L’anorexie mentale se dessine comme un trouble du comportement alimentaire répertorié parmi les troubles mentaux. Une maladie lourde de conséquences, autant pour le bien-être physique que mental de la personne.
Bien que les troubles du comportement alimentaire, appelés TCA, soient un large spectre qui embrasse bien plus que des catégories purement définies, on retrouve parmi eux l’anorexie mentale, une maladie mentale qui a été répertoriée parmi les troubles mentaux. « L’anorexie mentale se présente comme une restriction alimentaire conduisant à une perte de poids significative (en fonction de l’âge, du sexe, etc.) et s’accompagnant d’une peur intense de prendre du poids ainsi qu’une influence excessive du poids et de la forme corporelle sur l’estime de soi » explique Anne-Claire Jedrzejczak, coach certifiée dans le rétablissement des troubles de l’alimentation. « Il y a dans ce trouble une réelle altération de l’image du corps qui affecte le comportement de la personne et qui est appelée dysmorphophobie » ajoute Alexandra Rousselle, psychologue clinicienne et nutrithérapeute.
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Deux types d’anorexie mentale
Il existe deux types d’anorexie mentale. « Il y a l’anorexie mentale où l’on souligne le côté restrictif, et où la personne ne mange pas. On appelle cela l’anorexie mentale restrictive. Et puis, il y a l’anorexie mentale où la restriction est ponctuée de moments d’hyperphagie ou de boulimie. Dans le cas de l’anorexie mentale boulimique, il y a alors purge : la personne se fait vomir ou utilise des laxatifs » explique Alexandra Rousselle, qui souligne également la pratique intense du sport dans certains cas. En ce sens, l’anorexie mentale diverge des autres troubles du comportement alimentaire.
On est réellement dans la peur de s’alimenter et de prendre du poids. Dans l’anorexie, on a une perte d’appétit, mais dans l’anorexie mentale, la personne va avoir faim et ne pas s’écouter afin de contrôler son poids. L’hyperphagie, la personne va se remplir et combler un vide, mais il n’y aura pas de purge. La boulimie, quant à elle, présente des accès hyperphagiques, mais avec des purges.
explique Alexandra Rousselle. Bien entendu, tout n’est pas noir ou blanc. « C’est un spectre large, précise Anne-Claire Jedrzejczak. Les diagnostics se doivent d’être précis, mais il y a également des catégories ‘autres’. Dans certains cas, nous allons parler d’anorexie mentale atypique, c’est-à-dire, de manière très grossophobe, que la perte de poids n’est pas ‘visible’. Cela fait alors référence à des personnes qui utilisent des comportements de restrictions alimentaires extrêmes, parfois avec une hyperactivité intense, mais parce qu’ils sont constitués physiquement d’une certaine façon, alors on use du mot ‘atypique’. Car oui, il est possible de souffrir d’anorexie mentale ET d’être dans un corps d’une taille “normale” selon le BMI/IMC ou même en “surpoids” selon le BMI/IMC. Et j’use ici de guillemets car cette approche et ces concepts sont grossophobes – donc problématiques, selon une grande partie des professionnels spécialisés en TCA, moi y compris. »
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C’est typiquement le cas d’Ambre, qui souffre d’anorexie mentale depuis son adolescence. « On m’a diagnostiqué de l’anorexie mentale, mais mon IMC reste malgré tout dans la norme, explique la jeune femme. Et c’est là que j’ai compris que c’était une maladie plutôt vicieuse. Parce que les conséquences ne se traduisent pas directement sur mon corps.
Une personne qui me voit dans la rue est incapable de dire que je souffre d’un trouble alimentaire. Au contraire, le fait que je fasse attention à ce que je mange et que je fasse du sport à crever, c’est même applaudi et encouragé par une partie de mon entourage, qui n’a aucune idée que c’est en réalité lié à une maladie mentale.
De nombreuses conséquences
Les conséquences de l’anorexie mentale sont nombreuses, que ce soit au niveau psychologique ou physique. « Parmi elles, citons l’aménorrhée, soit l’absence de règles, la perte de cheveux, les ongles fragilisés, commence Alexandra Rousselle. Au niveau digestif, des douleurs peuvent apparaître lorsqu’il s’agit de s’alimenter. On remarque également des difficultés pour aller aux toilettes, car il n’y a plus de fibres. À cela, on rajoute de l’anxiété, liée directement au besoin de contrôler son corps et son poids. Et si on perd ce contrôle, les crises d’angoisse peuvent exploser. Cela peut aller jusqu’à développer des troubles dépressifs. J’ai d’ailleurs pas mal d’adolescent·e·s en consultation qui souffrent d’anorexie mentale et qui finissent par s’isoler car les activités sociales tournent bien souvent autour de la nourriture (aller manger un bout, boire un verre...). »
Bien entendu, comme le précise Anne-Claire Jedrzejczak, les conséquences pour une personne ne sont pas les mêmes que pour une autre, surtout d’un point de vue physique. « L’une va perdre ses règles, l’autre pas. L’une va avoir des problèmes gastro, peut-être irréversibles, pas une autre. L’une va perdre énormément de poids et avoir un duvet sur la peau; l’autre ne perdra jamais assez de poids pour être en “sous-poids” selon le BMI/IMC. » Anne-Claire Jedrzejczak cite également parmi les conséquences de l’anorexie mentale l’estime de soi au plus bas ainsi que les pensées suicidaires. « Le suicide est la plus grande cause de mortalité pour les personnes qui souffrent de TCA » rappelle ainsi la spécialiste.
Comment s’en sortir?
Pour Anne-Claire Jedrzejczak, c’est évident : « Il faut faire appel à l’aide aussi tôt que possible. Aller vers des personnes spécialisées, ne pas se décourager si on ne se sent pas écouté·e. – c’est un sujet encore tabou, qui est parfois vu comme de la vanité pure et dure et très mal compris. En effet, on peut vite être remis·e en question parce que notre souffrance ne se voit peut être pas et/ou que beaucoup de comportements maladifs sont normalisés dans notre culture d’aujourd’hui. Cela implique également que parfois, notre famille ou nos amis vont minimiser ce qui se passe. Pourtant, si quelqu’un se sent mal dans sa peau, pense constamment à la nourriture et/ou au sport, perd ses règles, a du mal à se concentrer, calcule ses calories constamment et de façon obsessive, se sent obligé·e de compenser la nourriture par d’autres moyens ou de la restriction avant/après un repas en famille/avec des amis, n’honore pas sa faim, etc. : il est grand temps de recevoir l’aide dont il ou elle a besoin. »
Le chemin peut-être long, mais il en vaut la peine. « C’est très long, avoue Alexandra Rousselle. Cela demande une prise en charge pluridisciplinaire avec un médecin généraliste, un·e psychiatre, un·e psychologue, un·une diététicienne spécialisée et parfois même un·e kiné spécialisé·e afin de (re)travailler le rapport à son corps et reconnecter la personne à ce dernier. Aussi, l’anorexie mentale est un symptôme qu’il y a quelque chose qui ne va pas. On va alors retravailler l’estime de soi, en démontrant que celle-ci ne tourne pas qu’autour du poids. Dépendant de la gravité, le travail va être plus ou moins lourd. » Une démarche corrélée par Anne-Claire Jedrzejczak, qui ajoute également que « des unités spécialisées avec des formes de traitement intensives (hospitalisation – partielle ou complète – maisons spécialisées, etc.) peuvent aussi être des points d’aide. »
En matière d’anorexie mentale, et de TCA de manière générale, les choses ne sont pas tranchées. Se remettre d’une telle maladie mentale prend du temps, et dépendra, une nouvelle fois, de différents facteurs. « Cela va également dépendre de l’investissement : au plus on va dans le travail de manière profonde, au plus on va parvenir à décentrer le regard que l’on a sur son corps » explique Alexandra Rousselle. Lorsque l’on décide alors de se faire aider, il faut accepter que le chemin sera long. Celui-ci sera certainement semé d’embûches, avec des épisodes de rechute, des moments de doute, des instants de panique, mais faire appel à l’extérieur pour s’en sortir constitue une première étape, et non des moindres : celle de vouloir s’élever, et vaincre ses peurs les plus ancrées.
Vous souffrez de troubles du comportement alimentaire ? N’hésitez pas à en parler à votre médecin, ou à faire appel à une aide extérieure.
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