À COEUR OUVERT: « Malgré une ablation préventive, j’ai eu un cancer du sein »
Loes, 39 ans, patiente à prédisposition héréditaire, a opté pour une mastectomie préventive et a quand même eu un cancer du sein.
Il y a 5 ans, Loes, 39 ans, a appris qu’elle était porteuse de la mutation du gène BRCA1. Elle a opté pour une mastectomie préventive, une reconstruction mammaire et l’ablation des ovaires et des trompes de Fallope, afin d’éliminer le risque de développer ces types de cancer. Mais au cours de l’été 2023, elle a senti une petite boule...
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«2 tantes et une cousine du côté de mon père ont développé un cancer du sein alors qu’elles étaient relativement jeunes. Cette dernière a appris après son diagnostic qu’elle était porteuse du gène BRCA1, une mutation devenue mondialement connue grâce à Angelina Jolie et qui engendre un risque accru de 80 % de cancer du sein et de 40 % de cancer des ovaires et des trompes de Fallope. J’étais donc consciente du risque de prédisposition héréditaire. Je n’étais pas dans le déni, mais j’avais l’impression que c’était une menace lointaine. Finalement, lors d’un contrôle annuel, mon gynécologue m’a convaincue de me faire dépister. Cet examen génétique est effectué par prélèvement sanguin, et le résultat est tombé après presque 3 mois. Le jour de l’analyse du résultat, j’étais seule dans la salle d’attente et j’ai vu plusieurs personnes sortir de la salle de consultation les larmes aux yeux. Jusque-là, je pensais encore faire partie des chanceuses qui n’avaient pas hérité de la mutation génétique...
La possibilité que mes filles grandissent sans leur mère était un risque que je ne voulais absolument pas prendre.
Lorsque j’ai vu noir sur blanc que j’étais moi aussi porteuse de la mutation du gène BRCA1, j’ai reçu une véritable gifle. Émotionnellement, ça a été les montagnes russes: j’avais le choix entre faire une échographie et une mammographie tous les 6 mois, associées à une IRM annuelle, ou prendre des mesures préventives en recourant à des implants synthétiques ou fabriqués avec mon tissu corporel. Lorsque j’ai appris que j’étais porteuse de cette mutation génétique héréditaire, je venais de rompre avec le père de mes filles. À l’époque, je me suis dit que si je venais à attraper un cancer et à mourir, Anna et Julia se retrouveraient sans maman. C’était un risque que je ne voulais absolument pas prendre. De plus, 2 de mes amies avaient déjà subi une mastectomie préventive et une reconstruction mammaire avec des tissus corporels, avec chaque fois un excellent résultat. Je me suis décidée rapidement: la chirurgie préventive était la seule option possible. Un chirurgien plasticien m’a d’ailleurs confortée dans mon choix lors d’une première consultation: ‘L’ablation et la reconstruction des seins passent inaperçues. Contrairement à la chute de cheveux provoquée par la chimiothérapie.’
De 80 à moins de 5 %
Je suis passée sous le bistouri en mai 2020, en pleine crise sanitaire. J’ai été opérée à 140 kilomètres de ma famille et de mes amis... Ça n’a pas facilité les choses. Une double mastectomie avec reconstruction immédiate dure généralement 12 heures mais, dans mon cas, il a fallu 3 heures de plus en raison de complications dans la circulation sanguine de mon sein droit. Après l’opération, je suis restée plusieurs jours en soins intensifs. Compte tenu des circonstances, je m’en tirais plutôt bien, jusqu’à ce que, 3 jours plus tard, mon sein gauche se mette à gonfler. Les complications tardives sont extrêmement rares, mais j’avais l’impression d’avoir un robinet qui fuyait dans la poitrine. Je ressemblais de plus en plus à Lolo Ferrari et j’avais peur de mourir, d’autant plus que l’infirmière ne m’a pas tout de suite prise au sérieux car j’avais déjà dépassé la période critique. J’ai quand même fini par être entendue. Heureusement, car il s’est avéré qu’il y avait à nouveau un problème de circulation sanguine. J’ai subi une nouvelle intervention chirurgicale, sans quoi je risquais de perdre mon nouveau sein. Bien sûr, j’ai été complètement bouleversée à ce moment-là, mais une fois que mon état est redevenu stable, j’ai pu me concentrer pleinement sur ma guérison. Ça a été un travail de longue haleine, mais je n’ai pas eu de difficulté à accepter mon nouveau corps. Cette gigantesque cicatrice sur mon ventre n’était pas très jolie, bien sûr, mais c’était un prix que j’étais heureuse de payer. Après l’opération, j’étais parfaitement sereine, et ce sentiment n’a fait qu’augmenter lorsque j’ai franchi l’étape suivante en 2022, à savoir l’ablation des ovaires et des trompes de Fallope. Toutes ces interventions n’étaient pas anodines, mais j’étais prête à les endurer si elles m’empêchaient de tomber malade. Après tout, j’étais passée d’un risque de développer un cancer du sein de 80 % à moins de 5 %. C’est beaucoup moins que le taux d’une femme sur 9 qui développe un cancer du sein au cours de sa vie. Les examens de contrôle n’étaient même plus nécessaires, je me sentais donc en sécurité.
Presque tout mon entourage me disait que le risque de cancer du sein était extrêmement faible, mais j’avais un mauvais pressentiment.
Jamais de la vie
Jusqu’à ce que je détecte une petite boule au cours de l’été 2023. C’était comme si quelque chose appuyait contre la baleine de mon soutien-gorge. Je ne me suis pas trop inquiétée, mais lorsque j’ai remarqué qu’elle grossissait et qu’elle me démangeait, j’ai décidé d’aller voir le médecin. Mon généraliste n’était pas inquiet et m’a répété que le risque de cancer était finalement inexistant, mais préférant jouer la sécurité, il m’a envoyée faire une radiographie. La radiologue, pas très rassurée, m’a envoyée faire une biopsie. Lorsque j’ai quitté son cabinet, elle m’a encouragée à reprendre tout de suite un autre rendez-vous. Dans le fond, j’avais déjà compris... Après la biopsie, l’attente a commencé. Presque tout mon entourage me disait que le risque de cancer du sein était minime, voire inexistant. Mais j’avais un mauvais pressentiment. J’ai donc envisagé le pire scénario, en espérant que je ne pourrai qu’avoir une bonne surprise. Lorsque mon médecin m’a transmis le rapport et que j’ai cherché spécifiquement les marqueurs tumoraux combinés à ‘HER2 positif’, j’ai su à quoi m’en tenir. Je ne l’avais pas encore entendu de la bouche de mon médecin, mais évidemment, j’étais perturbée. D’autant plus quand le diagnostic a été confirmé. Soudain, le scénario que je croyais définitivement écarté devenait réalité. De plus, il s’est avéré que j’étais atteinte d’une forme très agressive de cancer du sein et que la tumeur était hautement maligne. Le seul point positif était que le cancer ne s’était pas encore propagé. Le verdict, bien sûr, a été un choc. Jamais de la vie je n’aurais pensé être atteinte d’un cancer du sein. Au début, j’étais très en colère et je me demandais surtout comment cela était possible. Mais j’ai vite compris que me préoccuper de choses que je ne pouvais de toute façon pas changer ne servait à rien. Cela demande beaucoup d’énergie, dont j’avais besoin pour supporter tous les traitements. Mon plan de traitement consistait en 12 chimiothérapies hebdomadaires, complétées par 4 cycles d’immunothérapie toutes les 3 semaines. Chaque semaine, j’avais un compagnon de chimiothérapie différent. Des collègues et des amies ont même pris congé pour être à mes côtés, ça m’a fait chaud au cœur. Mon corps s’est révélé plus fort que je ne le pensais. J’ai traversé ces turbulences avec brio, car après un PET scan et une échographie, la tumeur mesurait moins d’un centimètre. J’ai ensuite entamé la série de chimiothérapies plus lourde, à raison de 4 fois tous les 15 jours. Début mai, on m’a retiré la tumeur, ou ce qu’il en restait, ainsi que 2 ganglions lymphatiques axillaires affectés. J’entrerai bientôt dans la dernière étape, une série de 15 traitements de radiothérapie. Jusqu’à présent, j’ai bien résisté, grâce à mon médecin traitant et au personnel soignant de l’hôpital, mais c’est la dernière ligne droite qui est la plus difficile.
Lorsqu’elles m’ont vue sans cheveux pour la première fois, la plus jeune a dit: ‘Tu restes ma maman et tu es toujours aussi belle, avec ou sans cheveux’.
Continuer à travailler
Perdre mes cheveux a été l’une des pires choses, surtout lorsqu’ils ont commencé à tomber par touffes et que je n’ai eu d’autre choix que de les raser. Mes filles ont beaucoup pleuré. Lorsqu’elles m’ont vue sans cheveux pour la première fois, la plus jeune a dit: ‘Tu restes ma maman et tu es toujours aussi belle, avec ou sans cheveux.’ Heureusement, je n’ai pas vraiment eu d’autres effets secondaires. J’ai continué à faire du sport et à aller à des fêtes et à des concerts. Récemment, je suis partie en vacances au Maroc et j’ai fait du ski et du snowboard. Il m’arrive de sentir que mon corps est à bout, mais je fais tout ce que je peux pour continuer à vivre comme je l’aurais fait si je n’avais pas été malade. C’est la seule façon de me sentir normale. Au cours des 6 derniers mois, j’ai même continué à travailler, pour éviter de me rajouter des problèmes financiers. Les premières semaines, je travaillais encore à temps plein, mais maintenant, je suis passée à mi-temps. C’est une grosse perte financière, mais je suis finalement obligée de continuer à travailler parce que l’allocation que je perçois s’élève à plus de 1000 € de moins que mon salaire net. En tant que mère célibataire, c’est à peine suffisant pour survivre. Comme je suis désormais en congé maladie à mi-temps, je vais le ressentir sur mes impôts l’année prochaine, alors que je n’ai pas choisi d’avoir un cancer du sein... J’ai un filet de sécurité, mais il est évidemment limité. De plus, on vous met en congé maladie pour au moins un an, mais qui est capable d’assumer si longtemps? Je n’ai pas les fonds nécessaires, et je n’ai pas envie de dépenser l’argent que j’ai gagné pour cela. Mes comptes ne font malheureusement pas de pause. Ce n’est pas comme si, demain, la banque allait me dire que je ne dois plus payer mon prêt hypothécaire. Je peux demander le gel temporaire de mon prêt immobilier, mais à terme, cela ne résout rien.
Les politiques devraient se pencher sur cette question, car personne ne voudrait se retrouver dans ma situation. Comme toute personne confrontée à un cancer, je devrais pouvoir me concentrer entièrement sur ma guérison sans avoir à m’inquiéter de mes finances. La plupart du temps, je suis sereine. Il m’arrive parfois de m’inquiéter, voire de paniquer. J’essaie de rester aussi positive que possible, même si je suis consciente que les répercussions mentales peuvent survenir ultérieurement. J’ai déjà été victime d’un burn-out par le passé, j’en connais donc les symptômes et je sais que je devrais veiller à ne pas dépasser mes limites. De temps en temps, j’imagine des scénarios hypothétiques. ‘Et si je faisais une rechute dans un an?’ On n’est officiellement débarrassé d’un cancer qu’après 5 ans, 5 années interminables. Il faut espérer que les séances de chimiothérapie, l’opération chirurgicale et la radiothérapie aient fonctionné. Mais je vais de toute façon faire contrôler mes marqueurs tumoraux tous les 6 mois. Je sais que ce sera à vie. Si les examens révèlent une valeur étrange, j’espère pouvoir intervenir à temps pour éviter le pire.
Surtout, n’hésitez pas à consulter un médecin si vous avez le moindre doute, même si, comme moi, vous avez déjà pris des mesures préventives.
L’exception plutôt que la règle
Quelle est la probabilité que le cancer revienne? Je n’en ai aucune idée, mais même si la probabilité est de 5 à 10 %, je préfère ne pas y penser. Je n’aime pas réfléchir en pourcentages. Après tout ce qui s’est passé ces dernières années et ces derniers mois, c’est assez difficile. Même les spécialistes et le personnel soignant sont surpris en apprenant mon histoire et disent parfois que je n’ai pas eu de chance. Heureusement, je suis l’exception plutôt que la règle. Surtout n’hésitez pas à consulter un médecin si vous avez le moindre doute, même si, comme moi, vous avez une prédisposition héréditaire et avez déjà pris des mesures préventives. Examinez-vous régulièrement, allez faire un contrôle chez un professionnel plus d’une fois par an et n’hésitez pas à demander une mammographie. On n’est jamais trop prudent. Je ne veux effrayer personne. Je veux simplement montrer que le risque de maladie n’est jamais exclu. Moi aussi, je pensais que j’étais tranquille...
Malgré tout, je suis heureuse d’avoir pris des mesures préventives. Ne rien faire, c’était avoir la certitude de tomber malade. La question n’était pas de savoir si j’aurais un cancer du sein, mais quand. Sans les interventions préventives, j’aurais été une bombe à retardement et je n’aurais jamais pu vivre sereinement. Mon seul regret est de ne pas avoir fait le test avant d’avoir des enfants, car je sais maintenant qu’il y a un risque que j’aie transmis ce gène à mes 2 filles. Mes filles sont conscientes qu’elles peuvent être porteuses de la mutation génétique. Je ne leur ai jamais rien caché. Ma fille aînée, Anna, a presque 15 ans et voudrait déjà se faire tester. Elle devra cependant patienter encore au moins 3 ans. Je ne peux qu’espérer de tout cœur qu’elle soit épargnée. »
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