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Angiosarcome
© Getty Images/Flair

À COEUR OUVERT: ““Mon espérance de vie n’était que de quelques semaines, mais je suis encore là””

Sarah Moran Garcia
Sarah Moran Garcia Journaliste web

Quand elle avait 21 ans, ses médecins ont découvert que Romane souffrait d’un angiosarcome, une tumeur très rare. Cette période de sa vie a été difficile pour elle, mais alors que les spécialistes ne lui donnaient plus que très peu de temps à vivre, elle a vaincu la maladie.

Romane a 25 ans. Un anniversaire qu’elle a fêté dans la maison qu’elle et son compagnon sont en train de rénover. Ce projet aurait pourtant pu ne jamais voir le jour. Il y a trois ans, on a découvert à la jeune femme un angiosarcome en phase terminale, une “tumeur maligne d’origine vasculaire très rare”, indique l’Inserm.

2020 a été pour Romane une année assez étrange. Au mois de juin, la jeune femme obtient son diplôme d’assistante sociale, signe un CDI et entre doucement dans la vie active. Mais quelque temps plus tard, en octobre, elle commence à se plaindre de maux de ventre. “Rien de très grave. Ayant une personnalité assez nerveuse et hyper speed, je me suis dit que ce devait être des ulcères, et qu’il fallait simplement que je me calme”, se souvient-elle. Elle continue de mener sa barque normalement, comme si de rien était, mais au fil des semaines, elle sent qu’elle n’a plus la même énergie. “J’avais des douleurs de dos et de ventre très difficiles à décrire”, poursuit-elle

C’était la première fois que j’étais si loin de ma famille pour les Fêtes. J’en ai pleuré si fort que je dérangeais les infirmières de garde.

Des maux qui l’amèneront, pour la première fois de sa vie, aux urgences. Les médecins qui l’auscultent ne voient rien d’anormal et lui prescrivent un médicament pour atténuer ses crampes. Romane est rassurée, elle se dit que les douleurs vont passer, et rentre chez elle. Mais c’est tout le contraire. “Je m’en souviens encore très bien, c’était le 23 décembre. Je devais aller travailler, mais il m’était impossible de sortir de mon lit. J’étais épuisée et très énervée. Je m’en voulais aussi, car je devais travailler”, explique-t-elle. “Mais ma mère ne m’a pas laissé le choix et m’a emmenée dans un second hôpital.”

Noël à l’hôpital

Sur les imageries médicales, les médecins ne décèlent, cette fois encore, rien d’anormal, mais décident tout de même de garder la jeune femme en observation à cause d’une anémie. Durant son hospitalisation, les douleurs ne se dissipent pas. “J’ai passé mon temps en position fœtale, c’était la seule qui me soulageait”, précise-t-elle.

Nous sommes alors en pleine pandémie. Les Fêtes de fin d’année, elle les passera seule à l’hôpital, entourée d’autres patient·e·s, d’infirmier·ère·s et de médecins. On a connu mieux. “C’était la première fois que j’étais si loin de ma famille pour les Fêtes. J’en ai pleuré si fort que je dérangeais les infirmières de garde”, indique Romane, qui ne garde naturellement pas un bon souvenir de son passage dans l’établissement médical. Les conditions d’hospitalisation n’arrangent rien à son malheur. Dans sa chambre, pas de télé, pas de WIFI non plus. “Je n’ai même pas eu droit à un livre ou à une autre occupation. Ils avaient peur que je contamine les autres”, ajoute-t-elle.

Le jour de Noël, Romane reçoit la visite d’un médecin qui lui annonce une bonne nouvelle: elle semble aller mieux. Il se montre néanmoins assez critique, voire jugeant. D’abord, en lui signifiant qu’elle doit faire un effort pour mieux vivre son hospitalisation. Ensuite, après avoir analysé son dossier et avoir constaté qu’elle s’était déjà rendue dans un autre hôpital pour les mêmes symptômes, en lui faisant remarquer que son service ne pratique pas le “shopping médical”, et qu’il a d’autres choses à faire, un jour férié, que d’aller la voir quand elle se sent mal. “Une fois de plus, je me suis mise à pleurer. Très fort. Je me suis sentie démunie, incomprise et abandonnée”, regrette la jeune femme.

Ma famille était très inquiète. Elle a tenté de me faire changer d’avis, mais j’ai refusé de retourner à l’hôpital.

N’en pouvant plus de cette situation, Romane décide de quitter l’hôpital le lendemain. Son compagnon l’attend sur le parking et elle rentre chez elle à temps pour l’anniversaire de sa mère. Sauf que, ce qu’elle ne dit pas à ses proches, c’est qu’elle a signé une décharge pour partir de cet endroit qui la faisait tant souffrir. Mal lui en a pris. Son état se dégrade de jour en jour. La position fœtale près du radiateur est la seule à même de la soulager. “Rester debout plus de deux minutes était devenu mission impossible”, commente Romane. “Ma famille était très inquiète. Elle a tenté de me faire changer d’avis, mais j’ai refusé de revenir sur ma décision en retournant à l’hôpital.”

Retour forcé

Quelques jours plus tard, ses médecins l’appellent pour lui faire passer une IRM en urgence. La jeune femme, elle, ne veut pas y retourner, mais son père parvient à la convaincre. Il lui promet qu’elle ne restera pas longtemps à l’hôpital, et qu’ensuite, il lui paiera un Quick. “Deal!” Romane est alors persuadée que ce n’est rien de grave, mais trois jours plus tard, son médecin traitant contacte ses parents et les somment de l’emmener au CHU. Il y a quelque chose qui cloche.

Prises de sang, IRM, échographies, biopsies, les médecins défilent dans sa chambre d’hôpital sans qu’elle ne soit tenue au courant de ce qu’il se passe. Durant un mois, Romane est plongée dans l’inconnu. Sa mère prend congé pour être auprès de sa fille tous les jours, à l’hôpital, et lui apporter des plats cuisinés par ses soins. À cause du travail, son compagnon et son père, eux, viennent un jour sur deux. “C’est la folie, toute notre vie tourne autour de moi…”

Au bout d’un mois, on apprend à Romane qu’elle a le foie nécrosé. Son hypophyse (glande située à la base du cerveau, elle contrôle la fonction de la plupart des autres glandes endocrines, ndlr) ne fonctionne plus, ses poumons sont atteints, et par conséquent, son cœur en prend un coup. “On ne comprenait pas ce que j’avais. Était-ce une maladie orpheline ou génétique? Le problème, c’est que ma maman est une enfant adoptée. On n’avait aucune information sur sa famille biologique”, explique la jeune femme. Les jours passent, et d’autres symptômes font leur apparition. Sa peau devient peu à peu jaune et elle perd du poids à vue d’œil. Romane commence à se demander si elle ne perd pas la tête.

Un mot sur des maux

Ce n’est que le 26 février 2021 que le diagnostic tombe. Après un aller-retour jusqu’à Bruxelles puis Paris, ses analyses reviennent et annoncent un angiosarcome très rare qui a d’abord touché son foie, puis son hypophyse. “On m’a expliqué qu’il était possible de tenter une chimiothérapie. Mais on m’a aussi prévenu que c’était seulement pour prolonger mon espérance de vie de quelques semaines, voire de quelques mois, tout au plus”, indique-t-elle. “La bonne nouvelle, c’était que je pouvais rentrer le week-end à la maison. On était tellement heureux que je puisse quitter l’hôpital que mes parents ont appelé notre médecin pour s’assurer qu’on avait bien compris.”

Avec mon copain, on a traversé des moments très compliqués, après ça.

Après un premier week-end “merveilleux” entourée des gens qu’elle aime, Romane retourne à l’hôpital le lundi suivant. Elle a rendez-vous avec un oncologue, à qui elle trouve la force et le courage de demander si elle a une chance de s’en sortir. “Ce à quoi il m’a répondu: ‘On va essayer de se battre.’”

Se battre et guérir

Aujourd’hui, Romane se porte beaucoup mieux. Après une rééducation trois fois par semaine et l’évocation d’une greffe de foie, elle a fini par peu à peu se sentir mieux. Au point qu’elle n’a plus eu besoin de suivre de traitement. Les imageries de son foie et de ses prises de sang ne sont toujours pas bonnes, mais physiquement, elle se sent nettement mieux. Elle a repris son travail comme si rien ne s’était passé, ce qui étonne ses médecins. Des médecins qui ne comprennent d’ailleurs pas vraiment ce qu’elle a eu, entre la fin 2020 et le début 2021. Ils évoquent un Covid long, mais sans certitudes, ni explications claires.

“Le plus dur, à l’heure actuelle, est d’accepter mon poids. Je suis un peu gênée de dire ça, car j’ai la chance d’être à nouveau en forme, mais j’ai perdu énormément de poids durant ma maladie, et aujourd’hui, j’ai repris quelques kilos. Ce n’est pas tous les jours faciles…”, explique Romane. “Au niveau relationnel, il y a eu des hauts et des bas également. Avec mon copain, on a traversé des moments très compliqués. Puis, on a acheté une maison qu’on a commencé à rénover au mois de mars. Ce super projet nous a soudés et nous a donné d’autres envies.”

Romane ne sait pas de quoi demain sera fait, mais elle profite à chaque instant de cette chance qui lui a été donnée de vaincre une maladie qui aurait pu lui être fatale.

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