »

Flexibilité à double sens

« Vous pouvez donc négocier d’autres éléments. Par exemple, de plus en plus d’employeurs sont enclins à envisager des horaires de travail plus flexibles ou des journées de ­télétravail. Vous pouvez alors trouver un meilleur équilibre entre vie ­professionnelle et vie privée. Ce qui est très précieux », explique l’experte.

Continuer à évoluer

Un bon salaire n’est pas la seule chose qui montre à quel point votre travail est apprécié et n’est donc pas la seule chose qui peut vous motiver. « En plus de votre salaire et d’un ­package d’avantages extralégaux, un budget de formation vous montre que votre employeur vous apprécie. Comme vous, il souhaite que vous progressiez dans votre carrière et que vous vous épanouissiez sur le plan professionnel. Une augmentation de salaire n’est pas à l’ordre du jour? Vérifiez avec votre manager s’il existe des formations que votre entreprise peut vous proposer ou que vous ­pouvez suivre gratuitement par ­l’intermédiaire de votre employeur. Le fait que votre employeur souhaite investir dans vos perspectives de croissance est très important. Une entreprise qui encourage le ­développement de ses employés peut vous aider à concrétiser vos ­objectifs. À long terme, cela se traduit non seulement par un joli montant sur votre compte en banque, mais aussi par votre satisfaction et votre bonheur au travail. » Et ça, ça n’a pas de prix. Bonne chance!

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