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TÉMOIGNAGES: ““je ne supporte plus mon/ma boss””

Vous ne supportez pas votre chef·fe? Vous n’êtes pas seul·e ! Voici les témoignages de plusieurs employé·es et les clés d’une psychologue pour bien réagir.

Quand le courant passe avec votre manager, vous pouvez accomplir de grandes choses ensemble. Mais que faire si vous ne pouvez pas vous sentir? Nous avons demandé conseil à une psychologue du travail.

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« Lorsque des personnes travaillent ensemble, on assiste toujours à des désaccords et des conflits », rappelle Hilde De Man, en charge du bien-être psychosocial chez Idewe, service externe pour la prévention et la protection au travail. « Ceux-ci sont nécessaires pour grandir, à la fois en tant qu’équipe et en tant qu’individu. Ce n’est que lorsque ces conflits sont pris personnellement et qu’ils s’aggravent qu’ils deviennent difficiles à gérer. Les conflits entre les employés et leurs supérieurs ne font pas exception. Ils représentent une grande partie des demandes que nous recevons chez Idewe. Il convient toutefois d’apporter une nuance.

En effet, lorsque des collègues sont confrontés à un conflit entre eux, ils s’adressent souvent d’abord à leur supérieur ou à un confident pour jouer le rôle de médiateur. Plus il y a de confidents sur le lieu de travail, plus il y a de place pour un dialogue constructif. Toutefois, s’il s’agit d’un problème impliquant le manager, il n’est pas évident de le résoudre avec un confident qui est aussi un collègue proche. Dans ce cas, les travailleurs peuvent s’adresser à leur conseiller en prévention pour les aspects ­psychosociaux au travail. »

E. « En tant qu’assistante de direction, je travaille pour plusieurs directeurs. Cela s’est toujours bien passé, jusqu’à l’arrivée d’une responsable marketing qui n’a pas hésité à m’utiliser comme son esclave. ‘Apportez-moi du café’ ou ‘Je voudrais un sandwich au poulet grillé cet après-midi, vous vous en occupez?’ Ce n’était pas mon job, mais c’est surtout la manière dont elle me parlait qui me posait problème. Heureusement, elle n’a pas fait long feu! »

A. « Je suis conseillère de vente dans une chaîne de magasins. Il y a quelque temps, j’ai demandé à être mutée parce que j’avais eu une expérience très négative avec ma responsable de magasin de l’époque (qui a été licenciée depuis). En tant que responsable de magasin, elle devait veiller à ce que l’ensemble de l’équipe atteigne les objectifs fixés, mais aussi à ce que l’ambiance dans le magasin soit bonne. Difficile lorsque vous êtes vous-même l’instigatrice de la plupart des querelles et que vous êtes constamment en train de colporter des ragots sur vos employés. Son comportement a même provoqué une rupture irrémédiable entre une collègue et moi. Nous venons d’un pays où deux peuples vivent en désaccord. J’ai grandi d’un côté, elle de l’autre. J’en ai parlé à ma ­responsable, en lui demandant de ne pas en faire part à ma ­collègue. Elle l’a fait, ce qui a créé des tensions entre ma collègue et moi. Elle ne voulait plus me parler ni travailler avec moi. Cette situation – combinée à d’autres problèmes – m’a amenée à ne plus pouvoir travailler dans ce magasin. »

Stress et insécurité

La psychologue: « Il peut y avoir de nombreuses raisons pour lesquelles un conflit survient entre un employé et un manager. Dans certains cas, il s’agit d’un problème de personnalité. Par exemple, nous constatons que le fait de semer le conflit entre les gens est un trait qui peut être attribué à un trouble spécifique de la personnalité. Si c’est le cas, cela peut évidemment avoir un impact énorme sur le bien-être individuel et collectif des employés. Le manager crée alors une culture de la peur sur le lieu de travail et un manque de sécurité. On parle alors d’un lieu de travail toxique, où les employés n’ont plus le sentiment de pouvoir communiquer ouvertement et où ils ne peuvent plus se sentir bien. Parfois, la cause d’un tel conflit est plus innocente, mais cela n’en diminue pas l’impact.

Par exemple, les managers peuvent être sous la pression du stress et ne pas être en mesure de bien canaliser cette émotion, ce qui se répercute sur leurs employés. L’insécurité peut également jouer un rôle, lorsque l’expertise d’un employé est perçue comme une menace et n’est donc pas valorisée ouvertement. Il en va de même pour la pression exercée par les preuves et les performances, tant à l’égard des employés que des cadres supérieurs. Enfin, un manque de communication ouverte et transparente, de feedback et de confiance réciproque peut conduire à de l’insatisfaction sur le lieu de travail. »

1 histoire, 2 versions

La psychologue: « Il est important de comprendre qu’il y a toujours deux versions à chaque histoire. Ce n’est pas parce qu’un employé soulève un problème que le manager est nécessairement en tort. Un conflit est presque toujours causé par les deux parties. Osez aussi examiner hon­nêtement votre comportement et votre contribution au problème. Une frustration se transforme souvent en conflit lorsqu’il y a un manque de dialogue entre les parties. N’oubliez pas que les managers sont aussi des êtres humains, qui peuvent aussi se tromper. En outre, ils ne sont pas ­insensibles aux besoins humains de connexion et d’appartenance. Même s’il leur appartient de rester professionnels et d’être conscients de l’effet qu’ils ont sur la dynamique du groupe. »

N’oubliez pas que les managers sont aussi des êtres humains, qui ont aussi droit à l’erreur.

L. : « Je sais que mon manager a de bonnes intentions et qu’elle fait de son mieux pour bien faire son travail, mais son style de ­management ne me convient pas. Pour moi, elle n’a pas assez confiance en les membres de son équipe. Il me faut toujours ­beaucoup d’efforts et d’énergie pour la convaincre qu’une idée autre que la sienne peut être meilleure. J’ai l’impression qu’elle veut toujours avoir raison. Un jour, un budget plus important a été alloué pour une fonction que j’adorais. J’ai demandé à l’exercer à temps plein. Ma responsable a refusé, préférant me maintenir dans ma fonction actuelle. Je l’ai pris comme un compliment parce que ça signifie qu’elle est satisfaite de mon travail. Mais cela me frustre et commence à m’ennuyer. J’ai l’impression de ne pas pouvoir m’épanouir. »

E. « Dans l’un de mes premiers emplois, j’avais une responsable du même âge que moi. Elle sortait souvent avec des membres de l’équipe et était devenue très proche de certains. Je me suis super bien entendue avec elle et j’ai donc bénéficié de cette culture du népotisme (utiliser son influence en faveur de ses proches, ndlr), mais je me suis rendu compte que les collègues plus âgés étaient ­souvent perdants et que ce n’était ni juste ni professionnel. »

Favoritisme

La psychologue: « Si un manager a besoin de liens et de soutien au travail, il est préférable qu’il recherche ces liens auprès de ses collègues. Si ce besoin d’appartenance est trop fortement ressenti au sein de son équipe, un sentiment de favoritisme peut vite apparaître. On ne soulignera jamais assez ­combien il est important que les ­managers s’investissent dans la ­gestion des personnes et la ­dynamique d’équipe en plus de leurs tâches pratiques. En comprenant mieux comment les membres de l’équipe interagissent entre eux, quels sont leurs profils et comment ils peuvent mieux travailler ensemble, de nombreux problèmes peuvent être évités. Plus les gens ont le sentiment de se sentir en sécurité dans l’équipe et d’y avoir leur place (chacun avec ses différences), plus ils peuvent s’ouvrir et faire passer les objectifs du groupe en premier. Cela profite à la dynamique de groupe et à la communication. »

Quelque chose ne va pas? Dites-le franchement. L’honnêteté est primordiale.

S. « J’ai démissionné d’un job parce que le directeur pour lequel je travaillais me faisait me sentir mal dans ma peau. Je souffre d’une maladie chronique et ne travaillais qu’à temps partiel. Certaines tâches me pesaient et j’ai parfois dû demander un congé maladie lorsque les choses devenaient difficiles. Mes anciens responsables ont toujours été compréhensifs, en tenaient compte lors de l’élaboration du planning de la répartition des tâches. Ce n’était pas le cas de ce manager. À la longue, j’avais des crises de panique lorsque je devais le prévenir de mon absence, parce qu’il me mettait mal à l’aise: ‘Encore absente?’ ou ‘Mince, c’est très ennuyeux pour tes collègues.’ Travailler pour lui a affecté ma confiance en moi et ma santé. J’ai démissionné, et je regrette de ne pas m’être battue, car j’aimais mon travail. »

S. « Je suis indépendant, mais jusqu’à récemment, je combinais mon activité créative avec un emploi qui me rapportait bien pour payer le coût de mon crédit hypothécaire et avoir plus d’espace pour laisser libre cours à ma créativité. Il s’agissait de shift par équipe. Chaque équipe était dirigée par un contremaître. Je pouvais travailler avec un contremaître une semaine et un autre la semaine suivante. Avec l’un des contremaîtres, le courant ne passait pas du tout. Il était hyper arrogant et tellement ­désobligeant à l’égard de ses employés que je suis allé voir les ressources humaines pour demander si je pouvais changer d’équipe. La réponse a été ­négative. Le lendemain, je ­perdais mon emploi. Pourtant, plusieurs collègues ont déjà porté plainte contre lui, mais les critiques tombent apparemment dans l’oreille d’un sourd. »

Première étape? Dialoguer!

La psychologue: « Le soutien social des managers a un impact important sur la manière dont les gens se sentent au travail. Si ce soutien n’existe pas, il est souvent très difficile pour les employés de se sentir bien dans leur travail à long terme. Il est essentiel pour les entreprises d’investir dans une communication ouverte, un feedback important et mutuel et une culture du respect, de la confiance et de la sécurité. C’est la raison pour laquelle il existe une loi belge sur le bien-être au travail. Elle ­stipule que les entreprises sont ­tenues de procéder à une analyse des risques, qui doit montrer les dangers potentiels pour le bien-être physique et psychosocial des travailleurs. En outre, chaque organisation doit disposer d’une procédure à laquelle les travailleurs peuvent recourir pour contacter le conseiller confidentiel ou le conseiller en prévention. La façon de le contacter doit être indiquée dans le règlement du travail et affichée au bureau ou sur l’intranet. Comme il n’est pas toujours facile pour un conseiller confidentiel de s’interposer dans un conflit, vous pouvez aussi faire appel à une entreprise externe comme Idewe. Cela peut se faire individuellement, de façon informelle ou formelle, mais vous pouvez aussi choisir de soulever anonymement un problème qui nuit à plusieurs employés. Il s’agit alors d’une demande formelle à caractère collectif.

« Nous remarquons que le fait que les médias parlent de plus en plus des comportements indésirables au travail a incité plus de gens à ­soulever des soucis sur leur lieu de travail. Il s’agit d’une évolution ­positive qui permet de briser la culture de la peur qui prévaut parfois. En même temps, cela peut ­augmenter le risque de polarisation. Alors que certains problèmes étaient réglés par le biais d’une conversation cordiale, on passe parfois vite à une demande formelle d’intervention. Or si l’on n’essaye pas de dialoguer au préalable, cela peut se retourner contre soi. Essayer de se parler, ­éventuellement avec un médiateur interne ou externe, est à privilégier. Vous n’osez pas soulever un problème parce que vous avez peur d’être ­licencié? Si vous faites une demande formelle, vous serez protégé par la loi contre les représailles. Si votre ­employeur vous renvoie, il devra prouver devant le tribunal du travail que ce n’est pas lié à votre demande d’intervention. Dans la pratique, il s’agit évidemment d’une question complexe. Si vous estimez toujours que vous avez été lésé et que vous souhaitez engager une action en ­justice, vous pouvez faire appel à un avocat spécialisé dans le droit du travail. »

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