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TÉMOIGNAGE: malgré qu’on ait essayé de l’en dissuader, Jennifer fait désormais le métier de ses rêves

Sarah Moran Garcia
Sarah Moran Garcia Journaliste web

Jennifer a toujours voulu travailler dans l’IT, mais à 17 ans, un informaticien l’en a dissuadée, sous prétexte qu’elle était une femme. Aujourd’hui, malgré un diplôme qui n’a rien à voir avec son métier, elle s’épanouit dans la carrière de ses rêves.

La vie est faite d’imprévus, de surprises. Même si l’on voit loin, que l’on imagine notre avenir tout tracé, il se peut que le chemin que nous avions emprunté finisse par bifurquer de manière inattendue. Parfois pour le pire, mais aussi, heureusement, pour le meilleur. C’est le cas de ces personnes que nous avons rencontrées. Elles n’ont pas de diplôme, mais ont réussi professionnellement. Elles ont changé de voie pour s’épanouir dans un autre job, ou ont fait un gros doigt d’honneur à celles et ceux qui leur avaient dit qu’elles n’avaient pas le profil pour le métier de leur rêve.

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On commence avec Jennifer, 36 ans. Comme beaucoup de jeunes étudiants quittant l’école secondaire, après sa rhéto, elle ne savait vers quoi se tourner. Grande passionnée de jeux vidéo et d’informatique, elle aurait aimé poursuivre dans ce milieu. Mais c’était sans compter cet informaticien, “véritable cliché sur pattes”, selon elle, qui, lors d’un salon des études, a rétorqué à la jeune étudiante de 17 ans pleine d’ambition “qu’elle était une femme, et que ce métier était un milieu d’hommes”. Ces quelques mots ont touché Jennifer, et elle a fait une croix sur ses rêves.

“Ce n’est jamais perdu”

“Je ne savais toujours pas quoi faire, mais je savais que je voulais me tourner vers les langues, j’ai donc entrepris des études de Tourisme, avec option gestion”, nous explique la jeune mère de famille. “À l’époque, je voulais me lancer dans l’organisation d’événements, mais je me suis rendu compte, lors de mon stage de fin de troisième bac chez Belgacom (ancien Proximus), que cela ne me plaisait pas.”

Au terme de ses trois ans d’étude, Jennifer avait, certes, un diplôme, mais aucune envie d’évoluer dans le milieu du tourisme, elle avait le sentiment que ça ne lui correspondait pas. Cependant, elle n’avait pas l’impression d’avoir perdu trois années de sa vie.

Un bachelier est essentiel. Ce fut pour moi un petit échec, mais un diplôme n’est jamais perdu.

Jennifer

Du tourisme à la banque

Son bachelier achevé, la jeune diplômée postule de manière spontanée auprès d’une grande banque belge. Entre le tourisme et le milieu bancaire, c’est le grand écart. “J’ai été engagée en CDD, et le hasard a voulu que je travaille au service des ressources humaines. Mes études ne m’avaient absolument pas préparée à ce métier, si ce n’est l’utilisation des logiciels basiques et les langues”, se souvient-elle. “J’ai tout appris sur le tas. Cela m’a pris du temps, et à force de persévérance, on m’a proposé de nouvelles responsabilités. J’ai finalement travaillé sur les projets d’outils IT.”

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Jennifer était efficace, ses chefs contents de son travail, mais au bout de deux ans de CDD, alors qu’elle aurait dû décrocher un CDI, on ne l’a pas reconduite, la faute à la crise du secteur bancaire de 2010. “Mes responsables m’ont toutefois recommandée auprès d’une société de consultance informatique qui travaille ponctuellement avec la banque”, poursuit la jeune femme. “J’étais évidemment très intéressée, j’ai toujours rêvé de travailler dans le milieu de l’IT!” Après plusieurs entretiens, Jennifer a décroché le job. La vie dont elle avait tellement rêvé prenait enfin forme.

Syndrome de l’imposteur

Après plusieurs années et beaucoup d’efforts, Jennifer est aujourd’hui consultante IT sur un progiciel (logiciel professionnel, NDLR) de gestion des ressources humaines. Elle est l’une des rares employés, sinon la seule, à ne pas être ingénieur et à n’avoir ni bachelier ni master en informatique. Elle est aussi l’une des rares femmes de sa boîte.

Si elle s’épanouit pleinement dans sa carrière professionnelle, elle admet volontiers avoir douté. “Au début, j’avais vraiment l’impression de ne pas avoir ma place”, nous confie-t-elle. Bien que son responsable lui ait répété maintes fois qu’il était très satisfait de son travail, Jennifer est parfois aux prises avec le syndrome de l’imposteur.

Mais sa place, elle l’a méritée, elle l’a gagnée. Si, à son arrivée dans l’entreprise, ses missions étaient surtout administratives, elle a fait ses preuves, et on lui confie, à présent, les mêmes tâches qu’à ses collègues ingénieurs. “Pour cela, j’ai notamment passé une certification, j’ai étudié de nuit sur mon temps libre, mais j’y suis parvenue”, commente la consultante en informatique.

Aujourd’hui, mon diplôme n’est plus remis en question, on n’en parle même plus. J’ai des collègues en or qui m’ont laissé ma chance.

Jennifer

Revanche personnelle

Pour Jennifer, avoir réussi dans une carrière qui la faisait tant rêver lorsqu’elle était ado et qu’elle “geekait en ligne avec son frère”, c’est une revanche sur la vie. Une revanche sur cet informaticien rencontré au détour d’un stand sur un salon des études, alors qu’elle n’avait que 17 ans et plein de rêves dans la tête. “Je n’aurais jamais imaginé avoir un tel métier après mon bac. Je sais que dans le tourisme, je me serais moins bien épanouie, que j’aurais eu un poste moins important et que j’aurais moins bien gagné ma vie. Pour rien au monde, je n’échangerais la vie que je mène avec une autre”, conclut Jennifer.

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