Coraline, 32 ans, s’est sentie étouffée dans son 9/17. Elle a démissionné pour “rien”, mais “tout”: l’envie de devenir architecte de sa propre vie. Elle nous a raconté cette reconversion ultra inspirante.
“J’ai fait 3 ans de Sciences Politiques ainsi qu’un master en Relations internationales. À l’adolescence, je voulais être journaliste. Je ressentais une envie de transmettre, mais aussi d’analyser les situations. Au final, je m’étais tournée vers Sciences Po car je voulais comprendre comment le monde fonctionnait. Je voulais travailler sur le terrain, devenir reporter. J’ai travaillé pendant 1 an dans une ONG et puis, j’ai été engagée dans une association dans le secteur du handicap. J’y suis restée cinq années. J’ai adoré! J’étais dans la gestion de projet, et c’était assez fluide pour moi. Mais quelque chose coinçait et ce quelque chose, c’était le rapport au temps. J’ai fait une crise de la trentaine, l’été de mes 30 ans. C’était juste après le premier confinement et comme plein de gens, j’ai remis en question mon mode de vie. J’ai réfléchi aux ingrédients qui composaient ma vie. Et la conclusion était assez claire: le travail prenait une part trop importante de mon fromage. Je n’avais pas le temps d’expérimenter: j’étais de 9h à 17h devant un écran. Coincée. J’avais la sensation d’étouffée. D’être oppressée.
J’ai écouté pas mal de podcasts sur l’entreprenariat, un peu par hasard. Et je me suis dit que ce mode de vie-là m’attirait. Le fait de devenir architecte de sa journée. J’avais la fibre entrepreneuriale et un besoin immense de liberté. Il m’a fallu 1 an pour cogiter tout ça et en 2021, j’ai démissionné. Ma maman était décédée à 32 ans et je pense que j’ai eu un petit compte à rebours qui a retenti dans ma tête à l’approche de la trentaine. Parfois, des éléments dans ta vie te forcent à te demander: s’il te restait deux ans à vivre, que ferais-tu? S’il n’étais pas question d’argent? Je me suis demandée si j’aurais vécu la vie de mes rêves. Et j’ai ressenti une urgence de la vivre! Je sentais que j’allais m’éteindre si je ne le faisais pas.
Je me suis retrouvée face à une page blanche. C’était compliqué de partir pour “rien”, vis-à-vis du regard des autres notamment. De mon papa, aussi, qui m’avait payé 5 années d’université et qui m’avait élevée presque seul.
J’avais plein de temps devant moi et je ne savais même plus quoi en faire. On est tellement conditionnés à remplir son temps qu’en avoir est déstabilisant. J’étais partie sans but précis, si ce n’est celui d’explorer ma vie. J’allais butiner, comme une abeille, de fleurs en fleurs. M’offrir du temps, contempler, observer. Je me réveillais le lundi matin en ayant la sensation que je devais travailler. La fameuse productivité… Et petit à petit, j’ai réussi à décaler cette pensée, à réfléchir autrement: comment est mon énergie ce matin? De quoi ai-je besoin? Comment je me sens?
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Au début, c’était laborieux: on se calque à notre entreprise, à la société. On se lève, on fait une pause à midi, on termine de travailler et on va au sport. J’ai dû accomplir un gros travail de déconstruction et de reconstruction. Trouver un autre mode de vie. Chaque début de semaine, je me demandais comment j’avais envie de la passer. Avais-je envie de bosser le dimanche? Et le lundi alors? Quand j’étais employée, il m’arrivait de me réveiller à 6h, en pleine forme, et d’attendre qu’il soit 9h pour commencer à travailler. C’est débile! C’est tellement plus productif de se reconnecter à soi-même, à son énergie du moment. Désormais, si j’ai envie de bosser le dimanche, je le fais sans me poser de questions! Je construis peu à peu le taf de mes rêves: j’ai créé Boosteke, j’aide des personnes en transition à construire leur projet professionnel. Je les aide dans le développement et dans leur gestion (planification, communication, financier, etc). Mes accompagnements s’adressent aussi aux personnes qui se sentent débordées, qui n’arrivent pas à s’organiser et à concilier vie privée et vie pro’.
En ce mois d’avril, j’ai décidé de ne pas prendre d’accompagnements, juste parce que je ressens le besoin de m’arrêter, de prendre du recul sur mon projet et être certaine que ça va dans la direction que je souhaite. Je sais que c’est utile pour moi. Evidemment, j’ai la possibilité de le faire car je n’ai pas d’enfant, par exemple, je sais que ce serait plus compliqué d’organiser ma vie comme je le souhaite en étant maman. Je sais aussi que je suis issue d’un certain milieu social, qui me permet de travailler à mon rythme. Ma vie n’est pas une méthode à appliquer. Mais pour moi, c’était nécessaire.
Depuis que j’ai démissionné, je me suis reconnectée à plein de gens. Je vois davantage mes amies, ma famille. 40 % de mon temps est accordé à mon travail, le reste, à mes proches et à moi-même.
Je ne compte pas mes heures: au début, je remplissais un tableau, pour me rassurer. Maintenant, je sais qu’il y a des semaines où je vais beaucoup bosser et d’autres moins. Ce que je remarque, c’est que je suis pleinement disponible quand je travaille. Je vais travailler 5 heures à fond sur ma journée et puis, quand je remarque que je n’avance plus, je vais marcher, voir une expo’. Je bosse moins mais mieux: je suis plus efficace pendant mon temps de travail. Par contre, le fait d’être entrepreneure m’oblige à penser à mon travail tout le temps, même sous la douche. Mon cerveau tourne tout le temps, ça ne se calcule pas, ça!
Le cycle menstruel comme boussole
J’ai réalisé que mon énergie dépendait beaucoup de mon cycle menstruel. J’ai identifié que quand j’allais être réglée, j’étais moins disponible pour les autres. Je le prends en compte dans mon agenda d’accompagnement. La semaine qui suit, par contre, mon énergie est plus haute: je vais me caler plusieurs rendez-vous professionnels et je sais que je me donnerai à fond. L’aspect psychologique est aussi important: à certaines périodes du cycle, on rumine, on se remet en question. Dans ces semaines-là, je ne prends pas de grosses décisions car je sais que je vais être influencée. J’incarne pleinement mes phases de cycle, c’est incroyable! Et c’est essentiel de réaliser que ces quatre phases sont utiles et nécessaires: certaines t’aident à oser, à prendre des décisions, à foncer! D’autres t’aident à prendre du temps pour toi, à faire le tri, à se poser. Quand je suis en phase down, j’en profite pour aller me faire masser, pour aller marcher. Je suis architecte de ma vie.
Alors, c’est sur que financièrement, c’est parfois compliqué: j’ai mis de l’argent de côté avant de démissionner. J’ai touché le chômage et ça m’a permis de voir les choses venir. Je m’étais laissée 1 an pour voir comment les choses fonctionnent.
Et j’ai décidé de me faire confiance ensuite! Je me suis dit que j’avais cinq ans d’expérience professionnelle et que je pourrais rebondir. Mais j’ai aussi été éduquée comme ça: mon père m’a appris à avoir confiance en moi et à savoir que tomber n’est pas grave et que l’essentiel est de pouvoir se relever. Ça m’a beaucoup aidé à faire le grand saut, mais je sais que beaucoup de personnes n’ont pas cette chance et souffrent du syndrome de l’imposteur. J’ai aussi réalisé que je n’étais pas très carriériste, que je n’avais pas besoin de reconnaissance.
Ce choix a changé ma vie! Elle manquait un peu de saveurs et depuis que je me la suis ré-appropriée, j’ai l’impression d’en avoir vécu 10 en 2 ans. J’expérimente, je vis, je me rencontre, je prends soin de moi. Je vais me balader lorsqu’il fait beau. Je suis plus rayonnante, plus en joie, plus éveillée. Avoir la certitude d’être au bon endroit dans la vie est très enrichissant et stimulant. Je me sens plus vivante et complète.
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